Vassal et ses vassaux
Pas sûr que la sortie médiatique de Martine Vassal a beaucoup amusé le sénateur Les Républicains de Marseille Bruno Gilles. Interrogée sur Sud Radio, le 28 septembre, sur ses intentions pour les municipales, la présidente LR du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et toute nouvelle patronne de la métropole Aix-Marseille Provence (AMP), a souri, n’excluant pas une candidature : « Les municipales sont dans 18 mois. »
L’ancien maire des 4/5 est, de son côté, officiellement en campagne depuis le 13 septembre, au lendemain de la démission de Jean-Claude Gaudin d’AMP. Avec l’idée de former un ticket avec sa camarade pour 2020 : lui à la mairie, elle à la tête d’une métropole fusionnée avec le département. « Avec Gaudin, on a touché le bout du bout du cumul des mandats. Marseille a besoin d’un maire à plein temps et la métropole d’un président à plein temps », plaide Bruno Gilles.
Préparée de longue date, l’initiative a reçu un bon accueil. Les ténors de la droite, de Jean-Claude Gaudin à Martine Vassal en passant par Renaud Muselier, le président de la Région, saluant « la légitimité » du sénateur. « Je n’ai pas eu un flash pendant mes quatre jours de coma, j’ai sondé tout le monde, assure l’élu qui a subi une transplantation cardiaque en décembre dernier. J’ai donné le tempo, maintenant je dois réussir le rassemblement. » L’objectif est de pouvoir afficher ses soutiens – parlementaires, maires – en début d’année.
Mais méfi, Gaudin n’a encore adoubé personne. « Bruno Gilles ne saurait oublier les statuts de son parti, c’est le national qui décidera de la tête de liste. Jean-Claude Gaudin a simplement validé une démarche, la construction d’un projet et le rassemblement sur un nom », insiste un proche du maire. Et de tancer : « Il peut se passer beaucoup de choses en 18 mois. » Une candidature de Vassal par exemple ? « Contrairement à d’autres, elle ne s’est pas mise en situation de concurrence avec Jean-Claude Gaudin et accepte son bilan », reconnaît l’ancien député LR d’Aix-en-Provence, Christian Kert, qui plaide pourtant pour un ticket Gilles-Vassal.
La Thatcher du « 13 »
Si l’entrée dans le match des municipales de la toute nouvelle présidente de la métropole dépend en grande partie de la fusion des deux institutions qu’elle préside dans une nouvelle collectivité de plein droit, qui serait dotée d’un budget de plus de 7 milliards d’euros, le deuxième de France après Paris, la Marseillaise a en tout cas de l’appétit. En prenant le Conseil départemental, et ses caisses pleines, au sulfureux Jean-Noël Guérini en 2015, alors que tout le monde le croyait indéboulonnable, elle s’est imposée au centre du jeu politique marseillais.
Arrivée en politique avec la mise en place de la parité en 2001, au moment de la liquidation de l’entreprise familiale, Martine Vassal a grandi au côté de Jean-Claude Gaudin, que son père soutenait. Elle a même fait partie du premier cercle du maire aux municipales de 2014, pour qui elle avait suivi de près les négociations du renouvellement de la délégation du service de l’eau en 2012 et 2013. Un rôle qui lui a valu une garde-à-vue dans l’enquête sur les conditions de l’attribution du marché à Veolia.
Arménienne du côté de sa mère et plutôt Michèle Alliot-Marie que Roselyne Bachelot côté caractère, cette brune de 53 ans à qui sa famille politique ne trouve que des vertus – « talent », « esprit d’entreprendre », « tripes », « caractère », « capacité à fédérer », etc. – est « une véritable libérale conservatrice », assure Michèle Rubirola, conseillère départementale EELV de Marseille. Et de rappeler : « Depuis 2015 la part de la solidarité a baissé de 60 à 50 % dans le budget du département. » « Dans les 96 pages de son bilan de mi-mandat, cette compétence obligatoire tient sur une demi page. Et quand [Martine Vassal] en parle, c’est en termes de coûts, d’assistanat », dénonce encore Jean-François Gast, un des élus CGT au CD 13. Et de rappeler qu’à son arrivée à la tête de la collectivité, elle a supprimé la prime de Noël et de transports aux bénéficiaires du RSA.
Une rupture impossible
Ses détracteurs pointent aussi sa personnification du pouvoir et une utilisation très partisane des moyens du département. « Beaucoup d’élus de mon territoire se plaignent de ne pas obtenir de financements du CD », assure Jean-David Ciot, président du groupe PS, canal historique, à la métropole. Par contre, Marseille est particulièrement choyée : après une première enveloppe de 100 millions d’euros, Martine Vassal vient de lui signer un nouveau chèque de 50 millions d’euros. Mais là encore, elle sait reconnaître les siens. « Sur le premier financement, les trois quart ont été ventilés dans les quartiers sud », assure Michèle Rubirola. La nouvelle enveloppe ne déroge pas : la moitié des 24 projets financés se situent sur les terres favorables à la droite, contre seulement quatre dans les quartiers nord.
Une poursuite de la politique de Jean-Claude Gaudin qui n’a rien de surprenant. Après respectivement trois et quatre mandats au compteur, Martine Vassal, comme Bruno Gilles, vont avoir du mal à jouer la carte du renouvellement. Ou de la rupture. « S’il serait incohérent de se désolidariser, nous sommes assez grands pour dire que tout n’a pas été parfait. Nous ne ferons pas comme Gaudin », assure pourtant Yves Moraine, le président du groupe LR au conseil municipal, qui a rêvé du fauteuil de Gaudin.
« On ne peut plus faire de la politique comme avant », assène de son côté Bruno Gilles. Et l’élu, pourtant expert en cogestion (le Ravi n°94 et 95), de jurer d’y mettre fin : « Je veux travailler avec tout le monde et FO le sait. » Y’a plus qu’à…
Jean-François Poupelin
Enquête publiée dans le Ravi n°166, daté octobre 2018