De l’Odel sous les ponts…
« Pour le cas où votre démarche entraînerait la publication d’articles ou d’imputations diffamatoires, mon client solliciterait immédiatement un droit de réponse, sans préjudice d’une action pénale, au cours de laquelle vous ne pourriez plus opposer une quelconque bonne foi. » C’est par le biais de son avocat que Marc Lauriol, conseiller départemental Les Républicains du Var et directeur de l’Odel Var (Office départemental d’éducation et de loisirs), choisit de répondre à notre nouvelle demande d’entretien [cet article est une archive. Il a été publié dans le Ravi n°159, daté février 2018]. Une fin de non recevoir qui ressemblerait plus à une mise en garde. Faut dire que l’élu nous en veut un petit peu…
En mai 2018, nous avons publié une enquête intitulée « Les élus d’abord, les enfants après » [Ndlr au 10/01/2019 : pour lequel l’Odel Var et Marc Lauriol nous ont assigné en justice pour diffamation. Nous attendons le délibéré d’un jugement en appel], sur le fonctionnement de cette association loi 1901 tentaculaire qui gère la majorité des accueils de loisirs du département. Et qui, pendant de nombreuses années, comme l’épingle en 2016 un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) sur la gestion du Conseil général du Var, a perçu pas mal d’argent public, sans réel contrôle de ce qui en était fait, soit 20 millions d’euros de 2009 à 2014. Notre article s’interrogeait aussi sur la création de sociétés privées autour de l’Odel dont elle semblerait à ce jour être propriétaire comme Gestipark, plus connu sous le nom de Pirates aventures, parc à thèmes situé à La Valette du Var.
La pieuvre passe mal
Au moment de la parution de notre premier article, Lauriol est bien embêté car il est en campagne pour les Législatives, dans l’espoir de reprendre la députation de Josette Pons (LR), amie fidèle et pied à l’étrier politique, mais aussi présidente de l’Odel Var. Lauriol et Pons auraient pu exercer leur droit de réponse dans le Ravi, comme la loi le permet. Au lieu de cela, ils choisissent de frapper un grand coup en assignant en justice le directeur de la publication et la journaliste du Ravi auprès du tribunal correctionnel de Draguignan en citation directe pour diffamation nous réclamant au total 32 000 euros. La comparaison avec la pieuvre n’a pas plu… Là où nous flattions pourtant la grande intelligence du mollusque, l’Odel n’y a vu qu’une référence « à des mécanismes et organisations mafieuses » (soulevé dans l’assignation à comparaître)… Tout est une question de point de vue !
Pendant sa campagne, Lauriol crie haut et fort en débat public et sur les réseaux sociaux que nous sommes « prévenus », un terme qui sonnerait presque dans sa bouche comme un déjà « coupables ». Menaçant de poursuites sur Facebook ceux qui s’aventureraient à republier cet article « diffamatoire ». Invitant bien sûr ses détracteurs à lire « l’enquête minutieuse et sérieuse » de Var-matin. Car, surprise, c’est dans la presse quotidienne que Lauriol a choisi de s’exprimer en date du 23 mai (« Avec la fin des subventions l’Odel Var parie sur le privé »).
Oui mais voilà, au soir du premier tour des législatives, Lauriol fait à peine 15 % et n’accède pas au second tour : Valérie Gomez-Bassac, candidate La République En Marche devient députée avec 55,89 % des voix. Pour LR, il s’agit d’une véritable hécatombe dans le département. A deux exceptions près (dans les 1ère et 2ème circonscriptions), les élus historiques se font sortir au profit d’illustres inconnus macronistes. C’est donc dans cette atmosphère post déchéance électorale que le Ravi est convoqué une première fois au Tribunal correctionnel de Draguignan le 12 juillet 2017. L’audience est renvoyée car seuls Lauriol et L’Odel ont consigné la somme de 600 euros demandée par le Tribunal aux parties civiles. À ce jour, après trois renvois, Josette Pons n’a toujours pas consigné cette somme forfaitaire.
