Le frigo d’Hubert rempli d’affaires
« Ça n’est pas l’affaire la plus grave, mais c’est celle qui va le faire tomber. » Chez les adversaires d’Hubert Falco, maire divers droite (ex LR) de Toulon et président de la métropole, on en est persuadé : l’affaire dite du « Frigo du Conseil départemental du Var » va avoir la peau de l’ancien ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Une affaire de détournement de fonds publics, dans laquelle Hubert Falco est soupçonné d’avoir bénéficié à des fins personnelles de largesses du « CD 83 », qui pourrait connaître une accélération en ce début d’année. Selon nos informations, l’enquête préliminaire et l’enquête contradictoire ont été closes en fin d’année dernière et les neuf mis en cause commencent à recevoir les décisions les concernant. S’il a confirmé qu’une « décision a été prise sur le dossier », le parquet de Marseille, qui en a hérité, est, par contre resté aussi silencieux que Marc Giraud , l’actuel président LR du « CD 83 », et Hubert Falco sur la teneur des notifications (1).
Mais comme indiqué par Le Canard Enchaîné en fin d’année (22/12/2021), qui a révélé l’affaire en 2019, le procureur en charge du dossier a en tout cas assez d’éléments pour avoir opéré une saisie sur un compte bancaire de l’ancien sénateur, qui a fait appel. Contacté par le Ravi, l’avocat d’un ancien cadre de la collectivité, soupçonné de complicité de détournement de fonds publics, estime lui que le parquet se dirige vers des citations à comparaître, donc des citations directes devant Tribunal correctionnel sans ouverture d’information judiciaire. Mais doute cependant que l’audience ait lieu avant la présidentielle.
Cuisine et dépendance
Si Hubert Falco dénonce un complot, l’affaire devrait lui valoir des poursuites pour recel de détournement de fonds publics (2). Depuis son départ de la présidence du Conseil départemental du Var 2002, qu’il présidait depuis 1994 et le début des ennuis judiciaires de son mentor, le sulfureux Maurice Arreckx, le maire de Toulon et président de la métropole avait pris l’habitude de venir chaque jour déjeuner à la cafétéria de la collectivité. Circonscrite aux années 2015 à 2018, donc sous la première mandature de Marc Giraud, l’enquête préliminaire a montré qu’Hubert Falco a bénéficié de repas préparés par des agents du département du Var avec des denrées achetées par ce dernier non seulement le midi, mais également le soir et les weekends. L’ancien président de la collectivité est également soupçonné d’avoir fait laver son linge par le pressing titulaire d’un marché avec le Département du Var. C’est du propre !
Selon Le Canard, pour les seuls repas, la douloureuse se monte à 1 600 euros par mois, soit 307 200 euros entre 2002 et 2018 ! Poulet de Bresse, entrecôtes de qualité supérieure, côtes de veau ou magrets de canard, des factures tombées dans les bras du Ravi tendent à montrer qu’Hubert Falco ne mangeait pas tous les jours « un bol de riz avec une tranche de jambon blanc » comme le clamait Marc Giraud au début de l’affaire. Si l’actuel président LR du conseil départemental du Var a depuis reconnu l’illégalité des repas du midi, il assure ne rien savoir du reste. Même défense du côté d’Horace Lanfranchi, son prédécesseur entre 2002 et 2015. Également entendu par la brigade financière, il assure au Ravi qu’il n’allait « jamais aux cuisines et ne se souvient pas avoir donné quelque directive que ce soit » au bénéfice d’Hubert Falco. « Quelqu’un a brisé le mur du silence, mais ça n’a pas délié les langues », regrette l’écolo Philippe Chesneau, un ancien vice-président de la Région et militant de la liste d’opposition Toulon en commun (gauche, écolo et citoyenne).
Étrennes et cadeaux
A Toulon, en particulier chez les Marcheurs (voir ci-dessous), on est effectivement très discret sur les affaires du maire de Toulon et président de la métropole. Car Hubert Falco est également mis en cause dans trois autres dossiers. Le plus ancien est celui dit des « étrennes des sénateurs », dans laquelle des dizaines d’autres élus de droite sont soupçonnés d’avoir bénéficié de reversements de moyens de leurs groupes parlementaires. Comme Jean-Claude Gaudin, l’ancien maire (LR) de Marseille, il a été entendu en octobre 2019 sous le statut de témoin assisté, un statut entre le témoin et le mis en examen.
Dans une longue enquête parue en 2020 dans Le Monde Diplomatique, et prolongée en décembre dans Mediapart, le journaliste Simon Fontvieille, avec la complicité de Jean-Baptiste Malet pour le premier volet, relie également le maire de Toulon à deux autres affaires. La première concerne une histoire de faux électeurs dans des bureaux de vote du port militaire aux dernières législatives, ainsi qu’aux élections régionales et départementales de 2021. Selon nos informations, l’enquête préliminaire ouverte sur le scrutin de 2017 aurait été classée mais pourrait être relancée avec la constitution de partie civile de la part de personnes dont l’identité est soupçonnée d’avoir été usurpée.
La seconde, est une affaire de corruption. Selon plusieurs témoignages recueillis par nos confrères, une proche de l’ancien ministre aurait accepté des pots-de-vins (argent, électro-ménager) en contre-partie de l’attribution de logements sociaux. Suite à un signalement du préfet du Var de l’époque, le parquet de Toulon a ouvert, il y a deux ans et demi, une enquête préliminaire. Mais lui aussi reste discret sur le sujet. Contacté, il n’a pas répondu à nos sollicitations.
1. Contactés, Marc Giraud et Hubert Falco n’ont pas plus répondu à nos sollicitations qu’à nos questions.
2. Une représentante UNSA du Département du Var, qui s’était inquiétée des largesses de la collectivité, a, elle, été victime de pressions et même de menaces de mort.