En Provence, la pollution ne manque pas d’air
C’est le contraire d’un scoop. Notre région est, avec celles de Gènes, de Barcelone et d’Athènes, l’une des quatre zones d’Europe les plus polluées par l’ozone. Pourtant, faute de canicule, le seuil d’alerte le plus élevé, celui de 360 mg par m3 d’air, n’a pas été franchi cet été. L’ozone est en effet issu de réactions chimiques entre les oxydes d’azote (NO2) et les composés organiques volatils (COV), comme le benzène, sous l’action du rayonnement solaire. En clair, plus le soleil brille, plus l’ozone se développe. Il s’agit donc d’un bon indicateur, mais seulement parmi d’autres, de la pollution atmosphérique. Depuis que le seuil d’alerte de 360 mg par m3 est mesuré en France, il n’a été dépassé que trois fois. Et, systématiquement, cela s’est produit sur les rives de l’étang de Berre. Les deux sources qui rendent l’air irrespirable en Paca sont bien connues. Il y a tout d’abord les émissions dites « fixes », celles qui proviennent pour l’essentiel du pôle industriel du golfe de Fos dans les Bouches-du-Rhône mais « irriguent » le Vaucluse, le Var jusqu’aux Alpes-de-Haute-Provence, et plus rarement les Alpes-Maritimes. L’autre grande cause de pollution, celle dite des « sources mobiles », est essentiellement due aux transports, autour des grandes agglomérations d’Avignon, Marseille, Nice et Toulon.
« Il ne fait pas bon, pour nos patients asthmatiques, se promener sur la Canebière un jour d’alerte à l’Ozone »
La pollution de l’air tue. Il s’agit là aussi d’une évidence, même si la prise de conscience du phénomène est encore très relative. Combien de personnes et lesquelles ? La question se complique. L’Institut national de veille sanitaire (INVS) vient de publier, fin juillet, une étude de l’évaluation de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique sur l’agglomération de Toulon (incluant la Garde, la Seyne-sur-Mer, la Valette-du-Var). L’institut arrive à « 84 décès anticipés attribuables à la pollution atmosphérique ». L’INVS a avancé, dans une autre étude rendue publique en 2002, le chiffre de 209 personnes mourant « prématurément » à Marseille. Cet été, l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse), a publié elle aussi un autre rapport ciblé sur les « impacts sanitaires de la pollution atmosphérique urbaine ». Tout en soulignant « les nombreuses incertitudes », un des scénarios évalue, en France, chez les 30 ans et plus à 5% « la fraction de décès actuels attribuables aux particules fines (dites PM2,5) », soit 9513 décès par an.
Ces études reposent, entre autre, sur les mesures de la qualité de l’air prises par les différents organismes agréés, mesures sujettes à variations et parfois aussi, à contestation (lire page 10). « Ce qui est photographié, explique Sylvie Cassadou, épidémiologiste, coordinatrice de l’étude « PSAS-9 » concernant la ville de Marseille, c’est une relation mathématique entre l’exposition à la pollution atmosphérique et les pathologies. Le tabac fait courir des risques individuels plus forts mais comme 100 % de la population d’une ville est exposée à la pollution de l’air, l’impact collectif sur la santé publique est loin d’être négligeable ». Ce que constate, de façon plus prosaïque, Nicole Oualid, directrice de l’école de l’asthme à Marseille. « Il ne fait pas bon, pour nos patients, se promener sur la Cannebière un jour d’alerte à l’ozone, souligne-t-elle. Mais la pollution ne se manifeste pas que lors des pics. Nous savons aujourd’hui par exemple que les effets nocifs des pollens sont alourdis par le monoxyde de carbone. »
« Les sources mobiles posent les plus grands problèmes. La circulation des voitures soulève des enjeux industriels, individuels et politiques très lourds »
Alors que faire ? Grande première, cet été, un arrêté inter-préfectoral a défini des mesures coercitives et préventives en cas d’alertes à l’ozone applicables à l’ensemble des départements de PACA ainsi que dans le Gard. Ces mesures progressives (réduction de 30 km/h des limites de vitesse pour les particuliers, réduction de la production de COV pour les industriels) déclenchées dans certaines conditions à partir du seuil de 240 mg par m3, permettent à la région, qui applique sur ce point une réglementation plus sévère que les normes nationales, de prendre la pose du bon élève. Dans le registre des actions sur le long terme, l’élaboration d’un Plan de protection de l’atmosphère des Bouches-du-Rhône, qui doit servir ensuite de référence aux autres départements (lire page 9), ouvre des pistes intéressantes. « Tout ce qui est situation d’urgence est de mieux en mieux pris en compte même si on peut aller plus loin, constate Jean-François Mauro, chargé de la qualité de l’air à l’Ademe-PACA, l’Agence de l’environnement. La gestion de la pollution chronique est plus complexe. Les sources fixes sont relativement faciles à cerner et à cadenasser. Les sources mobiles posent les plus grands problèmes. La circulation des voitures soulève des enjeux industriels, individuels et politiques très lourds. »
Restent en effet « quelques » menues inquiétudes. La culture du « tout voiture » a la peau dure (lire page 9)). La volonté d’imposer, dans les Bouches-du-Rhône, la construction d’un incinérateur comme la principale alternative à la décharge à ciel ouvert d’Entressen laisse pour le moins dubitatif. Comme la difficulté de mettre en place, dans les Alpes-Maritimes, une gestion durable des déchets en les réduisant à la source (lire page 11). En attendant, mieux vaut retenir son souffle.
Michel Gairaud