L’ancienne députée-maire de Brignoles a été condamnée en novembre 2016 à 45 000 euros d’amende pour avoir omis de déclarer 2,1 millions d’euros de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, on peut donc difficilement mettre cet oubli de consignation sur le compte de difficultés financières ! Reculade ? Plus d’élections en vue, plus vraiment d’enjeux ? Scission au sein même du binôme Lauriol-Pons ? En tout cas, l’ambiance en interne, ne serait plus au beau fixe. Nous avons aussi appris depuis qu’un signalement avait été fait en juillet dernier auprès du procureur de Draguignan dénonçant « des faits pouvant constituer une infraction pénale » (1). Et que fin décembre 2017, deux signalements sont partis au PNF (Parquet national financier).
Nouvelles révélations aux Prud’hommes !
Dans notre article en mai, nous évoquions aussi les attaques au Conseil de Prud’hommes de cinq salariés pour licenciements abusifs. Var-matin s’en est fait l’écho à son tour le 7 juillet 2017 (« Odel Var : Des salariés dénoncent leurs conditions de licenciement devant les Prud’hommes »). L’Odel a essayé de faire dépayser le jugement des trois salariés qui se présentent à Draguignan sous le prétexte que l’ancien Directeur général adjoint de l’Odel, Patrick Magne, y siège. La Cour d’appel d’Aix a refusé le dépaysement et condamné l’Odel (en date du 7 juillet) à payer une amende de 1500 euros par salarié (soit 4500 euros) au nom de l’article 32-1 du code de procédure civile. Du côté du Conseil des Prud’hommes de Toulon, sur l’un des dossiers, les juges des deux sièges n’ont pas réussi à se départager et l’audience est renvoyée devant un juge départiteur, donc professionnel, à la mi-février.
Entre temps, nous avons appris que l’ex beau-frère de Marc Lauriol, Rémi Baldissar-Ferrero avait aussi attaqué pour licenciement abusif. L’histoire est intéressante… Initialement, Rémi Baldissar-Ferrero est employé comme adjoint technique territorial à la mairie de St Cyr-sur-Mer, fief varois de Pons et Lauriol. En février 2004, il est détaché auprès de l’Odel Var pour une durée de cinq ans, employé comme ouvrier polyvalent. Il y restera 12 ans, payé par l’Odel Var en CDD d’usage conclus, renouvelés et reconduits chaque année pour une durée de trois ans. En mai 2016, il est victime d’un accident de travail : dix jours plus tard, il apprend que son contrat ne sera pas renouvelé et reçoit comme motif de rupture « fin de CDD ». Rémi Baldissar-Ferrero conteste et réclame son contrat de travail à durée indéterminée. Le 22 décembre 2017, le Conseil des Prud’hommes de Toulon prononce une requalification en CDI et condamne l’Odel à régler les indemnités afférentes à cette régularisation mais aussi la somme de 15 444 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
Au départ Baldissar réclame juste 240 euros d’oubli sur son dernier salaire que l’Odel réfute au titre que ce dernier ayant un véhicule de fonction n’aurait pas dû toucher cette somme de remboursement professionnel. « C’est l’arroseur arrosé ! », note Maître Stéphanie Royère, avocate au barreau de Toulon, qui a défendu avec pugnacité le dossier Baldissar. Elle a attaqué au motif de travail dissimulé en démontrant que, de fait, la ligne apparaissant tous les mois sur la fiche de salaire de son client sous la rubrique « Remboursement frais réels », était en fait un salaire déguisé. L’avocate fournit au dossier des échanges de mails donnant les instructions précises pour remplir un tableau de trajets fictifs afin de calculer cette fameuse somme. « C’est un montage dans lequel l’employeur est complice à 200 % et on le prouve », note l’avocate. Le délibéré informe qu’un exemplaire du jugement sera adressé aux Urssaf du Var. « Au-delà de ça, je prouve aussi que mon client était affecté sur ses heures de travail aux campagnes de Josette Pons et de Marc Lauriol », conclut Maître Royère. L’Odel a bien sûr fait appel de cette décision.
« Plutôt que de vous augmenter, on vous faisait passer ça en remboursement de frais. C’était une pratique courante à l’Odel », nous explique un ancien salarié de l’association. Nous avons pu vérifier des remboursements de frais similaires sur d’autres fiches de paie, celles de Magali Sparano, DRH qui malgré une Citroen C4, de fonction, a perçu entre juillet et octobre 2015, 700 euros mensuels de « Remboursement frais réels » sur des fiches de paie oscillant entre 5600 à 6800 euros nets… Elle utilisait un véhicule acheté en janvier 2014 par l’Odel et que d’ailleurs Magali Orgeas (nom de jeune fille de Sparano) finira par racheter à son employeur le 17 mars 2016, par virement, 3500 euros. Soit le quart de sa valeur, si on se fie, à une expertise du véhicule datant du 28 juin 2016 qui l’estime à 12 000 euros. L’Odel c’est vraiment le royaume des bonnes affaires !
