De la friture sur la radio numérique !
Depuis presque dix ans, en dignes héritières des radios libres qu’elles sont encore, les radios associatives marseillaises, en particulier Radio Galère et Grenouille, jouent les pionniers du numérique terrestre, tricotant dans les coulisses de ces antennes pirates des solutions de diffusion non seulement innovantes mais bien moins chères que si elles en passaient par un opérateur privé. Mais, le DAB (on ne parle pas là du salut préféré des mômes mais de l’équivalent pour les ondes de ce qu’est la TNT), les radios privées ne voulaient pas, jusqu’à peu, en entendre parler.
Et puis, dans la perspective d’une couverture complète du territoire en 2021, le CSA s’est enfin décidé en 2018 à lancer un appel à candidature digne de ce nom. Sauf que la sélection du gendarme du PAF pour établir qui a le droit de cité sur ces ondes en mode 2.0 ne brille pas par son originalité. Au-delà des six antennes de la radio publique (France Inter, Info, Culture…), on n’a affaire qu’à des radios privées et souvent des robinets à soupes musicales : NRJ, Nostalgie, Skyrock, Fun Radio… Même Air Zen, « la première radio positive en France » ne semble pas capable d’égayer le paysage radiophonique de demain où l’on trouvera RTL, RMC, Europe 1 ou encore BFM…
D’où, en parallèle du dossier porté par le SNRL (Syndicat nationale des radios libres), un projet lancé par Radio Campus, le réseau des radios étudiantes : Radioïde. « Il y a un attachement quasi affectif à la FM et le développement de la radio numérique n’empêche pas à la FM classique de fonctionner. Mais là, en ne voyant sur le numérique, au-delà des antennes de Radio France, que des radios privés et essentiellement des médias existants, on a eu envie de proposer autre chose », explique Nicolas Horber, délégué général de Radio Campus France, qui fédère une petite trentaine de radios étudiantes.
Radioïde se veut « une radio associative et citoyenne » et même « un service public complémentaire » souhaitant « offrir une tribune permanente aux voix citoyennes ». « Quand l’appel à projet a été lancé, c’était au moment du mouvement des Gilets jaunes. Sur le terrain, on sentait qu’il y avait un vrai besoin d’expression, poursuit celui qui officie également à Radio MNE à Mulhouse. Et imaginez, en travaillant en partenariat avec les radios associatives, les centres sociaux, les MJC, le changement de rapport de force et de rapport aux territoires ! »
Quand, dans les années 2000, des télés associatives avaient pu être diffusées sur la TNT, certaines avaient craint de ne pas avoir assez de contenus : « Ce qu’on redoute, ce n’est pas la pénurie, c’est la multitude, s’enthousiasme le patron de Radio Campus. On pourrait faire un décrochage dans chaque village ! Cela va nécessiter une sacrée organisation… »
Toutefois, même si émettre en numérique est dix fois moins cher qu’en analogique, « les coûts de diffusion seront de 2,5 millions d’euros par an pendant cinq ans. Mais j’ai un plan, sourit-il. On va demander aux antennes privées de se cotiser pour nous financer. En contrepartie du fait que, sur notre antenne, il n’y aura pas de pub. En clair, ils se payent le luxe – et ils peuvent se le permettre – de ne pas avoir de concurrent ! Et une manière de revenir à ce qu’était à l’époque l’essence même du Fonds de soutien à l’expression radiophonique… »
Pas sûr que ça marche. En tout cas, Radioïde fait partie de la petite dizaine de projets que le CSA a, début octobre, jugé « recevable ». Si le calendrier est encore flou, face à Skyrock, Chérie FM ou ce poids lourd qu’est Reworld Médias et son projet de radio dédiée au sport, un peu de « menue » friture sur la radio numérique, ça ne peut pas faire de mal !