Moi, Francis Lalanne, l'insurgé en va-et-vient
« – Biiiiiiip.
– Allô ?? Oui bonjour, je voulais joindre le Comité invisible (1), j’espère que je suis sur le bon numéro ? Même si j’en doute puisque je vois que le site web de votre éditeur a été réalisé AVEC LE SOUTIEN DU MINISTÈRE DE LA CULTURE. Mais bon, c’est pas grave, on a tous nos contradictions… Je suis Francis Lalanne. Oui Francis Lalanne, le chanteur, comédien, militant de la cause du monde et de l’humanité, contre toutes les tyrannies. Je vous contacte de Belgique, la capitale de tous les exilés français, depuis Hugo jusqu’à Bernard Arnault, parce que j’ai un projet. « En ce moment, je règle mes comptes avec Baudelaire (2) », qui n’aimait pas les Belges. Depuis la Grand-Place de Bruxelles, « Hugo écrivait au 13, moi, j’écris au 15 mes pamphlets contre Macron (2). » Et j’ai eu une vision : allions ma poésie avec votre vision !! Un nouveau Misérables, un véritable opéra, la comédie musicale qui montrerait comment le Covid et la techno-dictature macronienne ne sont que les révélateurs de la contradiction mortifère du capitalisme qui…
– Biiiiiiip
– … Allô ?? Ah ça va être compliqué hein, votre répondeur n’aime pas les messages trop longs ?! Eh bien tant pis ! J’articule ma pensée, moi. Je ne suis pas dans le pré-mâché !! Je disais donc : votre pensée prophétique, dès 2007 vous annonciez les soulèvements populaires, la violence qui ferait trembler le pouvoir !! Vous aviez l’idée. Mais vous n’aviez pas la forme ! Franchement, ces phrases ampoulées, ce vocabulaire crypto-anarchiste… Je sais de quoi je parle, j’ai longtemps ferraillé pour le plaisir avec le grand gourou trostkyste Pierre Lambert, le mentor de Jospin et Mélenchon. « On s’engueulait tout le temps. Il m’appelait “tête de lard” parce que je ne voulais jamais lâcher. Je n’ai jamais été trotskar, mais Pierre, je l’ai adoré (3). » Vous prônez l’action sans cadre légal, moi « je suis un constitutionnaliste. Ça me vient de mes études à la Sorbonne (2) ». Mais là où j’ai quelque chose de plus que vous, c’est que je suis un artiste. Le conservatoire à Marseille. Les planches et surtout la chanson. Quand j’étais étudiant, je chantais déjà dans les asiles et les prisons. Déjà cette proximité avec les reclus et les fous. Puis mon premier album, Rentre chez toi. Non ce n’était pas une antienne contre les immigrés comme en ont fait tant de mes collègues anciens…
« Une insurrection prend corps comme une musique. »
– Biiiiiiip
– Quand je vous disais que la technique avilit l’Homme !!! Où en étais-je… Ah oui, mon Ârt. Par deux fois, le Top 50 : On se retrouvera, Reste avec moi… Et puis le théâtre : deux nominations aux Molières : meilleur second rôle et révélation théâtrale ! J’ai doublé Quasimodo dans le Notre-Dame de Disney !! Oui effectivement, le grand capital, on a tous nos contradictions. Mais foin de tout cela : artistiquement, je vous magnifie, politiquement je vous adoube ! J’ai été de toutes les luttes : les réfugiés, qu’ils soient au Darfour ou en France, qu’ils soient migrants ou sans-papiers, les intermittents, l’environnement, et surtout les Gilets jaunes ! C’est ma compagne qui en parle le mieux : « Il est allé sur tous les ronds-points, il ne dormait plus. Il a failli prendre une balle alors que j’étais enceinte de trois mois (3). » Électoralement, ça ne paie pas beaucoup… Ma liste Gilets jaunes avec le soutien de mon ami le millionnaire écolo Governatori (4) : 0,53 % en 2019. Les législatives en 2017 contre l’ex premier flic Manuel Valls : 1,08 %. Les municipales à Montauban en 2008 : 5,45 %. Et j’en passe. C’est pour ça que j’en suis arrivé à la même conclusion que vous ! « Une insurrection n’est pas comme l’extension d’une peste ou d’un feu de forêt – un processus linéaire, qui s’étendrait de proche en proche, à partir d’une étincelle initiale. C’est plutôt quelque chose qui prend corps comme une musique, et dont les foyers, même dispersés dans le temps et dans l’espace, parviennent à imposer le rythme de leur vibration propre. A prendre toujours plus d’épaisseur. Au point que tout retour à la normale ne puisse être désirable, ou même envisageable (5). » Vous avez bien vu !! La musique !! C’est au son de la Carmagnole que…
– Biiiiiiip
– Je tiendrai jusqu’au bout !! Deux mille messages s’il le faut ! Nous devons travailler ensemble, mes camarades ! Car les institutions ne bougeront pas !! J’en ai appelé à l’armée, mais cela a été un échec ! Il faut pourtant que vous lisiez mon texte, il est puissant, chiant, articulé comme un commentaire d’arrêt de tribunal administratif, en quatre chapitres s’il vous plaît ! « Je demande aux plus grands responsables militaires français de procéder, au nom du peuple français, à la mise à pied des auteurs du Coup d’État. Donc par voie de conséquence, de mettre fin à l’exercice du mandat de l’actuel président de la République (6). » C’est envoyé, non ?? J’ai fait l’objet d’un enquête préliminaire. Bon, classée sans suite. Mais un premier avril… Comme par hasard !! Et aussi d’une provocation en duel d’un journaleux d’extrême-droite qui estime que « c’est ma famille intellectuelle et spirituelle [nationaliste] qui fournit les hommes qui meurent au loin et dans le silence, pour que des Francis Lalanne puissent exister (7) ». Je suis anti-masques, anti-PCR, j’invite mon public à ne pas appliquer les gestes barrières. « Je suis l’empêcheur de penser unique en rond (3). » C’est pour cela que vous devez accepter mon adaptation de l’Insurrection : le Covid a fait apparaître au grand jour toutes nos failles démocratiques, économiques, sociales, bureaucratiques, il faut dorénavant éduquer le peuple pour le mener vers un monde meilleur ! Car « tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, […] tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles (8) ». Or donc, au Comité, salut ! Vous savez mon projet, il vous reste à me joindre, j’habite au…
– Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip. »