Samantha Rouchard
1. Nous sommes encore dans l’attente d’une réponse du procureur de Draguignan sur le suivi de ce signalement.
Tentaculaire qu’on vous disait !
Dans le Var, l’Odel est partout et tout le monde semble y trouver son compte. Surtout les élus !
Lors de la sortie en kiosque de ce numéro du Ravi, le 2 février, Josette Pons, présidente de l’Odel Var et Marc Lauriol, directeur et Conseiller départemental LR, devaient siroter « un cocktail déjeunatoire » avec les élus du département conviés à une présentation des actions 2018 de l’Odel au restaurant de Pirates aventures ! Si l’histoire ne dit pas qui a payé les petits fours, il est important pour le duo varois de faire de la retape.
En effet, ces dernières années certaines mairies ont préféré revenir en régie publique, par choix économique et politique. C’est le cas de Draguignan, le plus gros marché de l’Odel jusqu’à l’élection de Richard Strambio (SE) qui décide d’y mettre fin. Idem à Fréjus. La mairie de Sainte Maxime, quant à elle, a choisi de travailler depuis 2017 avec l’UFCV. « Car ils nous ont fait la meilleure offre », explique laconiquement le maire LR Vincent Morisse. La directrice Jeunesse de Ste Maxime est une ancienne salariée de l’Odel qui ne serait pas partie en très bons termes, ceci expliquerait aussi peut-être partiellement cela…
À une époque, c’était Agnès Rostagno, actuelle 2ème adjointe aux finances de Six-Fours qui était en charge de démarcher les mairies varoises et visiblement elle savait y faire. En 2002, lorsqu’elle est embauchée, elle est la compagne de Lauriol mais aussi élue aux finances du Beausset (de 1995 à 2008), dont Josette Pons est maire jusqu’en 2002. Elle quitte l’Odel en 2015 en tant que DGA. Nous ne savons pas dans quelles conditions ni avec quelle négociation puisque ni elle, ni Marc Lauriol, n’ont répondu à nos demandes d’interviews. En tout cas, si l’on en croit son profil professionnel publié en ligne sur Viadeo, son passage à l’Odel n’a pu que lui servir : « Je travaille aujourd’hui sur une mission d’élaboration de documents liés à des marchés publics. Parallèlement, je suis chargée de mission dans une association pour 2 ans pour développer les partenariats d’entreprise dans les marchés clausés. » Agnès Rostagno est aussi trésorière de l’IFAPE depuis 1997, un organisme qui aura fait la une de la presse locale pendant quelques années…
Sanary, la FOL histoire
Elle aurait d’ailleurs pas mal œuvré pour que l’Odel récupère le marché de Sanary au détriment de la Fédération des œuvres laïques (FOL) en 2007. Sanary est aujourd’hui le premier marché de l’Odel, renouvelé en juillet 2014 pour plus de 800 000 euros. Au moment du passage de la FOL à l’Odel c’est Jean-Paul de Barbieri qui est à la direction de l’éducation jeunesse animation de la mairie, service auquel sont adressés les dossiers d’appel d’offres. « Et qu’est-ce que l’on apprend ? C’est qu’en 2009 après attribution du marché, monsieur de Barbieri est embauché… à l’Odel ! », note Olivier Thomas, élu DVD d’opposition à Sanary et ancien responsable d’ANTICOR Var, qui, à l’époque, fait un signalement auprès du Procureur de la République pour soupçon de prise illégale d’intérêt. De Barbieri aurait été auditionné, sans que des poursuites ne soient, à notre connaissance, engagées.
