Le Droit au logement opposable : appliquons la loi !
Les Commissions de médiation départementales (Comed) où siègent, entre autres, des représentants d’associations, constituent à l’échelle du département, la pierre angulaire de l’exercice du Dalo. Elles sont chargées d’examiner les recours des ménages et de déterminer si leur situation est prioritaire et urgente afin de se voir proposer un logement. Pour cela, la Comed doit tenir compte des critères définis par décret afin d’apprécier les situations singulières pour savoir si elles rentrent ou non dans le champ d’application de la loi.
Cette appréciation des critères cristallise des dysfonctionnements dans les Bouches-du-Rhône. Car si l’on veut faire baisser le nombre de personnes devant être relogées par l’État, on va avoir tendance à apprécier ces critères de manière restrictive. A titre d’exemple, une personne qui est hébergée chez un particulier répond au critère « dépourvu(e) de logement », elle devrait donc être reconnue comme devant être relogée de manière prioritaire et urgente. Sauf si on considère que ladite personne n’est finalement pas si mal lotie et que le logement de son hébergeant présente des conditions de confort acceptables. Ce qui revient à faire peser la responsabilité de ces situations sur la solidarité citoyenne. Nous trouvons plutôt rassurant qu’en cas de pépin des gens de son entourage soient prêts à ouvrir leur porte mais dans ce cas précis c’est bien cet élan de solidarité qui va jouer en défaveur des requérants et les maintenir dans cette situation précaire.
De même, on observe une tendance de plus en plus insupportable et condamnable qui consiste à envisager, sous l’angle de la suspicion, les recours déposés par les ménages mal logés et à les soumettre à un régime de preuve qui tend à les éloigner de l’exercice de leur droit. Prouver qu’ils sont malades, pauvres, victimes d’un bailleur indélicat, qu’ils ne peuvent résorber leur situation, prouver leur bonne foi… Cela se solde par une surenchère de documents à fournir. On comprend alors aisément que des personnes qui subissent des difficultés par ailleurs ont vite fait de passer leur tour.
Par ces exemples, en réalité, il s’agit bien de revenir sur l’ensemble des critères ouvrant droit à un relogement dans le cadre du Dalo. Bien qu’en désaccord avec ces pratiques qu’ils dénoncent, au sein de la Comed des Bouches-du-Rhône, les représentants des associations ont bien du mal à faire valoir leurs positions et à lutter contre les dérives, du fait du jeu des votes et du rapport de force largement déséquilibré.
A qui profite le crime ? L’Etat a des enjeux financiers dans l’affaire, puisque lorsqu’il ne peut proposer de logement adapté aux ménages dans les délais fixés par la loi il peut être condamné à verser des astreintes, qui soit dit en passant ne vont pas dans les poches des ménages lésés mais alimentent un fonds destiné à financer de l’accompagnement social… En 2014 l’Etat a ainsi dû s’acquitter de plus de 19 millions d’euros d’astreintes.
Faut-il rappeler qu’aujourd’hui avoir un logement et le garder tend à relever du luxe ? Près de 30 % des ménages ayant eu une décision favorable en 2015 au titre du Dalo dans le 13 gagnaient le SMIC ou plus. Les constructions de logements sociaux, accessibles n’étant toujours pas à niveau des besoins, on peut penser que sans un réel changement de positionnement ces pratiques ne vont pas cesser. Et c’est bien ce qui nous préoccupe. Rendez-vous dans 10 ans…
Les représentants associatifs de l’interfédération Dalo Bouches-du-Rhône
Tribune publiée dans le Ravi n°149, daté mars 2017