A Arles, Oui-Oui dit non à ses troupes
« Nous ne vous reconnaissons pas monsieur le maire », lance Nora Mebareck, conseillère municipale d’Arles (13) dans la majorité et première secrétaire PS des Bouches-du-Rhône. Une ambiance glaciale préside à ce conseil municipal du 28 novembre. Quelques jours plus tôt, Hervé Schiavetti (PCF) a annoncé dans La Provence, sans en informer ses collègues, qu’il renonçait à organiser la consultation citoyenne sur l’intégration du Pays d’Arles à la métropole-département dont il avait pourtant approuvé le principe…
L’opposition s’en donne à cœur joie. « Sommes nous certains que les délibérations votées ce soir soient respectées ? », s’inquiète Cyril Juglaret (LR). Même dans la majorité, les présidents de groupe demandent des comptes. « Les citoyens méritent d’être consultés comme dans d’autres communes du Pays d’Arles », lance David Grzyb (SE), président du groupe « Arles, des avenirs à partager ». Mais la sensation vient de Nicolas Koukas (PCF), le dauphin du maire : « Je n’aurais pas imaginé exprimer un désaccord politique sur un sujet aussi important que la démocratie », regrette t-il en soulignant « la douleur que je ressens à faire cette intervention ».
De plus en plus isolé…
L’air n’a jamais été aussi froid en salle d’honneur. Méthodiquement, sans un mot plus haut que l’autre, le maire justifie sa décision. Selon lui, la modification du calendrier qui repousse la nouvelle réforme des collectivités après les élections de 2020, rend « la consultation caduque ». Mais rien n’y fait et deux des trois groupes de la majorité se lèvent et quittent le conseil. Une première depuis 2001 et l’arrivée d’Hervé Schiavetti aux manettes. Seul Nicolas Koukas et les fidèles du groupe « Vive Arles » restent jusqu’au bout.
« C’est incompréhensible », commente encore aujourd’hui David Grzyb. « C’est lui même qui crée le désordre dans sa majorité, c’est un suicide politique, s’étonne Nora Mebareck. Il a toujours eu sa méthode : il décidait à la fin, mais il laissait place au débat. Alors que depuis deux ans, le budget nous arrive sur la table sans avoir droit au chapitre. » L’affaire de la consultation annulée ne serait qu’un symptôme. « A la mairie, plus personne n’ose lui parler », avoue un élu de la majorité. « Il n’écoute plus rien », renchérit un proche.
… et colérique !
« Le maire est de plus en plus isolé et autoritaire », reprend Nora Mebareck sonnant l’alarme. « Une majorité peut très bien fonctionner sans être monolithique ou uniforme », se défend, par écrit, Hervé Schiavetti. Il renvoie ces colistiers à des « positionnements politiques » à la veille d’échéances électorales. Mais si, pour le maire, tout est politique, les dossiers s’entassent.
Cet été, au dernier moment, Hervé Schiavetti refuse de prêter la cour de l’archevêché au festival Zin Zan. L’événement est pourtant calé depuis des mois et annoncé dans le guide estival de la ville. David Fauci, un des organisateurs, se souvient encore d’un rendez-vous surréaliste dans le bureau du premier magistrat. « Il nous a crié dessus sans laisser place à la discussion. Il répétait “et vous, vous en feriez quoi du pouvoir ?” et nous a viré en moins de deux minutes. » Pire encore, l’épisode connu dans les couloirs de l’Hôtel de Ville, où il a joué la provoc’, tête contre tête, avec un élu venu demander une augmentation de budget.
Des dossiers restent en souffrance comme celui de la construction de parkings. L’adjoint à l’urbanisme David Grzyb assure avoir apporté des solutions « mais le maire a refusé, il veut s’en occuper directement avec son directeur général des services ». Le circuit clos… tourne en rond. Maja Hoffmann, l’héritière des laboratoires Hoffmann-Laroche, qui investit des centaines de millions d’euros sur la ville, s’inquiète publiquement. Son centre d’art contemporain doit être inauguré en 2020 et n’a toujours pas de solution identifiée de stationnement.
Autant de blocages qui pourraient conduire à une démission collective du conseil municipal ? « Hervé Schiavetti a une date de péremption, c’est le printemps 2020 », rétorque David Grzyb, élu de la majorité qui ne veut pas précipiter la « fin ». Mais le maire, qui n’a connu que la politique, ne compte pas s’arrêter là. Certes, il a promis que ce troisième mandat de maire était le dernier, mais il veut maintenant conserver un strapontin. « Je souhaite figurer sur la liste conduite par Nicolas Koukas », affirme t-il. Sauf que le dauphin ne l’entend pas de cette oreille !
Cyril Juglaret (LR) persifle : « à Marseille Hervé Schiavetti est pro-métropole et à Arles, il entretient l’ambiguïté, il n’a jamais critiqué la métropole frontalement ». Tout faux répond Hervé Schiavetti : « Monsieur Juglaret doit confondre avec quelqu’un d’autre. » Et de préciser, en ménageant le taureau et le matador : « Ma position est constante : la ville d’Arles et le Pays d’Arles doivent conserver et développer leurs compétences tout en demeurant dans le département des Bouches-du-Rhône. » Entre les repas avec Martine Vassal (LR), présidente du département et de la Métropole, ou les blagues avec Jean-Claude Gaudin, « il a le don de donner à tout le monde ce qu’il a envie d’entendre, s’agace Cyril Juglaret. Ce n’est pas pour rien que les gens l’appellent oui-oui, mais il n’a pas de colonne vertébrale ».
Dans la salle des pas perdus de l’Hôtel de ville, des élus de la majorité organisent, sans les moyens de la commune, la fameuse consultation. La question ? « Êtes-vous favorable à un Pays d’Arles hors métropole ? » Il fallait répondre oui ou non. Le maire n’est pas venu voter.