Passer la précarité à la machine
« Ici c’est bien plus qu’une laverie, c’est notre deuxième famille ! Si on a besoin d’écoute, ils sont là. C’est un repaire pour les gens du quartier », sourit Nadia, 49 ans, venue déposer son linge, ce lundi matin. Voilà presque dix ans que la laverie solidaire Au Lavoir, nichée au croisement de deux quartiers populaires lillois, celui de Wazemmes et du Faubourg de Béthune, a vu le jour. Elle est née d’un besoin et d’une demande des habitants des tours HLM du boulevard de Metz, construites dans les années cinquante, dont les logements trop exigus ne permettent ni l’installation d’une machine à laver, encore moins celle d’un sèche-linge. « Les habitants étaient alors contraints d’accrocher les vêtements mouillés comme ils le pouvaient dans les appartements, ce qui causait de l’humidité et à terme de l’insalubrité », explique Laurence Delbarre, médiatrice socio-professionnelle, salariée du lieu. En février 2012, le centre social décide avec la mairie de quartier et Les Eaux du Nord d’ouvrir cette laverie solidaire. « Mais pas que, ils ont voulu en faire un lieu où les gens puissent se réunir. Prendre le linge comme prétexte pour traiter les problématiques sociales », précise Laurence. La structure fait aussi de l’insertion à l’emploi. Comme pour tout autre association, les subventions publiques locales varient selon l’alternance politique. Depuis 2015, le département est passé à droite et privilégie l’insertion professionnelle au social. « Mais l’un ne va pas sans l’autre », sourit la salariée.
« Prendre le linge comme prétexte »
Au rez-de-chaussée, se trouve l’espace accueil et convivialité, les gens y viennent pour se rencontrer, prendre un café, faire leurs démarches administratives… Le mur du fond est auréolé d’une fresque représentant celles et ceux qui font la vie de ce lavoir pas comme les autres. Les machines sont au sous-sol. Depuis 2021, la structure est devenue aussi chantier d’insertion et forme du personnel pour l’entretien du linge. Douze postes sont prévus, sauf que pour cela, il faut agrandir l’espace machines. Le bâtiment qu’ils occupent appartient à la métropole lilloise qui le met à disposition d’Iléo (qui a repris la délégation de l’eau), la laverie est sous locataire. Un mille feuilles complexe, qui s’ajoute là aussi au changement de bord politique de la métropole, ce qui semble bloquer les travaux. Si le projet d’agrandissement des locaux traîne trop, Driss Farahy, responsable du Lavoir, craint de perdre la convention signée avec l’État.
Comme ailleurs, le Covid est venu rebattre les cartes de l’accueil du lavoir, les adhérents ne peuvent plus déposer leur linge eux-mêmes dans les tambours, et l’espace convivialité a été redessiné dans le respect des règles sanitaires. Mais loin de se laisser abattre, la cour extérieure située au pied du réservoir des eaux de l’Arbonnoise – monument classé qui permettait à l’époque d’alimenter les industries textiles – a été investie pour des ateliers jardinage. La crise sanitaire a aussi drainé de nouveaux bénéficiaires, comme les étudiants, les familles monoparentales ou celles et ceux qui vivaient de petits boulots et qui se sont retrouvés sans rien. Au Lavoir compte 1250 adhérents dont 400 personnes en file active. La cotisation annuelle est de 5 euros. « Pour s’inscrire, il faut remplir un dossier qui nous renseigne sur la situation de la personne, souligne Laurence Delbarre. Ça nous permet de faire un premier diagnostic et de voir quelle aide nous pouvons lui apporter. La laverie est un point d’entrée. »