Sous le règne d’Aliphat
« Usure professionnelle : comprendre et anticiper… un enjeu pour les collectivités. » Colloque du centre de gestion (CDG) de la fonction publique : à l’heure du ras-le-bol des élus, la question des « risques psycho-sociaux » aurait pu être abordée, l’organisme (présidé par le patron des maires des Bouches-du-Rhône, Georges Cristiani) ayant fait la part belle en 2017 à la « qualité de vie au travail » avec mise en place d’un service d’écoute, La ligne claire.
Mais le Ravi n’est pas le bienvenu : « C’est une réunion d’échange pour les agents et responsables des collectivités. Si un tiers y assiste, ça ne sera pas aussi fluide. » On demande quand même ce que pense le CDG d’une tentative de suicide sur le lieu de travail : « C’est un signe fort, forcément lié à ce qui se passe au travail (les collègues, la hiérarchie, le poste…). Le signe que l’agent n’arrive plus à faire face. »
C’est ce qui s’est passé fin 2015 à Saint-Mitre-les-Remparts, la ville de la multi-cartes Béatrice Aliphat (« sans étiquette », elle officie avec LR à la Région et à la Métropole). Suite aux « humiliations et vexations de la part de certains de ses collègues et d’élus », un agent s’est « mutilé le bras ». La mairie refusera d’admettre « l’imputabilité au service » de « l’accident », « le lien de causalité entre la lésion déclarée et l’activité exercée » n’étant « pas démontré ». Le tribunal administratif a donné tort à la mairie et rétabli l’agent dans ses droits.
Tentative de suicide
La ville n’en dénonce pas moins une « campagne de diffamation orchestrée par un petit nombre d’individus » (accusés de « travestir la vérité »), estimant que le tribunal n’a fait que « trancher une question purement administrative ». Fin 2017, dans La Marseillaise, elle parlait d’accusations « purement politiques et financières ». Mais il n’y a pas que la justice, l’opposition, la presse ou les syndicats qui s’y intéressent. Plusieurs élus ont démissionné – son adjoint au personnel Pierre-Louis Négrel et l’élu aux associations Philippe Bourchet – en informant préfecture et justice de leur décision et de la situation.
20ème de la liste de Christian Beuillard, Aliphat lui succède en 2012. A l’époque, déjà, nous dit-on, dans un audit réalisé en interne, on parle d’un « mauvais climat » et d’une élue « brutale et dirigiste ». Depuis, « les fonctionnaires en souffrance » ont organisé une « marche blanche » suite au suicide d’un directeur général des services. Et porté plainte : une demi-dizaine auprès du tribunal administratif et une dizaine au pénal pour « harcèlement ». Sans compter les lettres au préfet, au défenseur des droits…
Tout commence avec cet agent embauché pour « réorganiser les services » avant de perdre, peu à peu, toute responsabilité. C’est son collègue aux « services techniques » qui fera, lui, une tentative de suicide en pleine mairie. Et, de son côté, une jeune recrue verra, elle, sa titularisation rejetée. Elle aurait refusé, dit-elle dans sa plainte, de participer à ce « troc » suggéré au maire par une élue dans un SMS – « une jeune dynamique contre deux vieilles inutiles » – et qui se serait traduit par la mise à l’écart d’une employée handicapée ! Tous ces agents souffrent de pathologies, « burn out », « dépression », « psoriasis »… Contactée, la maire a refusé, comme son conseil, de « s’exprimer ».
Elle connaît pourtant le sujet. Son nom figure parmi les « remerciements » d’un guide sur les « risques psycho-sociaux ». Et, membre du CDG, elle ne peut ignorer l’enquête menée l’an dernier. Si les agents attribuent une note de satisfaction de 6,2 sur 10, 43 % disent subir des « pressions psychologiques », « 34 % » des « tensions avec leur hiérarchie », près de 40 % que « leur travail a un impact négatif sur leur état de santé physique » et un tiers sur leur « santé psychique ». Dans « l’édito », Cristiani assure que le CDG contribue « au développement d’une culture de prévention des risques psycho-sociaux ». Tout en se gardant de répondre au Ravi, le maire de Mimet, en marge du Congrès de ses pairs, préférant parler du mal-être de ceux qui « ont le sentiment d’être de plus en plus dénigrés ».