Acharnement sur l’Equitable Café victime de mauvais KKKanulars
« Le fond de l’air effraie », soupire-t-on, avec un certain sens de la formule, à l’Equitable Café. Le 18 mars, en fin d’après-midi, cet établissement associatif et militant situé en plein centre-ville de Marseille, au Cours Julien, a eu la stupéfaction de voir débarquer une vingtaine de policiers armés. Non pour des nuisances sonores – une problématique avec laquelle cette salle, comme d’autres lieux en centre-ville, doit se débattre en ce moment – mais du fait d’un mauvais canular. Ce jour-là, l’Equitable accueille un militant sud-africain du mouvement de boycott contre les produits israéliens, BDS (Boycott, désinvestissements, sanctions), dans le cadre d’une semaine de mobilisation internationale.
« Les policiers étaient à la recherche d’hommes armés sur le Cours Julien, suite à un coup de fil qui leur avait été donné avec le téléphone portable de l’Equitable, nous explique Joris, salarié de l’établissement, de permanence ce jour-là. Ils m’ont interrogé sans ménagement, en me demandant si c’était moi qui était à l’origine de ce qui avait tout l’air d’un mauvais canular. Et, le temps qu’ils vérifient mon identité, à ce moment-là, j’ai reçu un appel sur ce même portable. Ça a duré à peine 5 secondes. A l’autre bout du fil, une voix me dit : « Y a les flics chez vous ? Hé bien, tant mieux, fils de putes pro-palestiniens. On est en Israël. Allez vous faire foutre ! » Quand j’ai répété ce qui m’a été dit, les policiers ont compris que c’était bien un canular et que notre téléphone avait vraisemblablement été piraté. Et sont repartis sans demander leur reste. »
Dans la foulée, sur le Facebook de BDS et de l’Equitable, des commentaires fleurissent, dont l’un, émanant de « la brigade juive » (un groupuscule de radicaux pro-israéliens proche de la « Ligue de défense juive ») avec un énigmatique « bien le bonjour ». De quoi donner quelques pistes quant à l’identité des « plaisantins » qui ont fait débarquer, quelques heures plus tard, à l’Equitable, « un corbillard appelé pour venir chercher un corps », poursuit le salarié.
Apparemment, d’autres incidents du même tonneau auraient émaillé la tournée hexagonale de BDS. Et si pour l’heure les services de police n’ont pas donné suite à nos questions, l’équipe de l’Equitable a évidemment fait le lien avec ce qu’a vécu Pierre Stambul. En juin 2015, le président marseillais de l’Union juive française pour la paix (UJFP) a subi une intervention plus que musclée du Raid, la police ayant été dépêchée à son domicile suite à une alerte pour « tentative d’assassinat ».
Le militant anti-sioniste y verra derrière la main des radicaux pro-israéliens, et notamment du célèbre pirate « Ulcan », contre lequel il a porté plainte. « J’ai également engagé des poursuites contre l’Etat pour le préjudice subi, explique Pierre Stambul. J’ai reçu 9000 euros de dédommagement, la moitié ayant permis de couvrir les frais de justice. L’autre moitié, j’en ai fait don à des organisations palestiniennes. L’extrême droite sioniste sera donc ravie d’apprendre qu’elle a ainsi permis de financer la lutte contre l’apartheid israélien en Palestine. »
Avec d’autres organisations, notamment syndicales, il envisage d’interpeller, comme il l’avait fait à l’époque, les autorités, en particulier policières. Du côté de l’Equitable, on a du mal encore à se remettre de cette sale histoire. D’autant que, quelques jours plus tard, c’est un militant antifasciste marseillais bien connu, Hazem, qui a été attaqué à son domicile par deux individus, recevant de leur part plusieurs coups de couteau. Dans une ville qui doit accueillir, à la veille du 1er tour de la présidentielle, le dernier meeting de campagne de Marine Le Pen, pas de doute, le fond de l’air effraie…
Du côté de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, on nous a confirmé, le 28 mars, que la police était bien intervenue le 18 mars peu avant 18 heures à l’Equitable Café. Mais qu’il n’y aurait, pour l’heure, pas d’enquête. En revanche l’association qui gère l’établissement, comme les différentes structures qui ont organisé le débat autour du BDS, compte bien interpeller, à travers une « lettre ouverte », le préfet de police Laurent Nunez. D’autant plus que, d’après nos informations, ceux qui ont décidé de s’en prendre à ce café militant continuent de sévir. En effet, dans la nuit de mardi 28 à mercredi 29, les pompiers auraient reçu un appel pour signaler une personne en train de se pendre à l’intérieur du café. L’intervention des pompiers a occasionné quelques dégâts au niveau de la grille…
Sébastien Boistel
Article publié le 27 mars 2017 et actualisé le 29/03/2017.