Moi, Akhenaton, le macaque du hip hop
Celui là, il aurait mieux valu qu’il se taise ! Pour faire marseillais, Macron, avant d’aller jouer au supporter de l’OM à la tribune présidentielle du Vélodrome, qui c’est qu’il a cité à plusieurs reprises dans son meeting ? IAM ! Et quelle musique a conclu son grand show politique après l’inévitable Marseillaise ? Du IAM ! Mais il n’a rien capté le golden boy. « Oui nous sommes bien nés sous la même étoile ! » (1) qu’il a martelé le candidat en marche pour promouvoir notre culture « commune ». Sauf qu’il n’a pas écouté les paroles : « La vie est belle, le destin s’en écarte / Personne ne joue avec les mêmes cartes / Le berceau lève le voile, multiples sont les routes qu’il dévoile / Tant pis on n’est pas né sous la même étoile (…) / La monnaie est une belle femme qui n’épouse pas les pauvres » (2) Ça, il ne peut pas le comprendre le banquier d’affaires…
Je suis habitué. Depuis « Je danse le mia » – « Pas de pacotilles / Chemises ouvertes / Chaînes en or qui brillent » (3), il y en a encore qui nous prennent pour des comiques. Bon, comme on a vendu beaucoup d’albums partout dans le monde, que les années passent et qu’on est toujours là, on en impose un peu quand même ! Mais on reste des rappeurs. Souvenez-vous de « Marseille capitale européenne de la culture », en 2013. Ses programmateurs ont totalement zappé le hip hop. Et ils n’ont pas apprécié que je taxe leur choix de « forme très triste d’ultra-snobisme provincial horripilante » ! (4) Y a rien à faire. Pour beaucoup, nous faisons de la musique de macaque. Ils « veulent que moi, le petit singe, je devienne un petit chien / A leur guise, fasse le beau, donne la patte / Et la ferme sans dire un mot et rapporte leurs balles / Quoi ? Est-ce nos écrits qui gênent ? / Est-ce une question de gènes ? (…) Ouais c’est moi le macaque, le hip hop est ma liane ! » (5)
Près de trois millions de vues en deux mois sur Youtube pour notre clip Monnaie de singe : les papés du rap, ils grimpent encore aux arbres ! Même si j’approche le demi siècle, j’ai pas l’intention de devenir un vieux con. Pour commencer, se méfier de ceux qui expliquent aux minots « à mon époque, c’était mieux. C’est quelque chose que j’entendais quand j’étais gamin. Je me suis toujours juré de ne pas reproduire çà ». (6) C’est pas que je trouve toujours la période enthousiasmante ! Regardez pour Théo par exemple, violé par la police : « dans un autre pays, les politiques se seraient insurgés. Ici, rien. On doit condamner les gens qui dérapent dans nos quartiers, et on le fait. Les politiques, eux, ne s’appliquent pas ce principe. » (7) Il y aurait de quoi faire la révolution. Mais mon truc, c’est plutôt la « Rêvolution », le titre de l’album. « C’est un rêve d’évolution. Parce que tout simplement, on a pu constater dans l’Histoire que les révolutions armées ont abouti à un état strictement inverse de ce pourquoi elles avaient été déclenchées. » (6)
« Je suis pour un capitalisme juste et où le partage se ferait mieux qu’aujourd’hui. »
Je vais encore me faire latter parce que je ne joue pas les gros durs. Ça me rappelle la polémique quand j’ai écrit une chanson utilisée pour une campagne de pub de Coca Cola. « Je te le dis et le répète pour la millième fois, je ne suis pas un altermondialiste, ni un communiste, je suis pour un capitalisme juste et où le partage se ferait mieux qu’aujourd’hui. » (8) Là ça te calme, je le sens ! Je rêve d’évolution, pas de révolution, mais je regrette le temps, celui de la marche des beurs, où « les jeunes des quartiers étaient politiquement « conscientisés » (…) celui où ils pensaient en conjuguant tous les verbes avec « nous » (…) avant le terrible changement auquel nos sociétés, principalement urbaines, doivent faire face : l’ultra-individualisme… » (9) Et le hip hop ne fait pas exception, avec ses vedettes obsédées par les marques, le fric, les bagnoles… « On a le rap qu’on mérite, avec des sociétés qu’on mérite ! » (10)
Et on a le président qu’on mérite ! Je l’ai déjà dit mais si le Front national prend le pouvoir « je quitte le pays sans attendre. Je n’accepterai jamais de vivre sous l’égide d’un gouvernement fasciste (…) Tous les gens qui votent pour ces fascistes vont bientôt se réveiller surpris (…) Hitler a aussi été élu, il ne faut pas l’oublier. (…) Il existe en France une islamophobie qui me terrorise ». (11) Je viens d’une famille d’immigrés italiens mais je suis devenu musulman il y longtemps, en 1993, juste avant mon mariage avec Aïcha, d’origine marocaine. « Si je m’étais converti dans la période actuelle, on m’aurait dit que je suis un terroriste ! » (12) La porte de ma maison a déjà été taguée d’insultes et d’insignes nazis. « Le vote Front national, trente ans après, ce n’est pas un vote contestataire. Ils savent très bien pour qui ils votent (…) Si Marine Le Pen est élue, la démocratie tiendra 3 mois. » (13)
Alors qu’on se le dise : « Si les bottes veulent marcher au pas et nous attacher aux mâts / On ne se taira pas longtemps (…) Les fachos, on les assied sur des vélos sans selle (…) / Les haineux, on les embarque dans des charters sans ailes / Nique les skins et leurs vestes Lonsdale. » (14) Mais faut savoir rester zen. Et ne jamais oublier non plus que « même si la tâche est rude, les murs bien trop hauts / On sait qu’un jour ou l’autre, il fera bien plus beau ». (15) C’est notre part de rêve. Un truc vital pour l’humanité. Garder mes rêves intacts, face à la connerie, c’est ce qui me pousse encore à avancer. Ce que je raconte c’est de la guimauve ? Je suis naïf ? Et alors ! « En France, on a tellement dénigré les bons sentiments, que l’on en a, aujourd’hui, tous bien besoin. Et la plus belle chose à transmettre reste l’amour. Des personnes, de la musique, de la culture… » (16)
Portrait « poids lourds » publié dans le Ravi n°150, daté avril 2017.