« Adolf Hitler, j’y crois pas…»
Souvenir d’un contrôleur des lieux de privation de liberté : « J’ai connu l’époque où la télé n’était pas encore autorisée en prison. Il n’y avait que la radio » ! Stupéfaction des détenus auxquels il raconte cette anecdote. Car, aujourd’hui, la télé est dans toutes les cellules. Et tourne quasi en permanence, souvent branchée sur les chaînes d’info en continu. Ce que reconnaissent sans peine les personnes en détention : « Dehors, on la regarde rarement. Mais à l’intérieur, y a que ça à faire ! »
Une situation aggravée par le coronavirus qui a entraîné la suspension de bien des activités. Sans parler du fait que la privation de liberté est aussi celle d’accès à internet et, sauf exception, à la plupart des médias. Un terreau favorable aux théories les plus sujettes à caution ? En tout cas, de quoi nourrir un regard singulier sur l’actualité (1).
Avec, notamment sur le Covid, des explications aussi hasardeuses que la com’ des autorités ou aussi « abracadabrantesque » qu’à l’extérieur ! Si un visiteur de prison dit ne pas y avoir été confronté, ce n’est pas le cas de ce bibliothécaire qui, lui, ne se sent pas les épaules d’aborder de front le sujet. Pourtant, face aux protocoles sanitaires, un intervenant est surpris par le degré d’acceptation de la population carcérale : « On sent de la lassitude. Et une forme de résignation. »
Reste que, confrontés à cette pandémie, les détenus plongent parfois tête la première dans des théories complotistes : « Le coronavirus, c’est pour faire mourir les trois quarts de la population. On est trop nombreux ! » Et il arrive d’entendre parler en des termes peu amènes des communautés qui tireraient les ficelles ou en tireraient quelque profit…
Pas simple de faire face. Surtout quand certains sont clairement en roue libre : « C’est comme les tempêtes et les tremblements de terre qui ont touché Haïti ! C’est pas le réchauffement climatique, ce ne sont pas des phénomènes naturels. Les grandes puissances ont des machines pour provoquer ce genre de phénomènes ! »
Mais, comme dehors, les hypothèses les plus farfelues sont en général accueillies par des sourires moqueurs, quelques railleries ou un silence gêné. Et un détenu de philosopher : « Quand tu commences à raisonner comme ça, tu te fais des nœuds au cerveau. » Ce qui n’empêchera pas un autre d’asséner : « Désolé de dire ça, je vais certainement choquer mais moi, Adolf Hitler, j’y crois pas ! » Dans les coursives, on entend le ronron des téléviseurs. La porte de la bibliothèque, elle, reste désespérément fermée…
1. le Ravi intervient régulièrement en détention. Mais, pour des raisons évidentes de confidentialité, l’anonymat des personnes détenues comme des intervenants est strictement respecté.