Attention : une élection peut en cacher une autre !
La cuisine électorale est faite de recettes qu’il vaut mieux avoir en tête avant chaque échéance. Parmi une des plus importantes : à chaque scrutin se joue celui d’après. Dans la majorité municipale du maire LR de Marseille, qui possède quelques grands chefs en la matière, certains ont ainsi déjà en tête les municipales de 2020 à l’approche des législatives. C’est le cas d’Yves Moraine, le président du groupe LR au conseil municipal. Après avoir succédé à Jean-Claude Gaudin à la mairie des très chics 6ème et 8ème arrondissements, l’avocat est l’un des prétendants, avec les députés Valérie Boyer et Dominique Tian, à sa succession à la mairie centrale.
Le vice-président du Conseil départemental s’est donc lancé à la reconquête de la 5ème circonscription de la ville, qui regroupe, depuis le redécoupage de 2010, le 4ème arrondissement et la partie des 5ème et 6ème arrondissements très favorable à la droite. Une circo que la socialiste Marie-Arlette Carlotti a enlevé d’un cheveu, en 2012, à la faveur de la victoire de François Hollande à la présidentielle (51,8 %). La récupérer donnerait toute la légitimité à Yves Moraine pour prétendre à l’investiture suprême.
Alignement des planètes…
Dans sa quête, il peut compter sur le soutien de Bruno Gilles. Le sénateur-maire du secteur lui a déroulé le tapis rouge et le traîne partout. Par ailleurs patron de la fédération LR des Bouches-du-Rhône, il aura aussi son mot à dire sur le nom du successeur de Jean-Claude Gaudin. Cerise sur le gâteau, lors de ses vœux à la presse, le maire de Marseille a eu des mots plus que doux à l’attention de son protégé. « Je veux [qu’Yves Moraine] puisse prolonger l’œuvre que j’ai commencée à Marseille », a lâché le sénateur LR (Marsactu, 17/01). « Il faut y aller doucement, c’est une première étape, tempère cependant Bruno Gilles. Mais c’est sûr que Moraine joue gros. S’il perd, il est mal barré. » Sans oublier qu’à Marseille les dauphins ont tendance à s’échouer…
Malgré cet alignement favorable des planètes, au moins jusqu’au « Pénélopegate », l’intéressé reste prudent. Et nie même faire « des calculs à trois ans ». « L’enjeu, c’est la presse qui l’a créé, assure Yves Moraine. On a perdu la circonscription en 2012 dans des circonstances particulières, il fallait quelqu’un pour mener le combat. Ce qui a été déterminant, c’est le soutien de Bruno Gilles. Il mène campagne pour moi comme pour lui. » Et l’avocat de jurer : « Je suis serein. Si je gagne, je gagne, si je perds, je reste maire des 6/8. Le plus important, c’est l’unité. »
…Mais ciel nuageux
Dans une circonscription partagée politiquement en trois tiers (un tiers pour la droite, un autre pour le FN, un dernier pour la gauche), l’enjeu est en effet primordial pour le candidat LR. Aux vœux du sénateur-maire des « 4/5 », aussi bien Jean-Claude Gaudin que Martine Vassal, numéro 2 des LR des Bouches-du-Rhône et présidente du Conseil départemental, ont lourdement insisté sur la nécessité de serrer les rangs. Installé à une place d’Yves Moraine, l’UDI Maurice Di Nocéra, visage fermé, était directement visé. Adjoint au maire de Marseille et vice-président du Département, le septuagénaire, qui fait pourtant partie des fidèles de Gaudin, a cette année des ambitions. « Je suis là depuis 14 ans, j’ai fait 65 % aux dernières cantonales, je suis le candidat légitime du secteur, martèle Maurice Di Nocéra. Plus que le parachuté qui pense d’abord à la mairie ! » Et de conclure : « Mais il ne me gêne pas. » S’il devrait rentrer dans le rang, Bruno Gilles peste quand même : « Moraine aura l’investiture LR/UDI. Mais quelle injustice si c’est Carlotti qui gagne ! »
A gauche, comme au Ravi, on ne baisse pas les bras. Malgré le vent mauvais qui souffle depuis 2012, le PS continue d’y croire. En particulier en cas de triangulaire. « Moraine est à prendre au sérieux. Il est très motivé et il va bénéficier des troupes de Bruno Gilles, explique Benoît Payan, président du groupe PS au conseil municipal. Mais la gauche n’est pas morte dans la circo, elle vit même plutôt bien. » Lui même a été élu en 2015 au Conseil départemental sur le secteur en binôme avec l’écolo Michèle Rubirola. Autre raison d’espérer pour le socialiste : « Yves Moraine a des amis extrêmement bien attentionnés… qui vont essayer de l’éliminer. » Comme si c’était dans les habitudes de la droite marseillaise…
Article publié dans le Ravi n°18, février 2017