Un village au bord de l’explosion !
« C’est une stupidité sans nom ! », ne décolère pas Robert Durand, président de l’association Environnement Méditerranée, concernant le projet de Parc résidentiel de loisirs (PRL) de Mazaugues dans le Var. 165 Bungalows, sur 15 hectares qui pourraient drainer pas moins de 700 résidents supplémentaires dans ce village situé dans le parc naturel régional de la Sainte-Baume qui en compte à peine 868 à l’année ! Soit la promesse d’un village dans le village… Mais ce n’est pas tout : le PLU a été modifié pour accueillir le projet, octroyé sans appel d’offre, à un gestionnaire privé, la société « O’uyapi eco lodge » fournisseurs de campings « branchouilles » de la Côte d’Azur. Société à laquelle le maire, Denis Lavigogne, vice-président de la communauté d’agglo de la Provence verte et proche de sa présidente LR Josette Pons, prévoit de céder un bail emphytéotique. Et ce, alors que le principe du contrat de gré à gré sans mise en concurrence n’a plus lieu d’être depuis la Loi Sapin II de décembre 2016. Quant au terrain choisi pour l’implantation de ce PRL, même s’il n’a pas reçu d’avis négatif de la DREAL, Environnement Méditerranée s’inquiète car il est situé à proximité d’un ruisseau et de la station d’épuration.
Un village d’irréductibles
Mais l’association environnementale n’est pas la seule à s’insurger. Une pétition en ligne recueille à ce jour 1000 signatures. Le CIL (Comité d’intérêt local) s’est farouchement positionné contre. « On sert de porte-voix et dans un petit village comme le nôtre où la parole est souvent encapsulée c’est important », explique Jean-Jacques Foletti, son président. Pour l’enquête publique pas moins de 135 observations ont été enregistrées. Et plusieurs conseillers municipaux ont quitté le navire depuis l’annonce du projet en 2015. La dernière élue démissionnaire a choisi la réunion publique mouvementée du 18 novembre pour annoncer sa décision au maire d’un laconique : « Vos choix ne correspondent plus à mes valeurs. »
L’un d’entre eux nous confie que le projet n’a pas vraiment été débattu en commission. « Mais, vous savez, dans ces petits villages, le maire fait autorité. Tout le monde s’écrase, il y a très peu de dissidence et on vote les yeux fermés », note ce dernier, encore surpris pas « la violence du projet ». Lorsqu’avec d’autres il manifeste son inquiétude concernant l’octroie d’un bail emphytéotique à un gestionnaire privé, ce dernier lui répond : « Il faut me faire confiance ! ». « Mais notre vocation en tant qu’élu, c’est d’encadrer les actions et non de « faire confiance » », conclut l’ancien conseiller municipal. Pour Robert Durand, Mazaugues n’a pas un attrait assez touristique pour justifier un tel projet et il craint que cela ne se termine comme la Bergerie du Castellet : « Il y a eu un projet similaire et aujourd’hui des bungalows qui devaient être initialement en location saisonnière, se sont transformés en zone de squat et de non droit. »
Tout ça pour ça ?
L’argument premier du maire (1) c’est la « manne » financière de 55 000 euros par an pour le village, il menace d’ailleurs d’augmenter les impôts locaux si le projet ne voit pas le jour. Un chantage qui ne tient pas la route pour les opposants. « Aucun projet ne justifie que l’on hypothèque un domaine public considérable de façon irréversible, s’exclame Jean-Jacques Foletti du CIL. Nous sommes une petite commune mais notre budget d’investissement est trois fois supérieur à notre budget de fonctionnement. Donc, avant de vouloir gagner de l’argent, il faudrait d’abord penser à en économiser. »
Au moment où nous bouclons notre article, un avis favorable « sous réserve » vient d’être émis par le commissaire enquêteur. Il préconise notamment que « le nombre n’excède pas 100 chalets ». Du côté du CIL, on regrette que rien n’ait été notifié sur la non mise en concurrence et les obligations de la Loi Sapin II. Mais surtout le comité imagine mal la société O’uyapi revoir son projet à la baisse, le dirigeant Michel Nore lors de la réunion publique du 18 novembre ayant précisé qu’il n’était pas « mécène » et que son seuil de rentabilité était calculé avec 165 bungalows. Le CIL s’apprête à adresser un courrier au Préfet avant que ce dernier ne rende son avis définitif.
Le PRL n’est pourtant pas le seul projet qui préoccupe ce petit village ! Il y a aussi l’extension du parc photovoltaïque sur une zone protégée, mais surtout le projet de carrière au sujet duquel le maire et Environnement Méditerranée se sont battus ensemble. Même si le rapporteur public leur avait donné raison, la Cour d’appel administrative de Marseille vient de rendre une décision en faveur de la carrière. « C’est un déni de justice !, s’insurge Robert Durand qui ne comprend pas ce revirement de situation.
La mairie ira jusqu’au Conseil d’Etat, même si c’est sans espoir. Environnement Méditerranée décide quant à elle de porter plainte auprès des instances européennes. Cette carrière est un risque majeur pour les 7 millions de mètres cubes d’eau présents en sous sol qui alimentent le Lac de Carces qui, lui-même, fournit en eau de nombreuses communes. Risque de sécheresse mais aussi d’effondrement des mines. Et enfin la proximité avec le fabriquant d’explosif Titanobel pose un réel problème de sécurité sur ce site SEVESO 2. De quoi, faire une grosse tache dans le nouveau Parc naturel régional de la Sainte-Baume…
Samantha Rouchard
1. A répondu par la négative à notre demande d’entretien.
Enquête publiée dans le Ravi n°158, daté janvier 2018