Malbouffe et obésité : c'est pas bio !
Ils jonchent le sol devant la sortie d’un collège du 14ème arrondissement marseillais. Des petits emballages plastique de Capri-Sun, cette boisson ultra sucrée distribuée par Coca Cola, vendue moins d’un euro l’unité. Popularisée par de nombreux rappeurs, elle est très à la mode dans toute la ville et particulièrement dans les quartiers nord. « L’addiction au sucre est plus forte chez les jeunes des quartiers défavorisés », assure Sylvie André, diététicienne nutritionniste (diplôme d’État, ils ne sont pas médecins, Ndlr) à Marseille. Elle fait partie du réseau Santé croisée, un dispositif de l’Agence régionale de la santé qui propose des consultations gratuites pour le diabète, l’obésité… « La plupart des gens de ces quartiers ne peuvent se payer une consultation qui coûte 50 euros et qui n’est pas remboursée. C’est déjà un premier problème pour lutter contre le surpoids et l’obésité », éclaire Béatrice Polidori, une de ses confrères.
De nombreuses études ont déjà démontré le lien entre obésité et pauvreté alors qu’à Marseille, en 2017, 17 % des habitants étaient touché par le phénomène, l’un des plus gros scores des villes françaises. Dans les quartiers nord, « où oui, il y a plus d’obésité », affirme Sylvie André, les enfants comme les parents sont touchés par le phénomène. Un manque d’information, l’impossibilité d’acheter des produits de qualité, une tendance à la malbouffe : peu de légumes, des plats préparés remplis d’additifs… « Bien cuisiner demande de l’organisation, c’est un calcul de tous les instants pour se rendre en centre-ville, au marché de Noailles…, remarque Sylvie André. Il n’existe pas dans toutes les familles une culture de la cuisine et, tout simplement, des fois le matériel manque. De plus le chômage, le fait d’être inoccupé, favorise aussi l’obésité. Cela s’est aggravé avec le confinement avec une tendance à la compensation par la nourriture. »
Concernant les enfants, qui prennent bien souvent les habitudes de leur parents, il existe une tendance à vouloir leur faire plaisir : « Il n’est pas forcément possible d’offrir une semaine au ski, des objets de valeur ou de les inscrire à des activités. Alors on compense, on va leur acheter un Kinder Bueno, des sucreries… Et on va plus au fast food qu’au restaurant. » Conséquence du surpoids sur la santé : problèmes sur les articulations, maladies cardiovasculaires, diabète… Chez les enfants, une croissance trop rapide ou des soucis hormonaux. « Ces maladies liées à une mauvaise alimentation sont sournoises car elles se développent bien plus tard et elles deviennent irréversibles. » Auteure d’une thèse en 2018 sur le « rebond d’adiposité » chez les jeunes enfants dans les quartiers nord, Juliette Pitsch (aujourd’hui médecin généraliste) constate aussi « une prévalence plus forte d’obésité sur ces territoires, urbains et défavorisés. Le plus important c’est l’environnement dans lequel on vit. J’ai l’impression qu’ils sont dans le déni et ils ont surtout d’autres priorités à court terme… » Comme nourrir sa famille.