Mais dans le Var une histoire courte n’existe pas… Et finalement éjecté par l’Odel, Jean-Paul de Barbieri est désormais embauché à la FOL 83 avec un contrat de mission de développement. Si la Fédération des œuvres laïques et l’Office départemental d’éducation et de loisirs sont des concurrents directs, et politiquement à l’opposé, des liens humains parfois se tissent… « Je l’ai embauché après son licenciement par solidarité car c’est un homme que j’ai su apprécier lorsqu’il était directeur du service jeunesse à Sanary. Et lorsqu’il était à l’Odel il a abattu un travail considérable », nous explique Jean-Jacques Céris, président de la FOL du Var. Il faut dire que les deux hommes ont œuvré pour la commune et son maire Ferdinand Bernhard (DVD). La CRC a pointé du doigt, dans son rapport de 2012 sur Sanary, une irrégularité concernant « l’embauche » de Jean-Jacques Céris en tant que collaborateur de Cabinet du maire. Suite à une plainte il a été mis en examen tout comme l’édile pour « recel d’avantages injustifiés et complicité de délit de favoritisme ». [Depuis la publication de cet article, par l’ordonnance du 15 novembre 2018, Jean-Jacques Ceris est –tout comme le maire de Sanary- renvoyé devant le tribunal correctionnel, le concernant pour « Recel d’atteinte à la liberté et à l’égalité d’accès au marchés publics ou de délégation de service public –Recel de favoritisme ».Ndlr]
Assurancetourix !
Le marché de l’est Var n’étant plus ce qu’il était, l’été dernier, l’Odel décide de transférer son siège à Toulon. Seulement trois bureaux restent à Draguignan, ceux des services de la petite enfance. Ils ont élu domicile au sein de la Communauté d’Agglomération de Draguignan (CAD) sur le site de la pépinière-hôtel d’entreprises de Chabran. La décision communautaire du 13 juin 2017 signé par le président de la CAD, Olivier Audibert-Troin, encore député LR à cette date en fait acte. Et précise qu’un bail de 36 mois est consenti à l’association Odel Var, pour un loyer annuel, charges comprises de 7000 euros. Avec pour spécificité tout de même : une gratuité d’un an ! C’est-à-dire que jusqu’à l’été 2018, l’Odel ne paiera pas de loyer à la CAD.
Par ailleurs l’Odel Var est propriétaire d’un site sur la ZA de Brossolette à Draguignan qu’il loue à la CAD depuis des années. Cette dernière y a installé ses services techniques, sa direction des transports, des déchets et des sports. Sur le bilan 2015 de l’Odel on retrouve bien une ligne « loyer de la CAD » : 123 501 euros en 2015 et des charges locatives passant de 2581 euros (en 2014) à 11 150 euros (en 2015). Mais dans le cadre de son schéma directeur immobilier qui consiste à acheter plutôt qu’à louer, nous précise le service Com, la CAD choisit d’acquérir le local qu’elle occupe sur le site pour 660 000 euros TTC (hors frais d’acte et de géomètre) et fait voter une délibération en ce sens en date du 27 avril 2017.
Concernant la gratuité des bureaux loués à l’Odel, la CAD nous explique qu’il s’agit d’un échange de bons procédés entre les deux parties. La communauté d’agglo étant réellement propriétaire depuis janvier 2018, l’Odel l’a laissée occuper le local gratuitement depuis au moins la fin du bail c’est-à-dire juillet 2017 et en échange la CAD laisse la gratuité à l’Odel pour ses trois bureaux pendant un an. Mais dans les documents que nous a transmis la communauté d’agglos, cet accord n’apparaît pas. Du même coup, impossible de savoir si les loyers s’équivalent…
Mais Lauriol peut avoir confiance en Audibert-Troin. Car qui n’aurait pas confiance en son assureur ! Parce que oui, le président de la CAD, député de la 8ème circonscription du Var de 2012 à 2017, et ancien premier adjoint de Draguignan de 2001 à 2014 (à l’époque plus gros marché de l’Odel) a un cabinet d’assurances MMA situé à Draguignan. Et selon les attestations que nous avons pu nous procurer, il a assuré l’association Odel Var au moins en 2012 et en 2015 : assurance multirisques, marchandises transportées et flotte automobile. Sur le bilan 2015 de l’association, les « assurances véhicules » s’élèvent à elles seules à 53 234 euros. L’Odel et les élus du Var, c’est vraiment zéro tracas, zéro blabla !
S. R.
Articles publiés dans le Ravi n°159, daté février 2018