La Région, une histoire à la com’
À droite, la droite. En face, l’extrême droite ! Depuis 2015 les plénières du Conseil régional sont loin d’être passionnantes. Perché en tribune « presse », on comprend presque ce frontiste qui passe sa matinée à jouer sur son smartphone : ce matin, il n’a pas d’intervention ! Pourtant, se joue à la Région une véritable guerre de communication.
Avant-dernière plénière : le LR Pierre-Paul Léonelli tacle Franck Allisio du RN sur son intervention relative au budget. En lui disant qu’il « regrette la parole d’expert » du frontiste Philippe Liottaux. « Qui, lui, est un expert des finances », insiste Léonelli ! Peu après, Renaud Muselier, le patron de la Région, finit par couper le micro du frontiste niçois Philippe Vardon. Qui a le temps de lui lancer : « La politique n’est pas le ministère de la parole mais vous, c’est tout ce que vous faites ! »
En la matière, « Muso » a les moyens. 9 millions d’euros pour la com’ cette année, 10 en 2020… Et, sans même évoquer la fonction quasi évanescente de « déontologue », alors que la « réglementation » fait état d’un « maximum » de « 14 emplois de cabinet », la Chambre régionale des comptes a évalué fin 2018 ce dernier à « 218 personnes » dont plus de 70 à la « direction de la communication et de la marque ».
Vu le nombre de communiqués, ce ne sont pas des emplois fictifs ! Sourire de Pierre-Laurent Chable, le secrétaire du RN à la Région : « Notre groupe dispose de 6-7 collaborateurs. En face, c’est à peu près pareil. Mais ils ont le cabinet. On ne joue donc pas avec les mêmes armes. On est donc plus en mode commando qu’armée régulière. »
D’où, à l’extrême droite une répartition des « tâches » et de la parole. « Cela se fait en fonction des thèmes de prédilection de chacun et de la participation aux commissions. » Vardon à l’identité et à la sécurité, Allisio sur l’économie, Liottaux les finances… « Mais pour les interventions plus politiques, précise Chable, ça relève du président du groupe, Frédéric Bocaletti. »
Pour son début de campagne, Thierry Mariani attaque en force : « 70 personnes à la com’, autant que les agents recrutés sur les questions de sécurité. Cherchez l’erreur ! » Et Muselier de porter plainte pour « propagation de fausse nouvelle ». Comme à l’encontre du Toulonnais frontiste Amaury Navaranne. Son tort ? Avoir relayé une info de la Lettre A sur le recours de la Région pour 100 000 euros aux services de l’ex député européen Jérôme Lavrilleux (mis en cause dans l’affaire Bygmalion) pour la com’ autour de la marque « Région Sud ».
De la diffamation, dixit « Muso ». Navarranne s’esclaffe : « Il panique, c’est grotesque ! Il n’y a rien de diffamatoire. Et il y a de quoi s’interroger sur l’explosion des frais de com. En particulier autour de cette marque « Région Sud » alors que la seule appellation valable reste Provence-Alpes-Côte-d’Azur. »
Si, dit-on au sein du groupe RN, « les relations étaient plus tendues avec Christian Estrosi qu’avec Muselier », Navarranne dénonce le « sectarisme de la majorité. Tout ce qu’on a proposé a été rejeté. Même quand on reprenait des propositions venant de la majorité… ». Tout en reconnaissant que « le dialogue est possible avec certains quand ce n’est pas public. En commission, par exemple… »
En attendant, la com’ de campagne a pris le relais des messages institutionnels. Enfin presque. Les communiqués de la Région continuent de tomber à un rythme soutenu. Et au RN, on garde les mêmes et on recommence : « Je gère les affaires courantes, explique Pierre-Laurent Chable. Mais deux autres collègues ont démissionné pour intégrer l’équipe de campagne de Mariani. » Où l’on retrouve Bocaletti et Vardon. Ça n’empêche pas les couacs. Visiblement superstitieux, le RN a annoncé une conférence de presse un vendredi 13 avant, vu le calendrier, de se raviser. Et côté Muselier, la com’ a fait très fort en donnant comme contact pour la presse le numéro de portable… d’un journaliste de La Marseillaise !
La bataille s’annonce tendue : quand on tape VotezMariani.fr, on tombe sur un site qui clame « Avec Thierry Mariani, l’Azerbaïdjan au pouvoir en Paca» et le présente comme le «candidat du panturquisme » : «Ca ne correspond pas à mes prises de position. Mais, à quelques semaines des élections, c’est la règle du jeu ».