Guerres de succAIXion
Alors que Maryse Joissains, la maire LR d’Aix-en-Provence, saura fin mai si la cour d’appel de Montpellier confirme ou non sa peine à un an de prison et 10 d’inéligibilité pour « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêt », vient de se tenir dans sa ville le Festival du film judiciaire ! Et le site web de la mairie d’en faire la promo avec, pour visuel, un visage féminin accompagné de ce titre : « La mauvaise réputation. » [Cet article a été publié dans le Ravi 172 daté d’avril 2019. Au moment où nous le republions la Cour d’appel de Montpellier vient de confirmer la condamnation de Maryse Joissains, mais a réduit nettement sa peine à 6 mois de prison avec sursis et 1 an d’inéligibilité. La maire LR d’Aix-en-Provence plaidait la relaxe et compte se pourvoir en cassation. Une procédure qui lui permettrait de gagner du temps jusqu’aux prochaines échéances municipales.]
De quoi faire grincer des dents dans une ville en chantier qui a tout du champ de bataille. Une bataille politique qui, comme souvent ici, passe par la case « justice ». Si ce n’est que le calendrier s’est accéléré. Au risque de l’emballement ? Lors du dernier conseil municipal, le 21 mars, l’absence de Maryse Joissains – et de sa fille Sophie – ne passe pas inaperçue. Même le 1er adjoint, Gérard Bramoullé, qui la remplace au pied levé, est troublé. Officiellement, elle « a fait une chute et s’est foulée la cheville ».
Brigade et cabale
Au côté de Bramoullé, l’élu à l’urbanisme, Alexandre Gallèse, ne pipe mot et part avant la fin. Il n’entend pas son collègue justifier la suppression de la subvention à la Ligue des droits de l’Homme pour expliquer, en reprenant les arguments du FN, qu’à Aix, on n’aime guère les « associations politiques ».
Or, la sienne, Reflaixion – qui lui permet d’animer, avec « paëlla » et « galette des rois », la vie politique de la 14ème circonscription – est au centre de toutes les attentions. Une asso-ciation où l’on trouve deux autres élus, Eric Chevalier et Stéphane Paoli, ce dernier préci-sant d’emblée : « Attention, je ne fais pas partie de l’association chargée du finance-ment ! » En l’occurrence, ADF Reflaixion, dirigée par François Dussol et son épouse, un couple œuvrant essentiellement dans l’immobilier.
Emblématique ? Pendant le conseil, Gallèse ne peut s’empêcher de relayer sur Facebook une publication d’Allô Vitres, une des sociétés du couple… Des liens qui interrogent autant la brigade financière que l’association Anticor qui, suite à des dénonciations ano-nymes, s’est fendue d’un signalement au procureur.
Dénonçant en substance une cabale politique et apparaissant pour le moins isolé, Gal-lèse a refusé de répondre autant à Anticor qu’au Ravi. Conseiller départemental et adjoint à la Duranne, un des quartiers en pleine mutation, Jean-Marc Perrin n’apprécie guère plus d’être interrogé. Alors, certes, à en croire une lettre qui a fuité, Maryse Joissains veut croire, tout en fustigeant l’avocat général, en sa « baraka ». Mais, le matin de l’audience à Montpellier, sa fille, Sophie, disait à la radio qu’elle avait « très envie » d’être candidate à la mairie d’Aix. Une déclaration diversement appréciée.
Les marcheurs piétinent
À gauche, « Démocratie pour Aix », qui vient de se fendre d’un tract sur 30 ans de « chro-niques judiciaires du système Joissains », ironise : « Quand Joissains va bien, elle est candidate. Quand ça va mal, elle envoie sa fille. L’essentiel, c’est maintenir la lignée. » Mais, à droite, même si Bramoullé confesse qu’il la soutiendrait, l’ex-député LR Christian Kert ne cache pas que l’annonce a pu paraître « prématurée ».
Pour celui qui se veut « au-dessus de la mêlée », « la confusion est telle que tout semble à la fois périmé et prématuré. Périmé car le bilan ne peut qu’être relégué au second plan. Prématuré parce que tout, dans ce contexte, interdit de préparer la suite. Et même si, d’après Machiavel, c’est au prince d’apaiser les troubles qu’il a fait naître, on ne peut ni se substituer à la justice ni en faire fi. Qu’importe ceux qui confondent vanité et ambition. En politique, la règle, c’est moins « je veux donc je peux » que l’inverse. »
Un adage, qui, dans une ville où LFI et le RN sont groupusculaires, ne peut que réson-ner à gauche. Symbolique : le jour où l’on a rendez-vous au local de Démocratie pour Aix, son leader, Edouard Baldo, se fait porter pâle pour… raison médicale ! Alors, certes, son comparse Lucien-Alexandre Castronovo met en avant le besoin de candidats qui ont « de l’expérience ». Mais, sans même parler des divisions classiques dans la galaxie socialiste, l’âge du « capitaine » est loin d’être accessoire. Notamment pour l’élue de la société civile Charlotte de Busschère. Qui dit autant le besoin de « sang neuf » que la « fatigue des Aixois face aux affaires ».
Candidat à la mairie, le député LREM Mohamed Laqhila « refuse de commenter les affaires. Ce que je sais, c’est que ce n’est bon pour personne ». Ce qui ne l’empêche pas de vouloir, à travers une « candidature d’ouverture », « rassembler ». Pas gagné ! Car ni sa collègue la députée Anne-Laurence Petel, ni l’association « Ensemble pour Aix » (où l’on trouve l’ex-patronne d’En Marche 13, Corinne Versini), ne semble goûter son initiative.
Si, un temps, Charlotte de Busschère a pu se rapprocher de Laqhila, elle s’en est depuis éloignée : « Le problème, c’est qu’il est marseillais ! Et donc qu’il ne connaît guère Aix. De surcroît, je ne suis pas sûre qu’il ne soit pas prêt à faire alliance avec la majorité. » Et si, elle aussi, plaide pour le « rassemblement », elle craint de voir les troupes de LREM dis-persées, « les mêmes divisions qu’au PS ». Pas question donc de « sortir du bois. Pour l’heure, il n’y a que des coups à prendre ». Et la distribution a déjà commencé. C’est d’ailleurs à croire que c’est l’opposition qui gère le site web de la mairie. Qui, fin mars, fait la retape pour une exposition intitulée « Anguille sous roche ».
Sébastien Boistel
Enquête publiée dans le Ravi 172 daté d’Avril 2019