Foot à Martigues : le but en « or »
A Martigues, la ville du maire PC Gaby Charroux (toujours secouée par l’affaire de l’office HLM, la Semivim), s’il est un domaine où on dépense sans compter, c’est le sport. En témoigne, avec les JO à l’horizon, le demi-million d’euros pour se payer l’ancien entraîneur de la nageuse Laure Manaudou, Philippe Lucas. Une douloureuse qui fait grincer des dents, d’autant qu’elle s’est alourdie : 25 000 euros pour l’utilisation de son image par l’office de tourisme, près de 200 000 euros pour le « système de chronométrage » des piscines. Mais, confie un ancien élu « le maire est un passionné. Il achète L’Équipe chaque matin ! » Et son fils est entraîneur du club de volley.
Mais le navire amiral de la Venise provençale, c’est le FC Martigues, les « sang et or ». Des maillots rouges, normal chez les cocos. De là à ce que l’argent coule à flots… Surtout vu les résultats. Le club n’a connu la D1 que trois saisons il y a trente ans et est en National 2 (en clair, la quatrième division). Deuxième de son groupe, avec une dizaine de points de retard sur le leader, pas sûr qu’il grimpe : « Pour ça, il faut être en tête du groupe », résume un supporter.
Centenaire, le club a une histoire mouvementée. Et quelques « années noires ». En 93, avant la D1, le club était au bord de la faillite. Sera liquidé dix ans plus tard. Et reste marqué par la gestion de 2017 à 2018 de Baptiste Giabiconi, mannequin, chanteur et auto-proclamé « couteau suisse » qui promettait la D2 pour « 2022 ».
Généreux engagements
Mais, après avoir annoncé l’arrivée de Djibril Cissé ou, dans le capital, d’une princesse du Qatar, il sera écarté un an après son arrivée ! Suite à un rapport de la DNCG (la Direction nationale du contrôle de gestion) au vitriol sur sa gestion : « Aucune marge de manœuvre », « absence de structure administrative »… Pire : un match de charité aurait été organisé au profit d’une fondation… qui n’existait même pas ! Le club passe à deux doigts de la relégation. A l’époque, le siège du club avait été touché, comme le mini-bus juste avant, par un mystérieux incendie.
La mairie joue les pompiers et reprend le club en main, en nommant à sa tête l’ancien directeur de cabinet du maire, Alain Nersessian. Autre soutien ? Un mécène d’origine helvétique, Vartan Sirmakes. Consul d’Arménie à Marseille, le patron de la société d’horlogerie de luxe Franck Muller met sur la table 600 000 euros, expliquant à la presse : « Quand on voit des gens aussi engagés, on a envie d’être généreux. »
Mais s’il consent, précise le budget 2021, à un « apport avec droit de reprise de 462 000 euros » c’est pour « couvrir les risques prud’homaux » évalués à « 243 459 euros » ! Car, lit-on dans le document, « les litiges prud’homaux sont toujours d’actualité ». Il n’y a pas qu’aux prud’hommes que le club cartonne. Avec l’Ursaff, un litige de 150 000 euros vient d’être soldé mais un autre du double doit être remboursé. Le FCM, dont la masse salariale avoisine le demi-million, affiche pourtant un excédent de 212 000 euros. Et ce ne sont ni les cotisations (46 000 euros) ni les recettes de match (1 344 euros) ou les abonnements (2 844) qui pèsent.
Le FC a de nombreux sponsors. Outre l’horloger de luxe ou le groupe de médias Maritima (où émarge Nersessian), on compte pas mal d’entreprises du BTP et de l’immobilier. Notamment Pitch ou Imestia par où est passé l’élu Mehdi Khouani. Adjoint de quartier (notamment à Croix-Sainte), celui qui, dans le civil, est promoteur chez Quartus, a discrètement été écarté du conseil d’administration de la Semivim. A noter aussi plusieurs entreprises liées à la Semivim : AEI, Onet…
Nersessian, père et fille
Le principal financeur, c’est la ville. Sur les 3,5 millions d’euros aux associations sportives, un tiers va au club : 1,1 million. Soit l’équivalent du budget moyen des club de N2. Et ce alors que durant cette saison marquée par la pandémie, le club a bénéficié de 55 432 euros du fonds de solidarité Covid, du chômage partiel et de 50 000 euros du département. De quoi faire tousser, notamment l’opposition.
En sus, pour son centenaire, le FC a eu une rallonge de 20 000 euros. Et ce n’est que parce que certains élus de la majorité ont tiqué qu’a été retirée une délibération envisageant, pour 370 000 euros, la construction d’une « salle de convivialité » et, pour 75 000, d’une « salle de musculation ». Au grand dam de Nersessian. Qui, depuis, a fait contre mauvaise fortune bon cœur en rappelant, lors du match organisé pour la journée du 8 mars que, le FCM, c’est une « grande famille ». Une certaine Camille Nersessian s’occupe de la com’ et une autre élue, Laetitia Sabatier, des « relations publiques ».
Passé par la mairie de Port-Saint-Louis et les centres sociaux, Alain Nersessian qui continue d’épauler Charroux au Conseil de Territoire ne goûte guère la critique. Lors de ses premiers vœux, avec le maire à ses côtés, il dira avoir « découvert que le FCM avait énormément d’adversaires ». Émargeant comme l’adjoint aux sports Gérard Frau au PCF 13, il semble plutôt chatouilleux. En 2015, il porte plainte contre la CFDT et le FN qui avaient relayé une photo sur Facebook le montrant manifestant sous la bannière de la CGT. Une plainte qui n’aboutira pas. Deux mois plus tard, le leader martégal de la CFDT est tabassé par des individus cagoulés lui conseillant : « Il va falloir que tu apprennes à te mêler de ce qui te regarde. »
Entre autres choses, il avait demandé au maire et en vain « communication des documents administratifs sur la situation professionnelle et administrative » de son directeur de cabinet. Et de s’interroger dans une lettre à l’édile : « Est-ce pour ça que je me suis fait tabasser ? » Une agression qui rappelle celle subie par une salariée de la Semivim.
Lors du dernier conseil, Frau sera très agressif face aux questions de l’opposition sur les subventions aux clubs sportifs : « Vous croyez pas qu’on va discuter du budget de chaque club », s’étouffe l’élu. Et le maire de prendre la balle au bond, ciblant l’opposant Thierry Boissin : « Ce n’est pas l’inquisition. » Crachant, en voyant ces échanges se faire sous le regard du Ravi : « Vous aurez beau chercher, avec vos amis de la petite presse, la petite bête, ici, ce qui règne, c’est l’honnêteté de A à Z. » A Martigues, on aime le sport mais aussi le « hors jeu ». Au risque du carton rouge ?
1. le Ravi voulait interroger l’adjoint au sport. « Niet » du cabinet. Et le patron du FC Martigues : « C’est sur les aspects financiers ou sportifs ? », nous demande la com’. Les deux : « Pas l’temps », répond-t-on… Pas très fair-play !