" Je n'aboie pas avec les loups ! "
17:00
le Ravi, après s’être fendu la veille d’un article sur la Semivim, l’office HLM de la ville de Martigues, et ses petits tracas, se gare non loin de l’hôtel de ville de l’autoproclamée « Venise provençale » dont l’architecture n’est pas sans rappeler ce qu’ont fait de pire les urbanistes de la banlieue rouge ou de Brasilia. Et ça souffle dru entre Méditerranée et étang de Berre. Alors on se réfugie dans la mairie dont l’accueil oscille entre Sécurité Sociale et Star Trek. A peine arrivé, bruissent les rumeurs que le point consacré à la Semivim pourrait, à l’instar du conseil municipal de la ville de Saint-Mitre les Remparts (qui y est actionnaire), être reporté et qu’un élu aurait démissionné.
17:30
La salle du conseil se remplit doucement. Dans des fauteuils sortis tout droit du dernier « Austin Power », s’installe une cinquantaine de personnes mais aussi une ancienne de La Marseillaise, une collègue de Marsactu ainsi qu’un grand type tout de noir vêtu hésitant entre cabinet d’avocat et service de pompes funèbres. Pas de Marianne à Martigues mais une maquette de la ville au milieu d’une arène où – on ne sait jamais ! – le demi-cercle de la majorité surplombe celui de l’opposition. Mais, si les représentants de cette dernière sont quasi au complet, il manque une dizaine d’élus dans les rangs de Gaby Charroux. Notamment Gérard Frau, le député communiste Pierre Dharréville, le cégétiste Franck Ferraro ou Sigolène Vinson, élue « société civile », auteure et survivante de Charlie…
17:45
Gaby Charroux annonce le retrait d’un rapport ! Le 11, pas le 7. Ouf ! le Ravi ne s’est pas déplacé pour rien ! Et on n’est pas au cœur du complexe pétrochimique de l’étang de Berre pour rien : ça démarre comme un diesel. Le moteur chauffe doucement. D’abord un hommage puis quelques subventions pour des manifestations sportives, de la plus typique (« la semaine bouliste ») à la plus obscure (les « championnats d’Europe de twirling en Croatie »)… Ce qui est sûr, c’est qu’à Martigues, va y avoir du sport !
17:57
Après une incartade par le monde de la culture (une sub’ pour « les Fadas du Monde », qui n’est pas un club de lecture du journal), voilà le plat de résistance : l’examen du rapport annuel de la Semivim, l’office HLM que le maire de Martigues lui-même préside. C’est donc lui qui s’y colle pour dire en gros que, entre le rapprochement avec CDC Habitat (une filiale de la Caisse des Dépôts) et les diverses opérations de réhabilitation, ça roule. Bon, il y a une « procédure en cours » avec le fournisseur de logiciel de compta mais, désormais, claironne l’édile, « les comptes ont été certifiés ». Et d’évoquer du bout des lèvres le fait que vient d’avoir lieu « une enquête sur les risques psycho-sociaux pour évaluer la qualité de vie au travail »… Mais Gaby préfère d’abord évoquer le rapport provisoire de l’Ancols, le contrôleur des organismes HLM. Pour expliquer que la ville a « un mois pour répondre aux observations », l’Ancols ayant ensuite « quatre mois pour livrer son rapport définitif ». Il balaye les remarques pour mieux rappeler qu’en matière de logement social, la ville va bien au-delà des « obligations ». Et féliciter « la nouvelle directrice dont je veux saluer le travail ». Corinne Dupont, son ancienne directrice de cabinet. Celui d’avant a fini au club de foot qui, malgré les sub’, végète mollement.
18:13
Le maire aborde un « autre sujet, particulièrement préoccupant et qu’un certain nombre d’entre vous, notamment de l’opposition, veulent souligner : les risques psycho-sociaux ». En clair, « la souffrance au travail et le harcèlement ». Ça tombe bien car il vient de recevoir le dernier « audit » après ceux de 2018 et 2019. S’il évacue rapidement ces derniers, il garantit que « l’ensemble des salariés » a pu participer à cet audit mené, en lien avec « la médecine du travail », par un « organisme agréé par l’Inspection du travail ». Les risques identifiés ? « L’intensité du travail », « les rapports sociaux dégradés », les « exigences émotionnelles » (notamment « les tensions avec les locataires »), « l’insécurité des situations de travail » et, « enfin », soupire-t-il, « l’autonomie dans le travail ». « Ce travail va prendre du temps car il y a des situations individuelles complexes mais régulables. » Et de souligner le fait que le cabinet ne fera de signalement « ni à l’inspection ni à la médecine du travail. Une satisfaction que je voulais partager ».
