J’ai testé pour vous : la sortie du redressement judiciaire du Ravi
La convocation du tribunal judiciaire était très formelle : « En raison de l’état d’urgence sanitaire et s’agissant d’évoquer la simple clôture de la procédure collective, votre présence n’est pas impérative. » Oui, mais comment résister au plaisir d’assister à la fin officielle d’un si long et périlleux parcours ? En novembre 2014, l’association la Tchatche qui édite le Ravi, suite à un retrait (déjà) massif des aides publiques finançant ses actions éducatives et ses projets de journalisme participatif, dépose le bilan. Mais une très forte mobilisation des lecteurs du journal permet d’obtenir une période d’observation puis, en novembre 2015, l’adoption d’un plan de redressement…
Six ans plus tard je retrouve, ce 22 février, Agnès Wanderscheid, administratrice bénévole de l’association, face à l’imposant Palais Monthyon où siège la 9ème chambre civile de Marseille. Elle a eu l’excellente idée de glisser un couteau suisse dans l’une des innombrables poches de son sac. Longue séquence « attaque terroriste » au portique à l’entrée… L’objet du délit est enfin neutralisé. Accueil, droite, couloir, gauche. Nous voilà rejoint par Jean-François Poupelin, grand reporter ravissant, devant la salle Poinso-Chapuis. Il est 14 heures sonnantes. Personne à l’horizon. Aucun rôle affiché. Mais après 2 190 jours, nous pouvons bien attendre quelques minutes de plus.
En famille
Frédéric Avazeri déboule en enfilant sa robe. C’est notre « commissaire à l’exécution du plan ». Administrateur judiciaire en charge, jadis, de la liquidation de La Marseillaise, et, désormais, de la vente du groupe La Provence, le Ravi c’est un peu sa cours de récré. 14h08. Nous entrons tous, à son invitation, dans la salle où la juge, Gwenaëlle Antoine, lance l’audience entourée de deux de ses pairs. « Qui sont ces trois personnes ? », interroge-t-elle, dubitative, en nous pointant du doigt. « Une administratrice, des salariés, nous sommes en famille », balaye Avazeri. Jovial, il offre à la présidente le dernier exemplaire du mensuel.
« Le plan s’est étendu sur une durée très courte, poursuit notre commissaire. Le passif était peu important, 25 000 euros. » Tout est donc très relatif ! Frédéric Avazeri, mentionnant le « soutien très fort des lecteurs », envoie du lourd : « Je veux souligner la motivation et le sérieux sans pareils de l’équipe durant toutes ces années. Je les félicite ! Je plaide pour une fermeture de la procédure. » La juge se demande si le journal est diffusé en kiosque. « Oui mais faites comme moi, il faut s’abonner ! », lance notre meilleur commercial. En neuf minutes chrono, la clôture est prononcée.
Dans le hall du tribunal, Avazeri est toujours aussi volubile, à peine inquiet lorsque nous lui expliquons nos fortes craintes, à court terme, suite à l’absence totale de soutien, en 2021, des collectivités locales pour nos actions associatives : « Seuls 5 % de ceux qui entrent dans un redressement judiciaire en ressortent vivants. Vous faites partie de l’élite. » Assez vivants pour se battre à nouveau afin de ne pas mourir ! Frédéric Avazeri s’éclipse et nous espérons… ne plus le revoir si possible. Direction, pour fêter la victoire du jour, vers une brasserie voisine prisée par les avocats : Le Café de la banque. Ça ne s’invente pas !