Le modèle californien perdure
Les Niçois n’ont pas attendu le débat public sur le contournement autoroutier de leur ville (1) pour constater qu’on n’y circule plus. Le problème, commun à toutes les villes préexistantes à l’automobile, est ici aggravé à la fois par la situation géographique de la ville, coincée entre la mer et la montagne, et par des décennies de politiques municipales visant à la façonner pour la voiture.
Mais la municipalité Peyrat a décidé de s’attaquer au problème. L’objectif affiché est de réduire la place de la voiture dans un centre ville remodelé. Pour ce faire, nous indique-t-on en mairie, on attend beaucoup du tramway, qui sera livré en 2007. Deux axes seront donc privilégiés : inciter les automobilistes à utiliser le tramway, mais également favoriser la circulation de ceux qui s’y refusent. Des parkings de dissuasion seront créés en bout de ligne, et parallèlement, on va faire en sorte que les voitures circulent mieux et se garent plus facilement. Les travaux de doublement de la voie rapide qui traverse Nice sont ainsi en voie d’achèvement, avant un probable raccordement à l’autoroute A8, à l’ouest, ce qui devrait permettre de réduire la circulation sur la Promenade des Anglais. A l’est, la voie rapide du Paillon sera elle aussi améliorée. Et de nouveaux parkings sont prévus pour compenser la réduction du stationnement en surface.
Si les intentions sont louables, la cohérence de la méthode employée n’apparaît pas immédiatement. Ainsi, le raccordement de la voie rapide à l’autoroute va favoriser son utilisation pour traverser Nice, au détriment de l’autoroute de contournement. Mais surtout, tous les experts savent qu’on ne réduit pas la place de la voiture en favorisant la circulation et le stationnement. Les parkings sont de véritables aspirateurs à voitures, et ce d’autant plus qu’aucune politique de parking résidentiel n’est encore prévue. « On y réfléchit », nous indique-t-on néanmoins en mairie.
En matière de transport, Nice continue donc à appliquer les vieilles recettes héritées des années 60, matinées d’un peu de transport en commun pour faire bien. Ainsi, la voie rapide telle qu’elle se dessine, doublée et raccordée à l’autoroute, était déjà inscrite dans le schéma d’urbanisme dès les années 60, indique Gabriel Jourdan, docteur en géographie et participant au débat public sur le contournement de Nice (2) . « On perpétue le modèle californien », surenchérit Fabrice Decoupigny, maître de conférence en géographie à l’Université de Nice. Pourtant, déplore-t-il, « le schéma directeur réalisé par la Ville en 1996 fourmillait de bonnes idées ; malheureusement, seul 10 % de celles-ci ont été réalisées ».
Le manque d’imagination de la Ville de Nice en matière de transport a particulièrement été criant lors des deux débats publics sur la LGV Paca et sur l’autoroute de contournement. Dans le premier, le sénateur-maire Jacques Peyrat s’est focalisé sur le temps de parcours entre Paris et Nice, avant d’être contraint au compromis par le président du Conseil général des Alpes-Maritimes Christian Estrosi (3) . Dans le second, la Ville n’a rien su proposer d’autre pour décongestionner le trafic automobile urbain que « le renforcement global du réseau routier sur le territoire de sa commune », jugeant « indispensable » « une nouvelle infrastructure de contournement » (4) . Encore une fois, Estrosi a fait preuve d’un plus grand flair en reprenant à son compte la demande de transport en commun formulée par la majorité des participants au débat.
Gilles Mortreux