18:19
Le centriste Thierry Boissin attaque en force : « Vous venez de présenter un rapport exceptionnel de la Semivim ! » Le maire s’offusque : « Juste la vérité ! » L’opposant ne se démonte pas, estimant que ce rapport est menacé par une « honteuse et ineffaçable tache ». Et d’évoquer, dans le sillage du mail de cet ancien d’Anticor qu’est Jean Sansone, les articles du Ravi, de Blast… « La tache de boue est sur votre nom, sur cet hémicycle, sur la ville. » Et, évoquant le « harcèlement moral » mais aussi la question des « marchés » ainsi que le « grand banditisme », il interpelle le maire et les élus : « Puisqu’ils ont osé, j’oserai moi aussi. La vérité, je dois vous la demander ce soir. Mon devoir, notre devoir, est de parler. Personne ne doit être complice, personne ne doit ignorer tout cela. » En citant Zola : « Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. »
18:24
Place pour l’extrême droite (RN) à Emmanuel Fouquart qui, lui, cible clairement « la directrice du service du patrimoine de la Semivim, Patricia Baptiste » ainsi que l’association de son compagnon « Martigues Équilibre ». Il parle de « trafic d’influence », de « prise illégale d’intérêt » et annonce avoir mandaté son « avocat pour interpeler le procureur ».
18:26
Au tour de l’élu d’opposition (LR) Jean-Luc Di Maria. Qui, à la lecture du rapport de la Semivim par le maire, lui dit : « Je me suis cru un temps dans le monde des Bisounours. » Lui évoque l’audit de 2019 et les salariés reçus à l’époque. Et lance au maire : « Mais ces problèmes remontent aux précédentes élections. Et c’est vous le patron ! Je n’ai pas de leçon à vous donner. Mais libérez-vous ! Les nuits doivent être compliquées pour vous. Parmi les salariés, il y a des gens qui sont à genoux. La première chose à faire quand on est alerté, c’est une mise à pied conservatoire. Et une enquête ! » Alors, lance-t-il à l’hémicycle, « face à ce rapport, il faut vous opposer ou, a minima, vous abstenir. Car qui ne dit mot consent. »
18:33
Réplique du maire : « Vous ignorez le cadre juridique de notre pays. Tant que la justice n’a pas tranché et faute de preuves, c’est la présomption d’innocence qui doit prévaloir. C’est devant un tribunal que doit être établie la culpabilité, pas à ceux qui sont accusés de prouver leur innocence. On n’est ni aux États-Unis ni à la télé. Moi, je n’aboie pas avec les loups ! » Ce qui ne l’empêche pas de pointer l’ancien directeur, tout en clamant : « Vous connaissez ma probité. Je suis maire depuis 2009. Jamais une affaire judiciaire n’est sortie. Non parce que je suis le roi de la dissimulation. » Et d’en appeler à « l’apaisement ».
18:40
Mais, comme dirait l’autre « si vis pacem, para bellum ». Voilà Charroux d’accuser Jean Sansone de « dénonciation calomnieuse ». La preuve ? « Il n’y a eu aucune action prud’homale ni grève. » Heureux qui communiste… Pour lui, le Ravi n’est qu’une « feuille ». Quant à Radio Zinzine, « faut savoir que ça existe… ». Et de demander à Blast « ses preuves » ! En précisant avoir mandaté le « cabinet d’avocat Racine ». Mais aussi s’être fendu le 3 novembre d’un « signalement au procureur » de faits dont « la Semivim pourrait avoir été victime. Car dans cette histoire, nous sommes victimes ! ». S’il souligne l’usage du « conditionnel », cela ne l’empêche pas de citer non seulement un certain nombre d’entreprises mais aussi les deux salariés incriminés, « M. Baha », « médiateur » à la Semivim et sa compagne, la directrice du patrimoine, Patricia Baptiste qu’il dit avoir convoquée. « Mais, sans preuve, je ne peux procéder au moindre licenciement. »
18:54
Retour de Di Maria qui indique au maire que « le journaliste n’a pas à vous donner ses sources ou ses preuves ». Celui qui, dans le civil est patron d’une société de BTP, s’offusque qu’ait été cité le nom des entreprises. « Mais c’est dans la presse ! », lui rétorque le conseil. Et de rappeler que la directrice était déjà pointée dans le rapport de 2019. Charroux sort de ses gonds : « A cette époque, il y avait un de vos amis directeur de la Semivim, heureusement qu’il est parti ! » Di Maria, ironique : « Alléluia ! »
18:57
La socialiste Sophie Degionanni ne veut pas que « la presse guide [son] action politique » mais avant tout « renouveler sa confiance » au maire. Pour le PC, ce sera Mehdi Khouani, accessoirement promoteur immobilier, de vanter les mérites de la société dont il est membre du conseil d’administration. Pour mieux dénoncer une « tentative de déstabilisation politique ». Au milieu de tout cela, l’écolo Stéphane Delahaye, patron de la minorité au sein de la majorité, est dans ses petits souliers. Lui aussi en appelle à la « justice » tout en se disant « solidaires des salariés » : « On est inquiet car tout ceci heurte nos valeurs politiques. »
