Tomato ring – tomate sang ou tomate sens
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De la semence aux ratonnades de l’Ejido, du contrôle de faux paysans patrons de serres esclavagistes aux vendeurs d’illusions d’indépendance, la tomate fait couler autant d’encre que de sang… Mais c’était sans compter sur ces petits salopards de paysans jardiniers qui allaient nous en faire voir de toutes les couleurs.
L’arc en ciel On était né sur des ruines et on a repiqué des tomates ! Putain le pied… de tomates !! Jaunes, vertes, zébrées, noires, marron, orange, blanches et indigo pour les dernières créations. On se serait cru dans une asso antiraciste. De toutes les formes, ovales, en cœur, allongées, piriformes, etc… On avait même fait appel aux fruits du verger pour les nommer : ananas, pêche, cerise, poire, prune et banane. Même les viandards avaient trouvé leur compte : cœur de bœuf, beefsteak, cream sausage etc… Fruit du soleil, elle a même inspiré les jardiniers à devenir poètes : rayon de soleil, beauté bleu, blue moon, blanche douce de Picardie, merveille blanche du Québec, 10 doigts de Naples et la sensuelle téton de Vénus… « Ils ont voulu nous enterrer, ils ont oublié que nous étions des graines » disait le proverbe Zapatiste.
Aujourd’hui, les graines germent comme l’idée que nos territoires dessinés avec des feutres de misère et de violences sociales commencent à se transformer par la réappropriation des terres, des semences, des couleurs et du sens… La tomate à elle seule est comme une ode à la beauté que retrouveront nos paysages redessinés par de jeunes artistes aux crayons de bonheur.
La cru du coulis chinois mondialisé avait fait péter les digues et emporté « le cabanon » (1), c’est l’heure de la reconstruction.
« Pour un baril de rouge » Tu prends des migrants clandestins, de l’eau pourrie, des capots italiens, californiens, chinois, et même de ta charmante Provence, de la terre polluée, des investisseurs véreux et des semences Monsanto, Limagrain, Bayer, et Syngenta. Tu mélanges le tout, tu rajoutes des subventions de la Pac (Place À La Corruption) et tu obtiens ce putain de poison que tu bouffes sur tes pizzas et qui nique tes intestins.
Allez, viens !! Ensuite tu iras au supermarché acheter ta tomate noire ou zébrée, ou de la fausse cœur de bœuf et tu te feras encore avoir, car les semenciers ont tout hybridé pour faire « cracher » la solanacée. Laisse béton, fuis le goudron, viens planter des tomates car il n’y en a pas de meilleures que celles que tu cultiveras toi !! Mûrir pour ses idées, l’idée est excellente !!
En conclusion, nous introduirons l’idée que la tomate est comme un guide qui nous mène à accepter la vision de deux mondes, posés sur un ring se regardant pour s’affronter…
Le premier, vecteur d’une société stéréotypée, conformiste et déterministe qui parle de pureté variétale et qui s’adapte aux besoins du commerce et de l’industrie. L’autre vecteur c’est celui d’une société qui honore l’imperfection, accepte les changements naturels, n’est sûre que d’une chose c’est que rien n’est figé et que tout reste à faire, pierre après pierre, revendiquer que demain sera meilleur qu’aujourd’hui, plus riche, plus beau, plus tendre…
Et quand le premier veut nous affronter, et taper fort, nous nous souvenons de l’art de l’esquive, c’est la résilience qui nous mène à moins de résistance, et de la militance nous glissons, tout doucement, vers la militendresse, et le vieux monde s’affale du poids de son attaque. Ne te limite pas à militer.
Pour la recette, rien ne vaut un échange au café, la cuisine comme lien social, allez, on y va !!!
Jean-Luc Danneyrolles et Sylvain Musseri pour le collectif Arcimboldo
1. Cabanon : coopérative provençale rachetée par les Chinois vers 2010. Sur le même sujet, lire L’empire de l’or rouge, de Jean-Baptiste Malet aux éditions Fayard.
Chronique publiée dans le Ravi n°154, daté novembre 2017