Gazonnez cette décharge que je ne saurais voir
« Ce n’est pas la peine de toujours soupçonner quelque chose ! », lance aimablement Pierrette Lopez, maire de Nans-les-Pins (83), « sans étiquette » mais proche de l’ex députée LR Josette Pons, que nous interrogeons sur l’ancienne décharge de La Colombière. Au cœur du futur Parc naturel régional (PNR) de la Sainte-Baume, ce site à ciel ouvert, jamais officialisé, a accueilli pendant trente ans des déchets de particuliers mais surtout du BTP, sans aucun contrôle. La décharge est aujourd’hui fermée pour réhabilitation. Après y avoir imaginé un parcours de santé, l’édile précise que, dans l’immédiat, « le site est rendu à la nature et sera engazonné en septembre ». Le problème n’existe plus.
Oui mais voilà… « Dans le courant de l’été 2015, des habitants nous ont alertés sur un va et vient incessant de semi-remorques transportant des déchets inertes du BTP à destination de la décharge de la Colombière, censée être fermée », explique Vincent Guillon-Cottard, gendarme à la retraite et président de l’association Nans pour aujourd’hui et demain (Cf le Ravi n°117). Pierrette Lopez ne comprend pas ces soupçons alors « qu’il s’agissait de terre végétale » venant d’un chantier de St Zacharie « que quelqu’un de la mairie avait obtenu gratuitement ». Mais elle ne précise pas qui ! Et Mme le maire d’expliquer que l’opération n’avait rien coûté aux contribuables, « alors qu’avec l’étude plus la réhabilitation nous en sommes à 140 000 euros [dont 39 000 euros qu’elle essaie de faire subventionner par l’État, Ndlr]». Une certitude : Pierrette Lopez n’a rien signalé à la préfecture.
Des déchets à la pelle
Fin juillet 2015, la Dreal (Direction régionale de l’environnement) constate « l’existence d’une installation de déchets inertes ». En septembre, le préfet du Var met en demeure l’édile de régulariser la situation du site et de procéder à un pré-diagnostic de dépollution. « Ekos ingenierie » à Aix-en-Provence remporte l’appel d’offre : les sondages se feront à la pelle-mécanique, à trois mètres de profondeur maximum. En janvier 2016, Ekos rend son rapport sans que Pierrette Lopez n’en n’informe la population. « Il était disponible en mairie », répond-elle. Mais difficile de consulter un rapport dont on ne connaît pas l’existence… L’association attend encore que la préfecture lui en envoie une copie.
Nous avons pu le lire. Il part du principe que, pendant trente ans, n’ont été déposés que des déchets inertes. « Alors que l’on pouvait y trouver de tout dans cette décharge », assure Cécile Laublet, élue PS d’opposition. Au moment des prospections, le site présente des talus de 15 m de haut, sur une surface de 2000 m2 avec une pente à 67 % et « le volume d’apport depuis 1980 peut être estimé à minima à 30 000 m2 ». Les analyses révèlent la présence de huit métaux lourds dont un dépassement des normes autorisées pour le plomb. Plus inquiétant, c’est la proximité avec la Foux, rivière qui alimente la commune en eau potable. Un forage autorisé en 1990, alors que la décharge est en activité depuis les années 80. En 2004, une déclaration d’intérêt public préconisait déjà la fermeture du site.
Nous avons confié ce rapport à un ingénieur « santé et environnement », Clément Champiat, spécialiste des sols pollués. Il diagnostique un vrai risque d’infiltration de la décharge vers les eaux souterraines. Mais, selon lui, l’étude en l’état ne montre pas une grosse pollution et les eaux de la Foux étant traitées et contrôlées régulièrement, il n’y aurait pas de risque d’empoisonnement. Pourtant, pour être certain que les eaux souterraines ne sont pas impactées, il faudrait l’analyser au point de captage avant traitement.
Parc naturel… non dépollué !
Surtout, si ce site n’a pas accueilli que des déchets inertes, mais des terres polluées de chantier par exemple, alors l’étude est insuffisante. « Car en creusant si peu profond ça ne rend compte que des dernières années de stockage, souligne notre ingénieur. Et la pelle-mécanique n’est pas adaptée pour rechercher des déchets volatiles dans les sols, type hydrocarbure ou solvant. Car en remuant ainsi la terre, tous les déchets volatiles, normalement conservés dans les sols, s’évaporent dans les airs. Et lorsqu’on prélève l’échantillon, ce que l’on était censé chercher se retrouve en faible quantité… »
Pour lever tout doute de pollution, il aurait donc fallu creuser à huit ou dix mètres de profondeur et avec une sondeuse. Connaissant les pratiques peu scrupuleuses en matière de déchets des professionnels du BTP varois, on s’étonne que la mairie n’ait pas choisi un autre prestataire proposant des sondages plus profonds, au moins pour lever le doute. Réponse de la mairesse : « Cela ne vous regarde pas. » Mais comme cette étude « low cost » n’a pas été retoquée par la Dreal, le site, situé au cœur du futur parc national, ne sera donc pas dépollué.
En octobre 2016, la préfecture a toutefois exigé la remise en état naturel du site sous peine de poursuite. Pour Pierrette Lopez tout ce remue-ménage est essentiellement politique : « mais on verra si les beaux parleurs font de bons candidats », lance-t-elle. Vincent Guillon-Cottard, quant à lui, cherche plus à quitter Nans-les-Pins, exaspéré par les pratiques locales, qu’à prendre la mairie. Plus surprenant, d’autres associations comme « Environnement Méditerranée » et l’UDVN (Union départementale pour la sauvegarde de la vie et de la nature et de l’environnement), semblent se satisfaire du fait que la mairesse ait choisi de mettre fin à la décharge. Au moins, tant qu’elle ne fait pas pousser de vin AOC dessus…
Samantha Rouchard
Enquête publiée dans le Ravi n°153, daté juillet-août 2017. Pas de presse pas pareille sans votre soutien, abonnez-vous !