« Du parrainage républicain »
Depuis le 24 avril dernier, Ossoul, demandeur d’asile soudanais en France et moi, Stéphanie, française et citoyenne solidaire, sommes liés par un parrainage républicain. Comment et pourquoi on en est arrivés là…
Fin 2015, la MJC de Briançon (05) ouvre un centre de répit – CAO et accueille de jeunes Africains venus de Calais puis, fin 2016, de porte de la Chapelle. Je suis bénévole, je propose des sorties en montagne et j’aide à l’accueil. De fil en aiguille, une relation d’amitié se tisse avec plusieurs d’entre eux.
Décembre 2016, Ossoul accepte de quitter sa tente porte de la Chapelle pour une destination inconnue. Briançon. La neige tombe, les semaines passent. Le jour, Ossoul comme tous ses autres compagnons d’exil, étudie assidûment ses cours de français, fait du bénévolat, se plie aux demandes administratives de l’État… Il reprend confiance et commence à se projeter. Il remercie sans cesse les Français qui l’entourent. Il prend souvent de mes nouvelles « Toi ça va ? Ta maman, ça va ? » . Mais moi j’ose de moins en moins lui demander comment il va. Car je sais que la nuit il dort peu, angoissé de n’avoir aucune prise sur son avenir. L’attente et l’incertitude sont insupportables. Il espère ne jamais recevoir la fameuse notification de la préfecture qui le renverra peut-être dans une Italie submergée par le flux migratoire, où il ne veut pas vivre.
Printemps 2017. Plusieurs demandeurs d’asile reçoivent leur notification. Le sentiment d’injustice et d’impuissance s’abat sur eux et sur nous aussi. Que faire pour signifier notre désaccord et agir ? L’idée d’un parrainage républicain est retenue. Je suis volontaire. Je demande à mon pays d’assumer ses responsabilités, d’être solidaire. Avec ce parrainage, j’assume ma part, à mon échelle. J’affirme mes convictions publiquement et officiellement. Je souhaite dire qu’il est inacceptable de fermer des portes à des personnes qui ont déjà eu leur lot de souffrances et de fermer les yeux devant le désarroi et la mort en Méditerranée d’êtres humains.
Ce parrainage se fait devant le maire, et au nom des trois mots significatifs de la République. Liberté de choisir où vivre et disposer de son avenir. Égalité de confort et de sécurité pour chacun sans discrimination. Fraternité au quotidien à celui, inattendu, qui frappe à notre porte et qui a besoin d’un soutien.
Ossoul est ému par cette cérémonie officielle. Concrètement, il sait désormais qu’il y a une personne, un nom, un visage, un numéro de téléphone avec qui il peut discuter, et qui reste vigilante quant à son devenir, prête à réagir et à dénoncer tout dysfonctionnement administratif et non respect des droits de l’homme le concernant. Comme filleul républicain, il s’engage à respecter la République française et il me fait confiance pour lui en ouvrir les portes. Comme marraine, je lui dis que je le soutiens et qu’il n’est pas seul. Comme maire, Gérard Fromm lui dit qu’il est le bienvenu, que ce territoire est le sien et qu’il a sa place parmi nous. J’espère que le Préfet, en levant les « dublinages », lui signifiera qu’il n’est pas juste un numéro mais bien un être humain avec le droit de s’autodéterminer et qu’il lui laissera ainsi et enfin une petite marge de manœuvre dans une vie largement subie. Ossoul comme moi, et comme les 31 autres binômes, on veut y croire.
Stéphanie Besson Citoyenne et marraine républicaine
Collectif « Tous Migrants Briançon » Le blog « Paroles de migrants » dans les Hautes Alpes