Ils voient la vie en rose
Bilan printanier pour les socialistes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, même s’il faut beaucoup nuancer selon les départements et les fédérations. En effet, ces dernières années, les socialistes de PACA ont traversé échecs et succès. Moments d’euphorie comme lors des dernières élections régionales de 2004 qui ont vu la reconduction du socialiste Michel Vauzelle, avec des scores inédits dans des départements considérés comme conservateurs (Alpes-Maritimes, Hautes-Alpes, Var). Mais souvent aussi périodes de déprime, comme lors des législatives de 2002 où le PS est passé de treize députés sortants à quatre élus (deux dans les Bouches-du-Rhône, un dans les Alpes de Haute Provence et un dans les Hautes-Alpes). Autre épisode tout aussi douloureux et plus récent : le référendum sur la constitution européenne du 29 mai 2005 qui a menacé de balkanisation la bruyante famille socialiste.
Aujourd’hui, les beaux jours semblent de retour pour les socialistes de PACA. Et le moral des militants est inversement proportionnel à l’indice de satisfaction d’un gouvernement de droite. « Il est en attente de la publication de l’avis de décès », assène François Fennebresque, patron de la petite fédération des Hautes-Alpes (320 adhérents). Les socialistes relèvent la tête. A travers les fédérations, l’expression « débat d’idées » est dans toutes les bouches. « Dans notre département où la droite détient tous les lieux de pouvoir depuis la libération, il est indispensable d’être à l’écoute des gens, c’est la démocratie participative pour être constamment en phase avec le terrain », affirme Patrick Allemand, secrétaire fédéral des Alpes-Maritimes. Préoccupation également partagée par Michel Pineau. « Dans le Var, il y a un tel différentiel entre la droite, qui détient le Conseil général et les principales villes, et la gauche, qu’il ne peut y avoir d’enjeux de pouvoir que s’il y a consultation permanente des gens pour construire un projet départemental et un vivier électoral », affirme ainsi le secrétaire fédéral en charge de la communication. Même constat pour Eugène Caselli, patron de la puissante fédération des Bouches-du-Rhône : « Tout projet doit être collectif, les propositions remontent régulièrement du terrain, après échanges et dialogues. »
Les termes du débat sont simples. Les militants souffrent et rêvent à la fois, alors ils se réfugient dans les fondamentaux du socialisme à la papa, avec des thèmes traditionnels toujours populaires dans toutes les fédérations. On y parle de générosité, d’égalité et de lutte contre le racisme, de Jaurès et du Front populaire. Et ça marche ! « La solution, c’est de décliner les concepts nationaux au niveau local, avec des exemples concrets pour les gens », explique François Fennebresque. Et le secrétaire fédéral de la petite commune rurale de Chorges (1912 habitants), de donner des exemples : « la défense des services publics, garder les services dans le giron municipal, sensibiliser sur la précarité de l’emplois. » Une dimension sociale que l’on retrouve dans les six fédérations socialistes de la région. « Avec 9.6 % de taux chômage dans les Alpes-Maritimes (11,3 % au niveau régional), c’est devenu la première préoccupation des gens qui veulent des solutions contre la précarité et pour l’emploi durable », constate Patrick Allemand.
