Rocher Mistral, un château assiégé
Triomphale, la direction de Rocher Mistral fanfaronne suite aux deux décisions de justice qui lui ont été favorables cet automne. Le 12 octobre, les riverains dénonçant des nuisances sonores ont été déboutés par le tribunal d’Aix-en-Provence. Le 23 novembre, la même juridiction a débouté France nature environnement (FNE 13) qui protestait des aménagements extérieurs au château, réalisés sans permis ou autorisations adéquats.
Nous ayant qualifiés, lors d’un reportage, de « Cnews d’extrême gauche », Frédéric de Lanouvelle le directeur général adjoint de Rocher Mistral (1) ne « souhaite pas commenter » auprès du Ravi. Cordial, il nous adresse néanmoins les communiqués du parc. « Ce jugement montre une nouvelle fois que les attaques organisées des opposants sont illégitimes et relèvent du harcèlement des salariés et des visiteurs de Rocher Mistral », réagit celui du 12 octobre. Le parc d’attraction historique installé dans le château de La Barben, au service de la Provence éternelle et réactionnaire, entend donc bien poursuivre son développement et le fait savoir. Le communiqué du 23 novembre promet « un beau Noël pour ses visiteurs ».
Le maire se rebiffe
A plusieurs reprises, Franck Santos le maire de La Barben avait pris des arrêtés pour signifier le refus d’aménager les espaces extérieurs du château, dits du jardin Le Nôtre et de l’ancien potager. Fin octobre, l’édile a signé un nouveau document « prononçant la fermeture » des deux espaces. Autant d’arrêtés municipaux dont la direction de Rocher Mistral se tamponne. Elle dénonce un « acharnement » du maire. Après la publication de l’arrêté de fermeture, des salariés ont manifesté devant le château avec une banderole affirmant « le maire veut supprimer 80 emplois ».
Ce dernier affirme avoir pris cet arrêté dans le cadre de ses obligations. « Rocher Mistral est une installation ouverte au public (OIP) qui doit faire une demande d’autorisation pour ses manifestations organisées », explique Franck Santos. Une demande dont le parc s’est passé jusqu’à la publication de l’arrêté. En théorie, l’accès au public est conditionné à l’avis des pouvoirs publics sur l’accessibilité et la sécurité des sites. « Je ne suis pas opposé au parc. Ce que je demande, c’est qu’il respecte la loi, comme chaque administré », précise le maire.
Les opposants dénoncent aussi un déni de justice et une complaisance des services de l’État. Pour Jean-Marc Descoubès, l’avocat des riverains, le positionnement du tribunal d’Aix résonne comme « un scandale judiciaire. J’invite désormais quiconque le souhaite à construire sans permis, pas d’inquiétude, c’est légal », a-t-il déclaré à France Bleu Provence. « On a une juge qui ne s’est pas plongée dans le dossier et qui a dû être influencée par le précédent dossier », déplore Stéphane Coppey de FNE 13. L’association environnementale envisage de faire appel. Elle a également porté plainte au pénal pour mise en danger d’une espèce protégée, une colonie de chauve-souris qui gîtait dans le château, et pour les aménagements réalisés sans autorisation.
« Nuisances sonores infernales »
La partie est donc loin de tourner définitivement à l’avantage de Vianney d’Alançon, l’ambitieux et très catholique propriétaire du château. Même si certains riverains jettent l’éponge… Las, un couple de voisins (2) déménage. Ils étaient locataires d’une maison très proche du jardin à la française et de l’ancien potager du château, là où se tiennent les spectacles nocturnes. « On part parce que depuis septembre 2020, on a vécu un cauchemar et on n’est pas entendu par Vianney d’Alançon, témoigne l’époux. On a subi la montée en puissance des travaux sur place à des plages horaires inadmissibles et depuis l’ouverture cet été on subi les nuisances sonores infernales des spectacles. » Peu de temps après la première décision de justice, Rocher Mistral a convoqué un acousticien pour accorder le niveau sonore des spectacles avec la tranquillité du voisinage. Les riverains disent n’avoir aucune garantie que le volume sera vivable lorsque la haute saison fera son retour.
Atteinte à des espèces protégées, au patrimoine, surtourisme, artificialisation de terres agricoles… Sur le fond, les opposants maintiennent leurs critiques. « Lorsqu’on artificialise le potager, ça a un impact sur l’environnement. Je rappelle quand même que c’est une zone inondable et soumise aux aléas de feu importants », expose Stéphane Coppey de FNE 13. « Ce projet a bouleversé la vie du quartier. La santé des riverains, ça fait aussi partie de la sécurité et là ça n’a pas été pris en compte par les pouvoirs publics », affirme Xavier Daumalin de l’association Bien vivre à La Barben, par ailleurs historien à Aix-Marseille université.
Vianney d’Alançon a des soutiens jusqu’au plus haut sommet de l’État. En témoigne la présence de Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d’État au Tourisme venu sur place fin juin lors de l’inauguration de Rocher Mistral. Mais d’importants appuis commencent à s’interroger, voire à refluer. La région pourrait retirer ses subventions, promises à hauteur de 3,35 millions d’euros au titre de l’aide au développement économique. « S’il s’avère qu’il y a un manquement à la loi, nous retirons notre soutien. On ne joue pas avec l’argent public », s’est fendu début octobre le président (ex LR) Renaud Muselier, auprès de Gomet’. Joint par La Tribune de l’art (3), qui fustige les « menaces » que fait peser Vianney d’Alançon sur le château, Stéphane Bern a confirmé ne plus compter y apporter son soutien. Le parrain de la première heure a fait défection.
1. Lui-même ancien journaliste à BFM TV et ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur.
2. Ils ont souhaité que leur anonymat soit préservé.
3. Revue spécialisée, pas particulièrement gauchiste, qui a consacré une série de 13 articles à Rocher Mistral, très critiques sur chaque aspect du projet.