Ainsi front les républicains
« A Orange, c’est devenu plus simple, vous avez maintenant le choix entre deux partis d’extrême droite au second tour », ironise tristement Alexandre Houpert, élu d’opposition PS au maire Jacques Bompard, ancien du FN aujourd’hui à la tête du micro-parti La ligue du Sud. Le représentant de Benoît Hamon en Vaucluse fait référence aux dernières élections cantonales en 2016 où le deuxième tour opposait le fiston Yann Bompard et sa colistière à un duo Front national.
Le Vaucluse, où le Front enregistre des scores mirobolants, est plus que jamais traversé par la question du front républicain, souvent dans le même sens : de la gauche vers la droite. « Aujourd’hui il n’y a plus rien d’automatique, on ne peut plus continuer à dire que le meilleur moyen de battre le FN, c’est la droite, poursuit Alexandre Houpert. Il existe une tradition de la droite vauclusienne qui consiste à dire que le meilleur moyen de faire barrage à l’extrême droite, c’est de lui courir après. Résultat : ils se sont fait bouffer. » L’élu se dit personnellement encore incapable de savoir s’il irait voter François Fillon, à la probité entachée, dans un hypothétique deuxième tour du candidat LR face à Marine Le Pen. Mais d’autres élus ont déjà fait leur choix comme Cécile Muschotti, n°2 du parti socialiste dans le Var, qui déclarait le mois dernier au Ravi préférer « aller à la pêche même au risque de voir Marine Le Pen présidente ».
Politique fiction
Les responsables politiques n’aiment pas « faire de plan sur la comète », comme le dit Pierre Dharréville, secrétaire du parti communiste dans les Bouches-du-Rhône, mais le Front Républicain risque de se translater sur un candidat « En marche ! », Emmanuel Macron. Dans cette configuration, que ferait la droite « républicaine », pour la première fois éliminée du second tour d’une présidentielle ? « C’est assez difficile à dire, estime Christian Kert, député LR des Bouches-du-Rhône. Je pense que la plupart des élus appelleront comme moi à battre Marine Le Pen mais d’autres auront plus de mal. Certains diront : "Entre Macron, ersatz d’Hollande rejoint par Manuel Valls, un candidat dont on ne sait rien et le FN, on ne peut pas choisir". Surtout que sur le terrain, un certain nombre d’électeurs nous disent qu’ils iront dans ce cas voter Le Pen. » Deux visions s’opposeraient au sein des Républicains : constituer une majorité aux législatives autour d’une personnalité nouvelle et apprendre à travailler avec elle ou l’espoir de remporter une majorité à droite pour entrer en cohabitation.
Si le député estime que ce front a en réalité « volé en éclats » à l’heure où « le clivage gauche-droite s’estompe », il a, en tous cas, laissé des marques depuis 2002 et le duel Chirac– Le Pen père. Pour Alexandre Houpert, il est en partie à l’origine de la démobilisation des militants « sur le terrain pendant des jours puis à qui on dit au lendemain du premier tour "merci on a fait un bon score mais nous nous désistons" », en référence aux élections régionales de 2015 où le socialiste Christophe Castaner a jeté l’éponge en faveur de la droite au soir du premier tour.
Pour Pierre Dharréville, même si cette expression ne fait pas partie de son vocabulaire et renvoie plutôt à un choix personnel et douloureux, le front républicain « est l’une des raisons de la désaffection du public envers la politique, le signe d’institutions à bout de souffle ». Et de prôner pour l’instauration de la proportionnelle : « Le vote utile, la logique de moindre mal nous a menés dans une impasse. On ne peut se satisfaire de ça. Mais la présidentielle n’est pas la solution à tout. » Et de penser probablement aux législatives où il sera candidat dans la circonscription qui court de Martigues à Istres… D’autres, à droite, ont une vision différente du front républicain. Raoul Cayol, représentant de Debout la France dans les Bouches-du-Rhône, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, parle de « front dictatorial ». « Je ne sais pas ce que c’est le front républicain. Il s’agit d’une idée orchestrée par les médias et si cela se produisait, ce serait cinq années catastrophiques à passer », estime-t-il, en rappelant, avec sérieux, qu’il avait 12 ans en 40… Il préférerait au menu du second tour « deux candidats souverainistes » à la carte. Bon appétit !
Clément Chassot
Cet article a été publié début avril, dans le Ravi n°150 daté avril 2017, avant le 1er et le 2e tour de la présidentielle. Le 24 avril, Benoit Hamon et François Fillon ont appelé à voter Emmanuel Macron pour battre Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon ne s’est pas prononcé en attendant un mandat des « Insoumis » [Le PCF a appelé de son côté « à battre Le Pen »]. Nicolas Dupont-Aignan devait réunir le comité de direction de Debout la France avant de s’exprimer cette semaine… (Maj du 24/04/2017)