Renaud, Benoît et Martine ne sont pas Ravi !
En 2021 le Ravi et la Tchatche, l’association qui l’édite, ont réussi l’exploit d’unir Renaud Muselier (ex-LR), Martine Vassal (LR) et Benoît Payan (PS). Aucune des collectivités locales qu’ils président – le Conseil régional Paca, le département des Bouches-du-Rhône et la ville de Marseille – n’a soutenu l’édition du mensuel pas pareil ou ses projets de journalisme participatif. Une première en 18 ans d’histoire !
Sans préavis ni explication
Depuis l’élection de Martine Vassal et jusqu’en 2020, le CD 13 nous accordait chaque année 18 à 20 000 euros, soit environ 8 % de notre modeste budget, via son fonds de soutien aux médias associatifs. En 2021 donc : suppression pure et simple, sans préavis ni explication, de cette aide au fonctionnement, l’équivalent pour nous de 450 abonnements ou du coût d’un demi-poste ! L’an dernier nous avons seulement conservé une aide du CD 13 de 3 000 euros pour des ateliers dans les collèges. Pour compléter le tableau : le Ravi, sous Vassal, a été toujours tenu à distance des somptueux budgets communication du département.
A la région sous la présidence de Renaud Muselier, depuis 2017, c’est encore plus simple. Toutes les aides du Conseil régional parfois accordées lors des mandats de Michel Vauzelle (PS) – annonces institutionnelles ou soutien aux actions culturelles – ont été supprimées. Nos nouvelles demandes d’accompagnements sur des projets associatifs ont jusqu’ici été systématiquement ignorées.
Quant à la ville de Marseille, durant 17 ans, sous le mandat de Jean-Claude Gaudin (LR), elle n’a jamais versé un euro au Ravi et à la Tchatche. En 2020, suite à l’élection du Printemps marseillais, c’est donc une grande première : la ville achète de la publicité dans nos colonnes pour promouvoir sa politique culturelle, à hauteur de 12 000 euros (5 % de notre budget annuel). Le début d’un soutien pérenne aux médias indépendants, comme cet engagement figurait dans le programme de la nouvelle majorité ?
Mais en 2021 la promesse d’une « ville plus démocratique » passant par la défense du pluralisme de la presse locale n’a pas été à l’agenda de Benoît Payan et de sa majorité plurielle. Toutes nos demandes de financement – via le soutien à nos actions culturelles, une juste répartition des budgets de communication – ont été ignorées. Heureusement la mairie marseillaise de secteur du 4/5 (Printemps marseillais) a financé à hauteur de 6 000 euros un projet de journalisme participatif, durant l’été dernier, dans un centre municipal d’animation.
Caricature et liberté d’expression
Ce désengagement général interroge alors que la liberté d’expression et la satire sont de plus en plus sous le feu d’attaques. Et pas seulement terroristes. Le seul à avoir publiquement assumé son choix est Renaud Muselier. Interrogé lors de ses vœux à la presse en 2018, il avait répondu : « Je serais ravi de vous aider mais… changement de politique, de stratégie et remise à plat. Vous parlez de la presse mais aussi de votre action dans les territoires. Ce n’est pas dans ma fonction. Et il n’y a pas que vous. Enfin, je ne suis pas là pour subventionner des associations – je ne dis pas ça pour vous – qui ne m’invitent pas, qui ne vont pas dans le sens de notre politique… »
Le président de la région n’a pas peur de se caricaturer ! Auteur d’une biographie sur Daumier, le caricaturiste marseillais, il twittait encore il y a un an un message pour l’anniversaire des attentats de Charlie Hebdo : « six ans après, toujours dans nos cœurs. » Après l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty, il avait même promis à tous les lycéens de Paca et de Navarre un livre sur les caricatures pour la rentrée suivante. La promesse est restée au rang… de promesse.
En février 2015 Martine Vassal assurait au Ravi que « la liberté et la pluralité de la presse sont des fondamentaux » et que l’État devrait obliger les collectivités locales à soutenir la presse associative « de manière digne et transparente » (Cf le Ravi n°127). Un mois après les attentats de Charlie Hebdo, l’actuelle présidente du département était en campagne pour ravir la collectivité au sulfureux Jean-Noël Guérini lui même fâché avec le Ravi…
Toutes les collectivités locales multiplient de grandes déclarations pour défendre la liberté de la presse et d’expression, le droit à la caricature. Sur les murs de la mairie de Marseille flotte toujours la bâche de soutien de Reporters sans frontières à Olivier Dubois, le journaliste otage au Mali. Et, de fait, l’examen des comptes de résultat, entre 2018 et 2020, de la région, du département et de la ville de Marseille rappelle que les sommes consacrées aux médias sont très conséquentes. Si les trois collectivités soutiennent parfois des médias associatifs locaux, ce sont les insertions publicitaires, les annonces légales et les partenariats (salons, événements sportifs…) qui mobilisent les plus gros budgets.
L’opacité est la règle
La Provence, alors propriété du multi millionnaire Bernard Tapie, a ainsi perçu en 2018 plus d’un million d’euros du CD13 (pubs, partenariats événementiels…). La région, le CD13 et la ville de Marseille ont dépensé près de 36 millions d’euros en annonces et insertions entre 2018 et 2020 selon leurs comptes administratifs (compte 6231) ! La palme revenant encore à Renaud Muselier avec 19,5 millions d’euros (55 % du total), suivi par Martine Vassal (9,5 millions), puis la mairie de Marseille (7 millions). Tous ces chiffres sont incomplets. Nous n’avons pas la ventilation entre les titres et les postes. Car en matière de soutien aux médias l’opacité est la règle.
Le Ravi et la Tchatche sont heureux d’annoncer plus de 75 % d’autofinancement en 2021, un résultat extrêmement rare dans le monde associatif. Pour autant le lâchage de toutes les collectivités locales fait peser des risques sur notre avenir. Notre ligne est claire, comme devrait l’être la politique financière de la région, du département et de la ville avec les médias : un média citoyen, indépendant des grands groupes privés, doit être soutenu. Sans contrepartie. Cette aide ne devrait pas être une obole, ni une tentative d’inféodation, mais un choix politique transparent et inconditionné.