19:08
Gaby Charroux veut rapidement passer au point suivant. Au point d’oublier de procéder au vote ! Si sa majorité vote comme un seul homme, l’opposition se prononce contre. Le maire relève qu’il y a une abstention : « Vous êtes prudente. Vous avez raison. Car oui, ça pourrait continuer devant les tribunaux pour diffamation. » A notre gauche, l’homme en noir qui a doctement consigné l’ensemble des débats referme son ordinateur et quitte la salle…
19:09
La jeune adjointe en charge de la com’ Camille Di Folco présente le rapport annuel de Maritima Médias. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne va pas fort pour la radio-tv martégale. La faute au Covid, dit-elle. En 2020, la société qui a participé au rachat de La Marseillaise affiche un déficit d’un demi-million d’euros ! Soit à peu près la somme que la ville de Martigues débourse pour se payer les services de l’ex-entraîneur de la nageuse Laure Manaudou, Philippe Lucas ! Pour 2021, elle vise une perte de 160 000 euros. Grâce notamment à un « prêt garanti par l’État de 500 000 euros ». Charroux, qui préside aussi Maritima, assure : « On ne laissera pas mourir ce qui est un service public. Mais s’il le faut, on se repliera sur ce qui est le cœur de notre activité, Martigues. » En ligne de mire donc, la radio arlésienne 3DFM que Maritima a rachetée et l’antenne marseillaise qui vient à peine d’être lancée.
19:24
Retour de Sophie Degioanni pour le bilan de l’office de tourisme martégal. Pas terrible non plus, Covid oblige. Ce qui n’empêche pas l’élue de demander une rallonge de « 25 000 euros » pour « l’utilisation de l’image de Philippe Lucas ». L’opposition ne daigne même plus protester…
19:33
Un conseil municipal décidément placé sous le signe de la bonne humeur puisque le premier adjoint, Henri Cambessedes, se félicite du recrutement d’un nouveau… croque-mort !
19:34
Après un détour par l’urbanisme pour préfigurer la mise en place d’un sentier DFCI afin de protéger le village des Tamaris marqué par un gros incendie, Charroux reprend la main pour proposer que le stade nautique qu’il vient d’inaugurer dans la perspective des JO s’appelle « Avatica », l’édile se lançant dans un exercice périlleux d’étymologie et de naming. Boissin, taquin, le tacle : « Vous nous demandez notre avis mais la décision est déjà prise. » Et une collègue de Di Maria d’enfoncer le clou : « Le nouveau bassin, c’est très bien mais vous avez doublé les tarifs de la piscine ! » Le maire assure que cela ne concernera que « les personnes extérieures à Martigues ».
19:47
Pour annoncer que la ville communiste va accorder aux commerces la possibilité de « déroger au principe du repos dominical » quatre jours dans l’année, c’est Stéphane Delahaye qui s’y colle. Et là encore, on ne le sent pas très à l’aise, expliquant que cette année c’est « quatre », mais que l’année d’avant c’était « cinq », bien que, pour les « commerces alimentaires de plus de 400 m2 », il faut rajouter « trois jours fériés. Et puis, de toute manière, ce sont des commerces qui ont déjà le droit d’ouvrir les dimanches matins »…
19:48
Décidément, à Martigues, on a le sens de la fête. Le premier adjoint annonce une convention pour une exposition consacrée à « la santé des enfants exposés aux violences familiales ». Une exposition sur, insiste-t-il, ces « victimes oubliées ». Un ange passe…
19:50
Seul moment un peu léger : à la faveur d’une délibération consacrée aux nouvelles dénominations de rues à Martigues, l’élu en charge de la voirie, Roger Camoin (plus très jeune…) se prend un méchant fou rire à l’évocation de « l’impasse Louison Bobet ». Le premier adjoint ne lui lance pas : « Vas-y Louison ! » Mais un méchant : « Un peu de sérieux, Roger… »
20:00
Plus personne n’écoute le premier adjoint évoquer travaux à venir et autres « avaloirs ». Charroux est pressé de clôturer le conseil. Dans la soirée, Maritima, docile, se fendra d’un article intitulé : « Semivim : Gaby Charroux attend des faits et des preuves. »
De haut en bas : Gaby Charroux, le maire (PCF) de Martigues, croqué en « ravi » par Ysope puis par Trax ; Thierry Boissain, conseiller municipal d’opposition (liste Modem-LREM) ; Jean-Luc Di Maria, conseiller municipal (LR) d’opposition, les deux derniers également dessinés par Trax.