Brouillage radio en Paca
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C’est par une lettre lapidaire de 8 lignes, datée du 8 janvier dernier, que Gilbert Andruccioli, le président de la Frase (Fédération des radios associatives du sud-est) a appris la rupture de la convention qui liait la fédération à la région Paca (1) depuis 2005. Environ 300 000 euros par an étaient jusqu’à présent versés directement aux 40 radios associatives de la région. Ce sera zéro en 2018, alors même que la convention triennale courait jusqu’à la fin de cette année.
Et ce sans le moindre avertissement. Pour Renaud Muselier (LR), le financement de ces radios n’est pas une compétence directe de la Région. Il invoque également une trouble « mutation du paysage audiovisuel régional ». « C’est assez minable et méprisant », juge celui qui est aussi président de la radio Agora, qui émet de Grasse à Nice. Pour Gilbert Andruccioli, le financement public de ces « radios libres » non commerciales – qui relèvent de la loi sur l’audiovisuel de 1986 et qui leur confèrent une « mission de service public » – est primordial : « Nous donnons la parole à plein de personnes qui ne l’ont pas d’habitude : des associations, des artistes, des petits élus, des représentants de l’économie sociale et solidaire… » Il ne décolère pas surtout quand on sait que la Région, comme l’a souhaité Christian Estrosi avant de passer le relais, finance à hauteur de 1,25 millions d’euros par an le groupe Azur tv, une société privée qui englobe plusieurs télés locales. « Il semblerait que soit dans ses compétences des outils au service de sa propagande… », fulmine le président de la Frase.
Bon et mauvais médias
Pour la députée En Marche ! du Var, Cécile Muschotti, « cette annonce fait partie d’une stratégie globale : Muselier sélectionne les médias, il tape sur ceux qui apportent une contradiction, il n’est pas à l’aise. Aurait-il quelque chose à cacher ? ». Pour rappel, alors que la Tchatche (association éditrice du Ravi) était aidée à hauteur de 20 000 euros l’année dernière pour des actions d’éducation populaire dans les quartiers populaires, ce sera zéro également cette année. « Si chacun s’arrête à sa compétence, il n’y a plus besoin d’élus !, affirme la néomacroniste. Il faut insuffler une volonté politique et la liberté et le pluralisme de la presse est primordial. » Elle a écrit à Renaud Muselier… qui ne lui a pas répondu.
Pour Agora, la douloureuse représente 12 000 euros. « C’est en gros un salarié au Smic pour nous. Nous allons essayer d’éviter de licencier mais malheureusement, c’est souvent la variable d’ajustement », déplore Gilbert Andruccioli. Conséquence directe : la baisse de la qualité des programmes, une information moins fouillée, moins de reportages… Autre station touchée : Radio Verdon. 12 000 euros également en moins, soit 10 % du budget. « Un contrat d’avenir ne pourra être renouvelé », se désole Yann Artiguelongue, le directeur, qui prévoit également une baisse de qualité de service.
Surtout que la situation n’était déjà pas rose pour les radios associatives. Les barèmes du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) versé par le ministère de la Culture ont récemment baissé après être restés stables pendant 15 ans. « Pourtant nos dépenses augmentaient forcément un peu tous les ans », note Gilbert Andruccioli. Dans le même temps, les municipalités ont réduit chroniquement leurs aides aux « radios libres » en raison, selon elles, des baisses de dotations de l’Etat. Un cocktail explosif…
Clément Chassot
1. La Région n’a pas souhaité répondre aux questions du Ravi.
Enquête publiée dans le Ravi n°160, daté mars 2018