Sursis de trois mois pour La Marseillaise
Il faut s’appeler Bourvil ou être maso pour trouver que ce mois de mai puisse être qualifié de « joli » à La Marseillaise, le quotidien régional placé en redressement judiciaire. Mais, à bien écouter les paroles, on se rend compte de l’actualité de cette chanson : « A la ville on criait / Ach’tez du muguet / Ça porte bonheur / J’en ai pris un bouquet / Mais ça n’a rien fait / C’est tous des farceurs… »
En tout cas, sur la planète « rouge » de la presse indépendante, c’est loin d’être rose. Alors que la brouille semble définitive entre la France Insoumise et le PCF – il ne semble pas y avoir d’accord pour les prochaines législatives et Mélenchon serait prêt à débarquer à Marseille – La Marseillaise était à nouveau, ce mercredi 10 mai matin, à la barre du tribunal de commerce.
Placé en redressement judiciaire fin novembre, le titre d’obédience communiste a vu le président du tribunal prolonger la période d’observation de 6 mois. Un sursis en fait de 3 mois puisqu’une audience intermédiaire devrait avoir lieu courant juillet pour voir si l’édition 2017 du Mondial à Pétanque aura été ou non un succès, condition sine qua none de la survie du titre.
Le tribunal compte en effet beaucoup sur cette manifestation depuis que la procédure de redressement a été étendue à l’association qui la chapeautait jusque-là (pilotée par Michel Montana et son fils) tout en sachant que cela ne suffira pas. Comme la nouvelle saignée qu’a connue le titre puisque 27 salariés viennent d’être licenciés !
Alors, si, au sortir du tribunal, direction et syndicats ont dit leur « soulagement », ce dernier ne peut être que de courte durée. Et pas seulement parce que, dès le lendemain, c’est l’imprimeur de La Marseillaise (et du Ravi Ndlr.), Riccobono, qui sera lui aussi devant le tribunal de commerce. D’où un discours offensif de la part des représentants nationaux de la Filpac CGT (syndicat du livre) et du SNJ-CGT (syndicat national des journalistes) qui ont fait le déplacement pour l’occasion.
Et tandis que Patrick Bauret, de la Filpac, interpelle le nouveau président de la République pour réclamer une « véritable loi sur la presse » et un « moratoire sur les fermetures et restructurations en cours », le secrétaire général du SNJ-CGT Emmanuel Vire, lui, n’attend pas grand chose d’un Macron pour qui « la présence de grands groupes et d’investisseurs dans les médias est une chance ». Et le syndicaliste d’interpeller aussi la direction de La Marseillaise : « Comme la dit le président du tribunal, il faut sortir d’une gestion à court terme et dégager une stratégie de développement pour ce titre. Car on ne pourra pas s’en sortir à coup de PSE (« Plan de sauvegarde de l’emploi »). On ne pourra pas faire vivre un quotidien régional avec moins de 90 salariés… »
Autant dire que tout reste à faire. Et que les prochains mois seront cruciaux pour le titre. Déjà pour y voir clair dans les comptes de l’association le Mondial à Pétanque : d’après nos informations, si les comptes pour 2015 sont en cours de validation, ce ne serait pas encore le cas pour ceux de 2016… alors qu’on est à la veille de l’édition 2017 ! Mais aussi et surtout afin de construire une stratégie offensive pour un journal dont le nombre d’éditions vient d’être réduite de 3 à 2.
D’aucuns, en interne, s’inquiètent aussi de la valse des responsables à la tête d’un titre exsangue et auquel l’État vient de refuser « une aide exceptionnelle », dixit Alain Hayot, le monsieur culture du PCF et nouveau patron des éditions des Fédérés auxquelles appartiennent le quotidien. En effet, alors qu’Hayot a remplacé au pied levé Pierre Dharréville suite à la candidature de ce dernier, patron du PCF 13, aux législatives du côté de Martigues, c’est au tour de l’éminence grise de Dharréville, Fabrice Lecomte, de se voir remplacé au poste de président délégué par Audrey Garino. Alors que celle-ci est elle-même candidate pour le PC aux prochaines législatives dans la 2ème circonscription !
Si Lecomte nous assure qu’il est « toujours là » et Garino qu’elle saura « gérer » ce double emploi du temps, d’aucuns tiquent en interne face à la nomination d’une personne qui non seulement vient du PCF mais qui, de surcroît, contrairement à Dharréville ou Lecomte, n’a aucune expérience de la presse. « Vous savez, pour diriger un journal, il faut connaître un peu la presse, mais c’est surtout affaire de relations humaines… », tempère le communiste Jean-Marc Coppola. Ce qui n’empêchent pas certains de craindre un rétrécissement du titre sur sa famille politique d’origine : « Si l’ambition, c’est de faire de La Marseillaise une feuille de chou partisane comme Liberté à Lille ou Le Patriote à Nice, certes, dix personnes suffisent mais ce n’est pas la même chose que de se battre pour faire vivre le pluralisme dans une région qui en a grand besoin. » On verra déjà comment en ce « joli » mois de mai nos confrères traitent des tiraillements entre le PCF et la France Insoumise…
Sébastien Boistel
Article publié sur le www.leravi.org le 10/05/2017