Le maire fait son marché (de Noël)
Le marché de Noël de Salon-de-Provence (13) s’est ouvert samedi 24 novembre. Mais les festivités ont débuté avant entre le maire, Nicolas Isnard (LR), et l’un des élus d’opposition, Philippe Sanmartin (« Agir, la droite constructive »). Depuis le conseil municipal du 11 octobre, ce dernier exprime ses doutes sur la régularité d’un marché public relatif aux animations de Noël dans la ville. Divisé en 3 lots et passé selon une procédure adaptée, celui-ci a été attribué par le maire lui-même, sur délégation du conseil municipal, le 1er octobre. Le montant total du marché atteint 72 000 € pour des prestations de fanfares, de déambulations de mascottes et l’installation d’un village du Père Noël.
Plusieurs points de la procédure d’attribution chagrinent Philippe Sanmartin qui est, par ailleurs, directeur général des services (DGS) à la mairie LR de Venelles (13). Il considère notamment que les clauses techniques du cahier des charges sont beaucoup trop détaillées et ne laissent « aucune initiative aux candidats ». On y trouve en effet des précisions plutôt étonnantes, comme, par exemple, les dimensions de chacune des 5 structures qui doivent composer le village du Père Noël, ou même l’emplacement des projecteurs pour l’illuminer. Quand on sait que les prestataires qui ont remporté l’appel d’offres ont déjà été choisis en 2016 et 2017, il y a effectivement de quoi se poser des questions.
Mise en concurrence « pipautée » ?
« Si les besoins de la collectivité sont trop précisément définis dans le cahier des charges, les candidats auront du mal à y répondre, estime Me Brice Michel, avocat en droit public au barreau de Marseille. Une commune qui chercherait à favoriser un candidat pourrait en effet théoriquement donner des critères ultra-précis dans son appel d’offres. Ainsi, seul le prestataire voulu pourrait y répondre correctement. » A Salon-de-Provence dans les 3 lots du marché public en question, la valeur technique compte pour 60 % dans les critères d’attribution. Par ailleurs, l’avis d’appel à concurrence a été publié en plein été, entre le 3 et le 23 juillet. Une période favorisant la « discrétion » de la mise en concurrence, selon Philippe Sanmartin. Il est vrai que peu de candidats ont proposé des offres : 3 pour le premier lot, 2 pour le second et un seul pour le troisième.
Autre point étonnant dans l’attribution de ce marché public : la concordance presque parfaite entre les montants des offres lauréates et les estimations préalables de la maîtrise d’ouvrage. Pour les deux premiers lots, décrochés par SLV Production, une association salonaise, ils sont même parfaitement identiques aux estimations : 10 000 € pour le premier et 10 500 € pour le deuxième lot. Le troisième, estimé, lui, à 51 000 € a été remporté par une autre association locale, AES Production, pour un montant de 51 589,50 €. « J’ai mis trois semaines pour constituer mon dossier en réponse à cet appel d’offres. Le client a des demandes, je m’y adapte, justifie Jean-Claude Aprile, président d’AES Production. Jusqu’à preuve du contraire, c’est ce qu’il faut faire sinon l’offre n’est pas choisie. Mon objectif est d’offrir les meilleures animations possibles aux enfants qui assistent aux spectacles. Peu m’importe que la mairie soit de droite ou de gauche. » De son côté, Philippe Sanmartin assure qu’il « ne remet pas en cause la qualité du projet présenté, mais le fait que la mise en concurrence est pipeautée dans le cas de cet appel d’offres. »
« Sous-entendus malsains »
Malgré plusieurs relances auprès de ses services, Nicolas Isnard n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. C’est seulement lors du Conseil municipal du 15 novembre que nous avons pu l’entendre s’exprimer sur le sujet. Il s’estime « pris en otage sur des motifs futiles ». Un point de vue que ne partage pas Philippe Sanmartin. Ce dernier a écrit au sous-préfet d’Aix-en-Provence le 29 octobre et compte sur l’ouverture d’une lettre d’observation pour pousser la mairie à retirer l’acte de décision. Si ce n’est pas le cas, l’élu d’opposition pourra toujours le « contester devant le tribunal administratif, au fond, en vertu du droit de recours dont il dispose en tant que membre du conseil municipal », précise Me Brice Michel.
Droit dans ses bottes, Nicolas Isnard dénonce des « sous-entendus malsains sans fondement ». Pour lui, la démarche a pour seul but de conduire à l’annulation des célébrations de Noël à Salon-de-Provence. Dans La Provence (1), il justifie sa position en rappelant que Philippe Sanmartin s’est déjà exprimé « contre l’installation de crèches », laissant ainsi entendre que la démarche aurait des motivations religieuses. Sauf qu’il oublie de préciser que, si le groupe « Agir » a bien précédemment voté contre un projet de crèche, il ne s’agissait alors pas d’une reproduction de l’étable de Bethléem mais bien d’un établissement d’accueil d’enfants de moins de 3 ans. Alors, pour prouver qu’il n’a « rien contre les fêtes de Noël », lors du conseil municipal du 15 novembre, l’élu d’opposition est même venu avec quelques santons…
1. « Sanmartin et Isnard ne se font pas de cadeaux », édition de Salon, 02/11/2018