Gouverner la ville avec ses habitants, un si long chemin...
La puissance de la vague qui a balayé les vingt-cinq ans du mandat de Jean-Claude Gaudin était porteuse d’un rejet et d’immenses aspirations. Aspirations captées et revendiquées, peu ou prou, par le Printemps marseillais. Les premiers pas concrets de la nouvelle municipalité dans le champ de l’urbanisme et de l’habitat ont donc marqué une série de ruptures : rupture avec la tradition d’« Open Bar » pour les promoteurs ; proposition de modification du Plan Local d’Urbanisme par abaissement du seuil (de 80 à 30) obligeant les promoteurs à intégrer du logement social dans leurs opérations ; volonté affichée de produire massivement du logement à Noailles, où sont morts huit habitants dans l’effondrement de leurs immeubles le 5 novembre 2018…
Mais ces annonces se heurtent à la dure réalité du bricolage anti-démocratique de la Métropole, et du hold-up que la majorité LR de l’institution a réalisé sur les principaux outils d’aménagement. Devant cette arrogance des battus désavoués par les électeurs et rejetés par le tissu associatif et solidaire, l’enjeu pour la nouvelle majorité est d’être capable de s’engager réellement dans une dynamique de coconstruction à tous les étages, avec les associations et au-delà avec les habitants. C’est-à-dire rompre avec la verticalité historique du pouvoir municipal, et avec la tradition des partis historiques.
Car du côté du mouvement associatif, une chemin important a été fait depuis le 5 Novembre 2018 et les milliers de délogés : solidarité concrète, travail collectif, exigences communes, foisonnement d’initiatives dans les quartiers. Et exigence de mettre en œuvre non pas une démocratie de façade, consultative, mais faire vivre une nouvelle culture pour « fabriquer la ville » ensemble. Notamment pour construire une nouvelle « charte du relogement » réellement protectrice et répondre à la demande de quinze associations et collectifs d’être réellement dans la gouvernance stratégique du Projet partenarial d’aménagement et de ses outils, que ce soit au niveau central ou au micro local.
Sur ces enjeux, les réponses attendues de la Ville, de l’État et de la Métropole seront un point de basculement. Ou pas. Ce sera un test pour l’ensemble des grands projets urbains jusqu’ici menés sans les habitants, comme le projet « Quartiers libres » à la Belle de Mai, ou encore la fuite en avant immobilière de l’établissement public Euroméditerranée.
Porter une politique sociale de l’habitat implique un rapport de force, et pour la mener malgré les forces hostiles, la municipalité doit s’appuyer sur l’énergie militante des habitants et collectifs. Il existe des outils, créés par la loi, qui permettent d’aider à renforcer le pouvoir d’agir des habitants (Comités d’initiative et de consultation d’arrondissement, tables de quartiers, conseils citoyens). Mais leur mise en œuvre est aujourd’hui très inégale, imparfaite et freinée. La Ville a aussi proposé des outils d’éducation populaire comme les Maisons de la citoyenneté annoncées. Le mode d’élaboration et de coconstruction de ces « communs » ou « tiers lieux » reste cependant encore flou.
Gouverner la ville avec ses habitants est peut-être un long chemin, mais c’est un enjeu majeur. Sur ce champ, les citoyens actifs attendent des élus du Printemps marseillais de dépasser le discours et de produire des avancées réelles.
Patrick Lacoste, pour le conseil d’administration d’UCVPT
Infos : https://centrevillepourtous.fr/