La défaite en chantant ?
Avec des intentions de votes pour la présidentielle qui oscillent entre 2 % et 13 %, les militants de gauche à la présidentielle auraient de quoi faire la gueule et être démobilisés ! Pas chez les ultras. A l’image de Khaliedja, Mohamed et Jacky, trois militant-es de Christiane Taubira que l’on retrouve du côté de la Fac Saint-Charles le jeudi 24 février en soirée pour un affichage dans le centre de Marseille, c’est plutôt l’inverse. Alors même que leur candidate est déjà plus proche de la disqualification de la présidentielle que des portes de l’Élysée (1).
« C’est vrai qu’on ne sait pas si on pourra mettre son bulletin dans l’urne, mais ça fait longtemps que je n’avais pas été dans un collectif comme ça », apprécie la trentenaire. Heureuse de faire campagne, comme ses deux compères et les 10 militants Taubira 2022 actifs revendiqués sur Marseille, pour une candidate qui lui ressemble, elle insiste encore : « S’il n’y avait pas de lien social, humain, on ne serait pas là. » « On ne se connaissait pas, et notre relation est devenue plus que conviviale, amicale, confirme Mohamed, un militant PS qui a fait de la campagne son « hobby » pendant sa préparation du Capes. Aujourd’hui, on a été avertis à mi-chemin de Beaucaire que la rencontre avec Christiane Taubira était annulée, mais on a passé trois heures au restaurant à discuter, de nos actions et de choses dont on ne parle pas en famille. » Ce soir, le trio n’a pas par contre prévu de passer la soirée ensemble. Il est trop tard.
Campagne masquée
Chez la France insoumise, leader des sondages à gauche, on n’est pas non plus noctambules cette année. En tout cas dans Alpes-de-Haute-Provence (50 militants actifs revendiqués). La faute à la situation sanitaire et aux injonctions gouvernementales. « On ne se réunit pas dans les bars, il n’y a pas de repas en soirée, mais ça déconne sur les actions, comme le porte-à-porte du samedi matin, assure Léo Walter, un des porte-paroles de la LFI locale. On est une bande qui se connaît bien, souvent des militants multi-cartes, et on bénéficie de l’arrivée d’une nouvelle génération, des jeunes hyper motivés. »
Malgré les sondages ? Une question balayée par le directeur d’école : « Si le PCF était avec nous comme en 2012 et 2017, on serait plus haut qu’il y a cinq ans à la même époque ! La campagne est hyper enthousiaste parce qu’on a le sentiment que cette fois ça peut être la bonne. »
Un sentiment qui ne se retrouve pas du côté des écolos, qui ont du mal à se mobiliser, là encore hors irréductibles. A croire une militante marseillaise, beaucoup sont restés aux apéros distanciels du premier confinement : « Il y a une petite équipe qui se motive, deux-trois militants qui donnent envie, il y a aussi des réunions dans des bars, mais il y a surtout beaucoup de gens qui ont l’impression de se mobiliser en envoyant des mails ou des messages sur des groupes WhatsApp que personne ne lit ! » Selon cette grincheuse, il y a quand même un peu d’émulation : « L’objectif d’être devant Mélenchon crée une dynamique » chez les militants. Il en faut parfois peu…
Challenge au PS
Au Parti socialiste, on ne dira pas le contraire. Alors qu’Anne Hidalgo, sa candidate, est passée sous les 2 % dans certains sondages début mars, l’objectif est d’au moins égaler les 6,36 % de Benoît Hamon en 2017. Si ses 4,12 % réalisés en Paca semblent plus atteignables, ça n’est pas ce challenge qui mobilise les troupes selon Dimitri Biche, le jeune premier secrétaire de la fédération du Var. Alors que certains boudent Anne Hidalgo, comme au PS 13 ou chez des jeunes socialistes, l’étudiant explique : « C’est plus facile de faire campagne et de s’identifier à une candidature socialiste, ça permet de remobiliser, même si l’attente réelle est dans la recomposition, les six ans à venir. » Et de relativiser : « Une campagne, c’est toujours joyeux. » Comme une défaite en chansons…
« Il y a toujours une espèce d’euphorie dans les campagnes », acquiesce le communiste niçois Robert Injey. Et cette année, il y en a beaucoup chez certains militants selon l’ancien responsable du PCF des Alpes-Maritimes. « Une partie des adhérents, les plus âgés, vit une véritable cure de jouvence parce que nous présentons un candidat communiste, explique l’ancien conseiller municipal de Nice. Il me disent que ça les rajeunit de 50 ans, que ça leur rappelle celle de [Jacques] Duclos. » C’était en 1969, le communiste avait fait 21,3 % au premier tour. Lui a plutôt la nostalgie des deux dernières présidentielles, aux cotés de Mélenchon : « Les gens qui s’arrêtent pour parler, les apéros avec 100 à 150 personnes, les meetings à 100 000 personnes, comme à Marseille. »
Fabien Roussel en est loin, avec ses 4 % et ses 3 200 communistes rassemblés début février. « Même s’il fait 5 %, la réalité c’est que le 10 avril on aura Macron pour cinq années de plus ! », désespère Robert Injey. Les gueules de bois accompagnent souvent les fêtes réussies…
1. Christiane Taubira s’est finalement retirée de la course le 2 mars.