"Vert" un hara-kiri ?
Place désormais aux discussions avec la gauche. Après avoir finalisé fin mars son accord avec ses partenaires écolos dans le cadre du Pôle écolo, Europe écologie – Les Verts Paca attaque la deuxième étape de sa stratégie votée à une courte majorité mi janvier : une union la plus large possible après avoir rassemblé la famille.
Mais il semble que l’objectif soit double. Le parti a aussi dans son viseur l’appel Il est temps, réclamant un large rassemblement dès le premier tour des forces écolos, de gauche et citoyennes sur le modèle du Printemps marseillais afin de permettre à la gauche de retrouver le conseil régional qu’elle a déserté depuis 2015 et le désistement de Christophe Castaner au profit de Christian Estrosi. Lancé fin janvier par 250 citoyens, l’appel est soutenu par le PS, le PCF, La France Insoumise, Place publique, Nouvelle donne, Gauche républicaine et sociale, Génération.S, etc., et des dissidents d’EELV, comme lors des municipales marseillaises partisans d’une stratégie d’union large dès le premier tour. Parmi lesquels Michèle Rubirola, éphémère maire de Marseille, et Olivier Dubuquoy, tout aussi éphémère chef de fil d’EELV pour les régionales. Un choix qui a valu au géographe et militant, notamment contre les boues rouges de Gardanne, un avertissement, une suspension puis son remplacement comme tête de liste par le Varois Jean-Laurent Felizia. Mais aussi la mise en place d’une tutelle nationale.
Détricotage
Lors de la première réunion de négociation avec ses potentiels partenaires, le 25 mars, EELV n’a donc convié que le PS, le PCF et quelques groupuscules.« La réalité, c’est que l’appel était une étape intermédiaire. Le PS, mais aussi Génération.s et le PCF sont passés à autre chose et attaquent une nouvelle étape », explique le sénateur marseillais Guy Benarroche. Si un cadre d’EELV assure que « rien n’est encore joué » et que « la seule chose de certaine, c’est qu’une partie d’EELV a trouvé un accord avec le Pôle écolo, l’ancien secrétaire régional d’EELV est d’autant plus optimiste qu’il est prêt à se montrer très généreux sur les départementales dans les Bouches-du-Rhône, le véritable objectif des socialistes pour ces élections locales. « Le 25, personne ne s’est désolidarisé de l’appel. Mais si certains basculent, Place publique basculera », admet cependant Jean-Luc Bennahmias, ancien secrétaire général des Verts désormais dans la formation de Raphaël Glucksmann. Commentaire d’Olivier Dubuquoy : « Au PS, à Génération.s, à GRS, certains jouent leur place sur les listes et essaient de gripper la machine. Mais moi j’irai au bout. Les petits partis et les citoyens travaillent pour la liste plurielle. » Le mouvement est d’ailleurs déjà en campagne.
En toile de fond, l’enjeu est le périmètre du rassemblement et en particulier la place de la France insoumise. Contrairement à ses partenaires de gauche et promoteurs de d’Il est temps, EELV et le Pôle écolo estiment qu’il faut que la FI, et pour certains les communistes, restent des forces d’appoint au second tour. Malgré des résultats modestes (11,7 % aux européennes en Paca, 8,1 % aux municipales à Marseille) et le risque d’être trop loin du RN et de la droite pour se maintenir. « Notre électorat est plus volatil et moins ancré à gauche », insiste Jean-Laurent Felizia, le candidat du Pôle écolo. Justifiant par la même occasion une stratégie différente que dans les Hauts-de-France où, dans une configuration identique à Paca, toute la gauche part unie derrière une candidature EELV.
Un millionnaire de poids
C’est qu’en Provence Alpes Côte d’Azur, les écolos doivent composer avec un curieux personnage. Curieux, mais central pour eux, au niveau local comme national. Millionnaire, niçois et président de l’Alliance écologiste indépendante, Jean-Marc Governatori a obtenu 4,1 % des voix aux régionales de 2015 et s’est imposé comme la seule opposition républicaine à Nice aux dernières municipales en refusant toute alliance à gauche, l’évinçant par la même occasion de la mairie. « Il a de l’argent et les dirigeants d’EELV sont persuadés que de toute façon il se présenterait et les priverait de 3 à 4 % », regrette un Insoumis. « On risque le suicide, mais le Pôle écolo est tellement important au niveau national, qu’ils seraient prêts à sacrifier Paca pour garder Governatori », estime de son côté Philippe Chesneau, un militant écolo historique du Var et ancien vice-président EELV au conseil régional du PS Michel Vauzelle. Résultat, l’entrepreneur a obtenu la tête de liste dans les Alpes-Maritimes ainsi que d’être un des deux porte-paroles de la campagne des écolos.
Dans sa volonté de « devenir la locomotive à gauche », selon l’expression de Jean-Laurent Felizia, EELV est ainsi devenue moins clivé. Des gens avec peu de culture politique adhèrent, parfois proches du centre . Et même d’extrême droite et de droite ! Dans le Vaucluse, la section d’Avignon a ainsi ouvert ses portes à d’anciens militants RN et LR. Si une enquête est toujours en cours sur le passé de trois d’entre eux, Sandra Rigole, secrétaire générale nationale adjointe du parti écolo, se veut rassurante : « On est loin du recyclage des élus FN par la droite. » « L’écologie politique n’est pourtant ni libérale, ni productiviste, donc profondément de gauche. Mais je crains qu’on aille vers sa macronisation », observe désabusé Olivier Dubuquoy. Non loin de Paca, le nouveau maire de Lyon et la nouvelle coqueluche d’EELV, Grégory Doucet, y va tout droit. En présentant fin mars son premier budget et un plan d’investissement d’1,2 milliards d’euros très écolo, le quadra a cité un certain…. Jacques Chirac !