Chacun cherche sa gauche
Ami, entends-tu le son sourd des urnes qu’on prépare ? Ohé adhérents, élus et militants, c’est l’alarme ! C’est ainsi ! Les élections rythment la vie politique. Et si aucun scrutin n’est programmé en 2006, l’importance et la densité des rendez-vous qui s’annoncent – présidentielles puis législatives en 2007, municipales puis sénatoriales en 2008 – préoccupent d’ores et déjà les états-majors politiques et les élus. Mais pas seulement. Victoire du « non » au référendum sur la Constitution européenne en mai 2005, crise des banlieues en novembre de la même année, fronde anti-CPE dès février 2006 : tous les six mois, la colère éclate dans les urnes ou dans la rue. A gauche, deux dates plus anciennes traumatisent les mémoires : le 21 avril 2002, celle de la défaite de Jospin dès le premier tour des élections présidentielles en faveur de Le Pen ; les grèves interminables au printemps 2003 contre la réforme Raffarin sur les retraites que le premier ministre est parvenu à imposer… A l’inverse, militants et élus repensent avec gourmandise à leur victoire écrasante lors des élections régionales en mars 2004. En Paca, la gauche avait largement emporté même dans les départements et les villes acquises à la droite. Les appareils politiques et leurs adhérents rêvent de renouveler cet exploit. Mais même en capitalisant sur le rejet manifeste du gouvernement et de son premier ministre, enlisés dans l’affaire Clearstream, c’est encore loin d’être gagné…
La gauche régionale est tout d’abord suspendue à la prochaine échéance : les élections présidentielles. Au parti socialiste, le débat local sur le choix du meilleur candidat se déroule en sourdine. L’homme fort du PS, Jean-Noël Guérini, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, ne cache pas sa préférence pour Ségolène Royal, sauf en cas d’un hypothétique retour de Lionel Jospin. Toutes les fédérations départementales ont voté, lors du dernier congrès, pour la motion majoritaire, celle de François Hollande. La fédération du Vaucluse se distingue un petit peu en affichant son soutien à Dominique Strauss-Kahn. Les réseaux que Laurent Fabius avait mis en place en Paca ne semblent pas très opérants. Michel Vauzelle, le seul poids lourd socialiste à avoir défendu le « non » au référendum sur la constitution, ancien fabiusien rallié à Arnaud Montebourg puis à Vincent Peillon, ne fait plus guère entendre sa différence. Le président du Conseil régional, qui a prêté allégeance à Jean-Noël Guérini lors du congrès départemental en novembre 2005 à Istres, aurait obtenu en échange le soutien de la fédération pour une candidature aux législatives du côté d’Arles. Les dirigeants socialistes des Bouches-du-Rhône avaient approuvé à 75 % le traité européen désavoué à 59 % par les électeurs du département. Ce grand écart, que l’on retrouve avec moins d’amplitude dans les autres départements, n’est-il plus qu’un mauvais souvenir ou rejaillira-t-il dans les urnes ?
Le PCF, le seul parti de la gauche gouvernementale à ne pas s’être aligné sur le « oui » compte sur la mémoire des électeurs pour en tirer profit. Et tente de se placer à la tête de la dynamique impulsée par les « collectifs du 29 mai », fédérant les associatifs altermondialistes, une minorité des Verts et les trotskystes de la LCR, autour d’un projet de candidature unique de « la gauche de la gauche », peut-être conduite par José Bové. « Il y a beaucoup d’hypocrisie chez certaines organisations, PCF et LCR en tête, qui font croire aux militants dans les forums que toutes les options sont ouvertes tout en préparant activement la candidature de leurs propres appareils », déplore Marie Bouchez, conseillère régionale verte (Hautes-Alpes). Chez les Verts justement, les premiers à avoir désigné leur candidat pour la présidentielle, les tensions sont permanentes entre ceux favorables à une approche pragmatique, réformiste, et les autres qui réclament des transformations plus radicales… Tensions auxquelles le PCF, titillé par l’extrême gauche, n’échappe pas, en Paca comme ailleurs. « Nous sommes prêts à participer à un gouvernement, mais seulement en rupture avec les politiques libérales de ces 20 dernières années », souligne Jean-Marc Coppola, président du groupe communiste au Conseil régional, comme pour rassurer ses troupes. Plus à gauche encore, la LCR a divorcé avec Lutte ouvrière. « Il n’y aura pas d’autres expérience avec LO pour deux raisons : elle s’est lancée seule dans la campagne, sans réflexion ; ses sections locales n’ont aucune autonomie », assène Samuel Joshua, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire.
La logique des appareils politiques pourrait, comme à l’accoutumée, être plus forte que les tentatives de regroupement ou de recomposition idéologique. Le système de financement public des partis pousse chaque organisation à se présenter devant les électeurs car le montant de l’aide perçue dépend directement des scores réalisés au premier tour des législatives. Le parti socialiste a commencé à valider ses candidatures : un jeu extrêmement complexe compte tenu, entre autres, de la nécessité de veiller à la parité homme/femme et de réserver certaines circonscriptions aux partenaires communistes et écologistes, tout en assurant la réélection des quatre députés sortants. Pour le PC, qui n’a conservé qu’un député lors du dernier scrutin, l’enjeu principal demeure de sauver, dans les Bouches-du-Rhône en particulier, les vestiges de ce qui a fait sa force : le communisme municipal, autrefois très important dans le Var. Pour toutes les composantes de la gauche, les combinaisons prévisibles en 2008 sont infinies. Avec, à la clef, toutes sortes de paradoxes : Marseille, ville sociologiquement à gauche, pourrait reconduire par défaut l’UMP Jean-Claude Gaudin ; Nice, traditionnellement conservatrice, pourrait élire par dépit un maire socialiste.
Michel Gairaud
AU SOMMAIRE
Les Verts : Ils veulent prendre de la graine
Le PCF : Il a mal à sa gauche
Le PS : Il voit la vie en rose
L’altergauche : Elle rêve d’union radicale
Le scoop de Sam Ravi : Un ange passe en mairie