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes socialistes ? Dépassés les clivages et les courants ? Enterrée l’opposition entre les partisans du « oui » et ceux du « non » ? Les cadres du parti n’ignorent pas que l’élan amoureux qu’ils mesurent pour le socialisme s’explique en partie par le rejet du gouvernement et le phénomène du « zapping » électoral. « Les socialistes semblent à nouveau faire figure de recours, à condition de ne pas se fourvoyer dans des rivalités stériles », redoute Jean-François Lovisolo, secrétaire fédéral du Vaucluse. Une crainte partagée par de nombreux militants, comme en témoigne ce cadre de la fédération du Vaucluse, qui souhaite garder l’anonymat : « Il faut que certains arrêtent d’instrumentaliser les fédérations pour les mettre au service de tel ou tel présidentiable. On ne peut pas dire aux militants et aux sympathisants de se consacrer au projet alors que les candidats au casting s’entredéchirent. » Écho identique chez François Fennebresque des Hautes-Alpes : « La situation nationale déteint sur le local et les conflits de personnes sont nombreux même dans une petite fédération comme la nôtre. »
La famille socialiste en PACA est comme un grand consortium hétéroclite. Un peu égoïste, un peu schizophrène. Réunissant à la fois des « irréductibles », attachés aux acquis sociaux, et des « opportunistes », voués à la polygamie idéologique. Une des difficultés consiste à trouver les points de convergence entre ces deux tendances. « S’il est nécessaire de reconnaître cette diversité, il est également impératif de la dépasser » résume Eugène Caselli. Le consensus – mou ? – est donc impératif, pour « sortir les sortants ». Et pour que l’alternative socialiste ne se transforme pas en simple alternance…
Rafi Hamal
PARTI SOCIALISTE
Le président du Conseil régional, Michel Vauzelle / 3 présidents de Conseil général (Jean-Noël Guérini pour les Bouches-du-Rhône, Claude Haut pour le Vaucluse, Jean-Louis Bianco pour les Alpes de Haute Provence). Dans les Hautes-Alpes, Auguste Truphène, divers gauche, n’est pas apparenté PS. / 4 députés (Sylvie Andrieux et Christophe Masse dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Louis Bianco dans les Alpes de Haute Provence, Joël Giraud dans les Hautes-Alpes) / 5 sénateurs (Jean-Noël Guérini, Jean-François Picheral, Jacques Siffre dans les Bouches-du-Rhône, Claude Haut, dans le Vaucluse, Pierre Yves Collombat dans le Var) / 2 députés européens (Marie Arlette Carlotti et Guy Bono) / 46 conseillers régionaux « socialistes, radicaux, citoyens et apparentés » / 113 mairies / 14 406 adhérents (Alpes de Haute Provence : 600 ; Alpes-Maritimes : 2000 ; Bouches-du-Rhône : 6786 + 1200 nouveaux ; Hautes-Alpes : 320 ; Var : 1250 à 2000 ; Vaucluse : 1500)
Les socialistes dans tous leurs… États
Le 20 mai dernier, la famille socialiste tenait ses états généraux à Marseille pour définir son projet pour 2007. Avant dernière étape d’une série débutée à Bordeaux et s’achevant à Strasbourg. Au menu ce jour-là : l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche. Objectifs, selon Claude Roiron, secrétaire nationale à l’Education : faire ressortir les grands axes qui seront déclinés en propositions pour le projet final, mais aussi « dissiper les malentendus » avec l’électorat enseignant qui boude le PS depuis avril 2002. Du simple militant au syndicaliste le plus médiatique, comme Bruno Julliard de l’Unef, nombreux sont ceux qui ont répondu présent au rendez-vous. A quelques exceptions « éléphantesques » près : les « présidentiables » ont en effet jugé préférable d’être ailleurs. Jack, pourtant ancien ministre de l’Education nationale, donnait des interviews à… Cannes. Ségolène était sur ses terres de Poitou-Charentes. Laurent et Dominique étaient aux abonnés absents. Seul Henri Emmanuelli a fait le déplacement. Et, bien entendu, François Hollande, toujours fermement agrippé à la barre du navire. « Je ne sais pas où sont les autres ! », a avoué le premier secrétaire. Ses talents de plâtrier au Mans n’ont apparemment guère suffi à résorber les fissures du parti. Qu’importe ! Pour l’instant, c’est le « projet » qui compte. Véritable coagulant, il permet aux socialistes de communier avec les mêmes indignations : « abrogation du texte permettant l’apprentissage à 14 ans, rendre la scolarité obligatoire dès l’âge de 3 ans, réforme des IUFM… ». L’ensemble du projet sera adopté le 24 juin par les militants dans les fédérations. Mais le candidat socialiste, lui, ne sera choisi qu’en novembre-décembre. Cinq mois, durant lesquels le projet, « la garantie politique pour le futur candidat » selon Emmanuelli, ne servira en fait que d’écran de fumée. Car chaque candidat à la candidature publie déjà son livre avec ses propres propositions. En attendant les grandes man?uvres, l’armistice s’est installé au sein des socialistes de la région. Sortis dolents du crêpage de chignon référendaire, chacun s’observe et sait que face au train d’élections qui se présente « il vaut mieux emporter la première si on veut gagner les autres ». D’où la nécessité de l’union. R.H.