« Terminator » sème l’effroi à la Région
Vendredi 1er mars, jour de sortie du Ravi, la Région Sud, présidée par le député européen LR Renaud Muselier, va vivre un événement historique : la première grève reconductible de son histoire (jusqu’au 15 mars) ! Une réplique violente d’une fin janvier déjà très animée. Plusieurs centaines d’agents s’étaient mobilisés contre la reforme de la prime de fin d’année, qui prévoit une décote de 107,50 euros par jour à partir du 6e jour d’absence et une suppression totale au-delà du 25e. CGT et FSU avaient également envahi la Direction générale des services (DGS) suite à l’annonce en comité technique du non renouvellement des CDD.
Trois ans après la victoire de Christian Estrosi sur Marion Maréchal (nous voilà) Le Pen et le retour de la droite à la tête de la collectivité, les agents affirment subir à plein la réorganisation des services initiée par l’actuel maire de Nice et toujours premier vice-président de la Région. Une restructuration de grande ampleur : réduction du nombre des directions, des services et des effectifs, remise à plat du temps de travail, déménagement à la Joliette, nouvelle chaîne hiérarchique avec une place prépondérante du cabinet dans la prise de décision…
Et puis le management du nouvel homme fort de la collectivité, Franck-Olivier Lachaud, le directeur général des services depuis le 15 mai 2018, est mal vécu par de nombreux salariés. Proche de Renaud Muselier, dont il a été le chef de cabinet lorsqu’il paradait au secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères (2002-2005), ce quinquagénaire arrive du département de la Somme où il a aussi dirigé les services après plusieurs passages dans des ministères (de droite comme de gauche) et un parcours dans la préfectorale, où il semblait stagner (1). « A mon retour suite à un arrêt, c’était l’apocalypse, assure une cadre de la Région Paca qui a souhaité garder l’anonymat (2). Son prédécesseur était un haut fonctionnaire froid, mais il connaissait les dossiers. Avec lui, c’est brutal et sans discussion possible. »
Apocalypse Now
Si Yves Couston, le secrétaire général de la CGT du Conseil régional, considère que « le problème est plus la politique mise en place par Muselier que son DGS », d’autres au sein de la CGT, deuxième syndicat derrière la FSU, pointent directement le directeur général des services (3). Selon plusieurs témoignages, Franck-Olivier Lachaud sèmerait la terreur dans les services. Et si personne n’utilise le terme de harcèlement, tous mentionnent un comportement brutal et méprisant avec les agents. « Il s’est lui-même décrit comme autoritaire et colérique, témoigne ainsi un autre cadre de la collectivité encarté à la CGT. La première chose qu’il demande, c’est à quoi sert telle ou telle mission, comme si elle est a priori inutile ; il noie aussi les chefs de service sous les injonctions et les demandes de notes, à remettre en urgence mais sans qu’ils n’aient de retour. » Certains sortiraient de réunion en larmes, au moins un directeur aurait été viré en réunion… Une situation que confirme Frédéric Quet, le secrétaire général de la FSU du conseil régional, qui parle d’un « management à la hache, d’un autre âge » et demande « le rétablissement d’un vrai dialogue social ».
Des récits qui ne surprennent pas dans la Somme, où Franck-Olivier Lachaud a mené une réorganisation au pas de charge et gelé pour quatre ans l’indemnité de fonction, de sujétion et d’expertise. Une « refondation », selon sa feuille de route, qui a rassemblé une intersyndicale contre lui ! « Tous les syndicats se sont retrouvés pour combattre la réorganisation des services, se souvient Benoît Delespierre, journaliste au Courrier Picard, qui a suivi l’actualité de la collectivité lorsque Lachaud en était le DGS. Très rapidement on nous a dit qu’il était brutal, que des gens étaient en souffrance. Il pouvait entrer dans un bureau et pointer des photos de famille ou le nombre de stylos d’un agent. » Et de noter : « La CGT est passée devant FO aux dernières élections professionnelles, c’est un signe. »
Management au lance-flamme
« On a été un peu soulagé lorsqu’il est parti », reconnaît Arièle Dacquet, de la CGT du CD 80. Et la syndicaliste de rappeler : « Il suivait les directives de la présidence, mais ça a été très compliqué avec lui. Plusieurs directeurs sont partis, moins de cadres avaient la délégation de signature, quand on lui parlait de la souffrance des agents ça glissait sur lui… » « Lachaud, c’est un Terminator sans scrupules, acquiesce-t-on du côté de chez Sud. Il a baissé le nombre de postes de 50 par an, il a réorganisé les services sans aucune concertation. 62 % des Centres médico-sociaux ont été fermés, certains dans des quartiers prioritaires ! » Et d’assurer : « Avec lui, les arrêts maladie ont augmenté. Il n’a aucune considération pour les agents comme pour la population et les services publics. »
« Il a été pris pour ça, ses méthodes étaient connues, affirme Michèle Vernay-Vignon, la secrétaire générale de FO du CD 80. On avait même demandé aux élus à ce qu’il assouplisse son management. » « Il y avait un grand silence sur tout ça », rappelle encore Benoît Delespierre du Courrier-Picard. Un peu comme au Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, où beaucoup attendent en silence, ou espèrent, un départ rapide du DGS.
1. Contactés, Renaud Muselier et son cabinet n’ont pas répondu à nos sollicitations.
2. Comme quasiment tous nos interlocuteurs. La collectivité est très à cheval sur l’obligation de réserve de ses agents, au point d’avoir la convocation en conseil de discipline facile.
3. FO et la CFDT n’ont pas donné suite à nos sollicitations.