L’UDF cherche son centre
« AU-TO-NO-MIE ! ». La ligne Bayrou a triomphé lors du congrès de l’UDF, fin janvier à Lyon. A cette occasion, une fois de plus, le président du parti centriste a pilonné le gouvernement UMP « avec lequel c’est toujours plus de précarité pour les Français ». Attitude conforme à son refus de voter le budget Villepin à l’Assemblée nationale. « Les Français voient en François Bayrou un homme à poigne et comprennent que ceux qui le suivent n’ont pas froid aux yeux, se réjouit Jacques Rocca Serra, président de l’UDF des Bouches-du-Rhône. Nous ne sommes pas une sous-UMP. Nous ne voulons plus être un centre mou. » Discours de fermeté qui tranche avec l’autre personnalité que lui connaissent les Marseillais en tant que 5ème adjoint de Jean-Claude Gaudin : Jacques Rocca Serra compte parmi les fidèles du maire, le président délégué de l’UMP. « Il faut différencier le discours de l’UDF sur le plan national et sur le plan local et régional, explique Jacques Rocca Serra. Dans le premier cas, l’UDF doit exprimer des idées fortes. Dans le second, la politique du bon sens prédomine. » Pas de coup d’éclat, donc, lors des réunions d’état major du lundi matin animées par Jean-Claude Gaudin, en présence de Renaud Muselier, auxquelles assiste Jacques Rocca Serra. « Comment ne pas être d’accord ? Il ne faut pas tout mélanger », affirme celui qui a mené d’une main de fer la bataille contre la CGT lors du conflit de la RTM, la régie des transports. « J’ai dit au maire, il ne faut pas céder même si le conflit doit durer un mois de plus », se félicite-t-il. En tant que président de l’UDF 13, il est partisan d’une présence généralisée des centristes lors des prochaines élections. « Mais sur des listes disjointes ou conjointes avec l’UMP selon les cas », précise-t-il. Nul doute que le « bon sens » fera pencher la balance vers une liste « conjointe » à Marseille.
C’est l’éternelle question. Le centre peut-il exister politiquement dans un système politique marqué par la bipolarisation ? « Si le clivage droite/gauche n’est pas totalement dépassé, il n’a plus à l’évidence la clarté, ni la vigueur qu’il a eu dans le passé, assure François-Xavier de Peretti (FX2P). L’UDF défend l’idée que des gens venant d’horizons différents doivent accepter de travailler ensemble dans l’intérêt général. » Le 3ème et indiscipliné adjoint UDF d’Aix-en-Provence met ses théories en pratique. Membre de la majorité UMP de Maryse Joissains lors des élections, il mène désormais une opposition frontale. Il a aussi fondé « l’Union pour Aix » pour rassembler des gens venant de tous bords. « Nous avons dénoncé une dérive ultra-droitière manifeste dans les pratiques en cours à la Mairie d’Aix, souligne FX2P. Nous ne soutenons pas une politique qui n’incarne ni nos valeurs, ni l’identité aixoise, ni l’intérêt des habitants d’Aix. » Et d’appeler l’UDF à présenter partout des candidats « pour donner corps à la ligne d’autonomie voulue à la base ».
Député des Alpes Maritimes et président de l’UDF dans le département, Rudy Salles déplore lui aussi « le clivage droite et gauche qui empêche le pays d’évoluer » ainsi que la volonté de l’UMP, à sa création, « de faire disparaître l’UDF de la carte ». A Nice, il s’oppose avec vigueur à Jacques Peyrat, le maire UMP. « C’est un ancien du Front national qui n’a jamais changé d’idées, dénonce-t-il. Avec lui, les gens de droite n’ont plus peur de voter à gauche tant ils rejettent son système, ses méthodes, sa gestion. Nice a besoin d’une alternative de centre droit. »
Reste donc un mystère : pourquoi l’UDF, qui affirme avec force ne pas être de droite, fait-il toujours alliance avec la droite ? « Parce qu’en France, il n’y a pas de centre gauche, répond Rudy Salles. Même Kouchner et Strauss Khan courent après leur extrême gauche. » Peu susceptible d’être accusé de xénophobie, il s’est battu contre Le Pen « sa xénophobie, son racisme », le président de l’UDF des Alpes Maritimes observe « les gros efforts de Philippe De Villiers pour essayer de récupérer les électeurs du FN ». Avec franchise, il reconnaît pourtant que le Mouvement pour la France (MPF) risque de devenir incontournable. « Aux prochaines présidentielles, si on veut que la majorité réussisse, elle devra être plurielle, souligne Rudy Salles. Le MPF de De Villiers pourrait y avoir une place très légitime. » A l’UDF, les frontières du « centre » passent parfois très à droite…
Michel Gairaud