La lente conquête du pouvoir
En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les femmes sont majoritaires. Elles représentent 52,19 % de la population. Elles réussissent aussi mieux leur scolarité avec un taux de diplôme au baccalauréat supérieur de 4,7 points à celui des garçons. Et pourtant, ensuite ça se corse. Elles deviennent minoritaires dans les filières sélectives post-baccalauréat et ont, statistiquement beaucoup plus de mal à trouver un emploi que les hommes. (1)
Alors quand il s’agit d’accéder au « pouvoir », l’inégalité entre les hommes et les femmes se creuse encore. Sur les 958 communes de la région, on ne compte que 145 femmes maires. Soit 15,14 %, près d’un point en-dessous de la moyenne nationale. C’est dans les Hautes-Alpes (05) qu’elles sont proportionnellement le plus présentes : 19,19 %. A l’inverse, elles ne sont que 8,4 % dans les Bouches-du-Rhône (13). Dans ce département, seules 10 municipalités sur 119 sont dirigées par des femmes. Mais c’est aussi là qu’est située la plus grande ville de Paca administrée par une maire : Aix-en-Provence (142 000 habitants) avec Maryse Joissains-Masini (LR) depuis 2001.
« Ça changerait de tous ces machos »
Dans les trois villes les plus peuplées de la région, Marseille, Toulon et Nice, les femmes élues sont cantonnées à des fonctions d’adjointes ou dans l’opposition. C’est le cas de Nora Preziosi, conseillère municipale à Marseille (LR), adjointe déléguée à la Jeunesse et aux droits des femmes. Pour elle, il est temps de voir une femme diriger la plus grande ville de la région. « Ça changerait de tous ces machos, assène-t-elle. La femme a une place incontournable dans la société. Alors, pourquoi ne pas lui donner plus de place en politique ? » Elle espère ainsi que Martine Vassal, présidente (LR) du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et d’Aix-Marseille Métropole, représentera son parti aux élections municipales de 2019 à Marseille. « C’est une femme très courageuse. Si elle se présente, je la soutiendrai », assure-t-elle.
Largement minoritaires dans les mairies de la région, les femmes sont proportionnellement mieux représentées parmi les députés de Paca : 45,24 %. C’est au-dessus de la moyenne française (38,8 %). Dans les Alpes-de-Haute-Provence (04), les deux sièges sont même occupés par des femmes. Il n’y a que dans les Bouches-du-Rhône que la part de femmes députées n’atteint pas 40 % (37,5 %).
Cécile Muschotti (LREM) fait partie des 19 femmes élues en Paca lors des législatives de 2017. Plutôt satisfaite par le nombre de femmes têtes de liste au niveau parlementaire, elle regrette cependant qu’ « on leur donne souvent des délégations moins importantes, stéréotypées ». A l’Assemblée nationale, la députée de la 2ème circonscription du Var est, entre autres, membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes. « Nous y communiquons avec nos collègues femmes, mais aussi avec les hommes, souligne-t-elle. Pour faire évoluer la situation, il faut aussi les impliquer. » Elle pense, par ailleurs, qu’il est indispensable de stimuler l’ambition des femmes politiques. « Le danger, c’est d’intérioriser les inégalités et les stéréotypes et de ne pas prétendre à des délégations plus importantes, prévient Cécile Muschotti. Pour éviter ça, c’est important de se réunir entre femmes et d’échanger pour se motiver ensemble. »
Les dirigeantes d’entreprises de la région misent aussi sur les réseaux. Comme celles qui adhèrent à FCE France (Femmes chefs d’entreprises) qui a pour « objectif de sensibiliser les femmes à la prise de mandat à la chambre de commerce ou au tribunal de commerce, par exemple, explique Aurore Sun, présidente de la délégation Marseille du réseau qui compte 250 adhérentes dans la région. C’est dans ce type d’instances qu’on peut conquérir une forme de pouvoir, être partie prenante ». Directrice et fondatrice de la société Spark Relations Publics, Aurore Sun est, elle-même, élue à la CCI Marseille Provence. Par son expérience, elle constate que « les femmes prennent moins de risques. Leurs entreprises sont généralement plus pérennes. Mais elles empruntent moins et sont aussi moins sollicitées par les banques, donc leurs entreprises se développent moins vite ».
Autre réseau féminin actif en Paca, Femmes 3000 organise conférences et tables-rondes sur la place des femmes dans la société. « Nous avons un rôle de lanceur d’alerte », résume Dominique Mucchielli, présidente de l’association dans les Bouches-du-Rhône. En 2016, cette conseillère patrimoniale a organisé le « Carrefour des mandats ». Une opération destinée à accentuer la place des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Elle a notamment conduit, dans les Bouches-du-Rhône, à la constitution d’un annuaire d’une trentaine de femmes compétentes pour endosser des fonctions d’administratrices. « Nous en avions assez d’entendre qu’on ne trouvait pas de femmes motivées pour intégrer des conseils d’administration, raconte Dominique Mucchielli. Beaucoup ont hésité à se lancer, mais celles qui l’ont fait et siègent aujourd’hui ne regrettent pas. Ce sont des exemples à suivre. » De quoi alors peut-être soulager les hommes qui croulent sous le poids du cumul des mandats…
1. Rapport de l’Insee de mars 2017