Fos refuse d’avoir des gaz
A Fos-sur-Mer, la campagne des cantonales et des régionales de 2004 a bel et bien commencé, et elle rappelle nettement celle des dernières élections municipales. En effet, comme il est de coutume en France, deux grands projets d’aménagement avaient été dévoilés aux habitants de Fos peu après les municipales de 2001, dont celui du terminal méthanier de Gaz de France. Mais l’élection du nouveau maire étant invalidée, c’est sur ces dossiers que s’est faite la campagne de décembre 2002. « A Fos, ceux qui avaient des remarques à faire sur notre projet de terminal gazier ont profité de la campagne pour le faire savoir », déclare Jean-Luc Bras, adjoint au délégué régional de GDF. Et Bernard Granié, Conseiller régional PS, qui briguait à nouveau la place lui ayant échappé en 2001, ne s’en est pas privé. Un des ses proches, Patrick Boullay, responsable de la communication au SAN (Syndicat d’Agglomération Nouvelle Fos-Istres-Miramas), en donne la raison : « on a tapé dessus en campagne parce que cela nous est tombé dessus. Il faut dire que le Maire précédent s’est fait blouser par GDF. Ils ont fait des propositions à la population sur plusieurs sites possibles, alors que via le Port Autonome (dont Bernard Granié est membre du Conseil d’Administration), on savait que le choix était déjà fait ». L’association de protection du littoral du golfe de Fos fait alors figure de principale opposition au projet de GDF, et dès son élection, Bernard Granié la soutient ouvertement : « il y a une connivence d’idées mais chacun a son rôle : le maire dialogue avec les patrons et le Préfet, et de son côté, l’association laboure le terrain ». Résultat de cette stratégie : Fos parvient à retarder le projet et le Préfet n’a toujours pas tranché, malgré l’avis favorable de l’enquête publique. L’obstacle est d’ordre balnéaire : le terminal devrait s’installer sur la plage du Cavaou, propriété du port autonome, mais aussi lieu très fréquenté en été : 7000 personnes par jour sur la plage et 4000 le soir pour les Festines. Fos se veut en effet la ville de l’industrie et du tourisme et revendique la qualité de ses eaux, obtenant le pavillon bleu depuis 10 ans. Alors, des cuves de 60 mètres de haut en guise de parasols, ça fait réfléchir à deux fois. Pour autant, et avant même l’installation éventuelle de ces cuves, les adeptes de cette plage mesurent-ils les dangers auxquels ils s’exposent à se dorer la pilule si près d’installations classées à risques ? Quoi qu’il en soit, pour GDF, ce projet est le bon car réalisable techniquement et financièrement dans les délais. L’enjeu économique est d’importance : le terminal doit recevoir l’équivalent de 10 % de la demande nationale en gaz. Mais les opposants voudraient plutôt voir les cuves construites à proximité du terminal déjà existant sur le site du Tonkin. Problème : il faudrait approfondir le chenal d’accès pour les bateaux et « la faisabilité technique n’est pas garantie », d’après GDF. Surtout, cela enchérirait le prix du gaz pour le consommateur par « accumulation des coûts de production ». Un argument difficile à entendre pour les opposants. Le maire de Fos propose que la collectivité finance les travaux de dragages. GDF de son côté ne se dit pas fermé à la négociation : « on ne veut pas apparaître comme le vilain petit canard : on est prêt à envisager des aménagements pour réduire l’impact visuel et même l’aménagement compensatoire d’une plage à l’Est. La balle est dans le camp du Port Autonome et de la Ville de Fos ». Mais le maire ne veut rien céder, même devant le chantage : « ils sont venus nous dire : “on ira en Espagne, vous vous expliquerez avec la population pour lui dire pourquoi vous allez la priver d’empois et de ressources financières” », dénonce Patrice Boullay. Qui ajoute : « les avocats ont leurs dossiers tout prêts, on a relevé tous les manques ». Pour GDF, le projet est toujours d’actualité : « on peut trouver des arrangements, mais le site du Tonkin n’est pas possible aujourd’hui ». Et demain ? L’aménageur avance à pas prudents en s’entourant de conseils, car « c’est un dossier sur lequel l’expression des opinions a beaucoup évolué ». Et de rappeler que GDF n’est pas seul à décider. Après tout, le Port Autonome est propriétaire des terrains et c’est lui qui risque de se mettre à dos une ville entière.
Etienne Ballan