La culture, c’est vraiment pas du luxe !
Plus de 40 propositions artistiques (théâtre, danse, musique, photo, cinéma…), une galerie éphémère, des moments d’échange, le chanteur Gauvain Sers en guest star… La nouvelle édition du festival C’est pas du luxe nous paie une nouvelle fois une belle tranche de culture, dont nous présentons quelques projets dans les pages suivantes. En se posant pour la première fois à Avignon, capitale mondiale du théâtre, du 21 au 23 septembre, l’événement entend aussi se donner une dimension nationale.
Un changement d’échelle qui ne remet cependant pas en cause la singularité de la manifestation imaginée en 2010 par la Fondation Abbé Pierre (1), la scène nationale de La Garance et l’association Le Village à Cavaillon. Toutes les propositions sont une fois de plus nées de rencontres entre des artistes et des personnes en situation d’exclusion. Toutes ont également une vie en-dehors du festival, dans les territoires sur lesquels elles ont été créées. Pour les trois partenaires, l’accès à la culture et aux pratiques artistiques ne doit en effet pas être un luxe et réservé aux personnes favorisées. Tout simplement.
« La diversité culturelle… une richesse »
« C’est fondamental de pousser à une bonne politique du logement, à l’accueil de tous ou à une alimentation saine, mais ça n’enlève rien à la nécessité d’ouvrir des espaces de création et de pratique artistique pour les gens que l’on accueille », rappelle Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. « Si on n’est pas dans un lien au sensible et au beau dans les endroits qui [hébergent] les personnes en fragilité, on est trop vite confiné à des logiques de survie », insiste de son côté Vincent Delahaye, le directeur du Village (2) (lire notre entretien page V) « On nous dit que la culture n’est pas une priorité quand on est à la rue, mais quand on sait ce qu’elle produit sur les personnes… », poursuit Christophe Robert. Liste non exhaustive : de l’estime et de la confiance en soi, plus d’autonomie, mais aussi un autre regard sur l’exclusion et les « assistés ». Et même un travail social moins lourd.
Au-delà de ce que la démocratisation de l’accès à la culture et de ce que la pratique artistique apportent aux personnes en situation de précarité, les organisateurs du festival veulent promouvoir les droits culturels. Considérés par certains comme aussi précieux que ceux de l’Homme, ces droits rassemblent l’ensemble des références de l’identité culturelle d’un individu et/ou d’un groupe social. Reconnus dans la loi Notre de 2015 (sur l’organisation du territoire en métropoles, intercommunalités…), ils sont toujours mal connus, y compris des institutions. Mais ils doivent désormais être pris en compte dans les politiques publiques, notamment en associant les populations à leur élaboration (voir page suivante). « La diversité culturelle doit être considérée comme une richesse, c’est un enjeu de fraternité, d’humanité », souligne encore le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Et ça non plus, ça n’est pas du luxe !
Jean-François Poupelin
1. Soutien de la Tchatche, l’association qui édite le Ravi, depuis plusieurs années.
2. L’association gère une pension de famille, un chantier d’insertion et deux accueils de jour sur Cavaillon et l’Isle-sur-la-Sorgues.
Les droits culturels par la pratique
Des interviews, des reportages, des chroniques… Pendant trois mois, le Ravi a accompagné des usagers du centre social de La Croix des Oiseaux à Avignon et des salariés de Frip’Insertion à Marseille. Ce travail de journalisme participatif – dont vous pouvez lire le résultat dans le Ravi daté octobre – a interrogé les pratiques, les identités et les projets culturels en soulignant l’importance de l’accès à la culture et de la reconnaissance des droits culturels de chacun. Autant dire qu’ils sont particulièrement qualifiés pour en parler ! Rendez-vous donc à Avignon au festival C’est pas du luxe pour une rencontre publique. Afin d’enrichir cette discussion, ils dialogueront avec des acteurs d’Avignon et d’ailleurs qui, dans leur propre travail, mettent en pratique ces notions.
Dimanche 23 septembre à 14h00 à la maison Jean Vilar à Avignon. Avec la participation de Sébastien Cornu président de La Gare de Coustellet (Maubec), du Collectif Subito Presto (Apt) et, sous réserve, de Michèle Addala, directrice de la compagnie Mises en scène (Avignon)… Ainsi que des journalistes du Ravi et des participants des ateliers à La Croix des Oiseaux et de Frip’Insertion.
Au sommaire du cahier spécial, publié dans le Ravi n°165, daté septembre 2018. Actuellement chez les marchands de journaux en Paca : p.I La culture, c’est pas du luxe ! p. II De la richesse des droits culturels. p. III Un atelier théâtre pour « sortir du dur » (Toulouse, Les Dégourdis d’Oc). p.III Bourges de là ! (Un nouveau monde à Bourges). p. IV Chants d’hôpital (la compagnie Mises en scène à l’hôpital Duffaut D’Avignon). p. V Entretien avec Vincent Delahaye (directeur du Village à Cavaillon). p. V Les princesses de la ville (Les Urbanologues à Avignon avec Subito presto). p. VII & VII Reportage dessiné à Emmaüs Saint-Marcel (Marseille). p. VIII Contrôle technique de la fête de la musique à Marseille. p. IX Entretien avec Philippe Pujol, prix Albert Londres, sur les « clichés ». p. X Et BIM ! (Les brigades d’intervention musicale à Alès). p. X La musique adoucit le chaos (le groupe Archaotic à Toulon). p. XI Dansez… (Les Epopées avec les demandeurs d’Asile à Sarcelles). p. XI Photos de famille (avec L’Achillée en Ardèche). p. XII C’est quoi le luxe ? par les journalistes improvisés du centre social La Croix des Oiseaux (Avignon) et les salariés de Frip’Insertion (Marseille).