Agoras versus octogones
Le spectacle est inattendu. Celui de professeurs de médecine – sur les réseaux sociaux, les plateaux de télévision – s’envoyant à la figure leurs expertises. La science est dans la place. Face à la crise sanitaire, à un virus dont la morbidité et les modes de transmission font débats, l’État, discret sur ses responsabilités dans le démantèlement du service public de la santé, s’abrite derrière les recommandations d’un « comité scientifique ».
Didier Raoult, drapé dans la posture du franc-tireur, en dépit de ses liens étroits et financiers avec le pouvoir politique depuis des décennies, apparait a contrario comme un homme providentiel aussi bien capable de terrasser à lui seul l’épidémie mondiale que de déjouer de sombres complots. Des chercheurs, universitaires, dont le sociologue Laurent Mucchielli, pétitionnent pour dénoncer, avec la Covid-19, « un gouvernement par et dans la peur » qui « instrumentalise la science« .
Ils ont raison de souligner que « la science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l’absence de conflits d’intérêts« . La recherche, dont le financement ne devrait pas dépendre d’intérêts privés, est avant tout une démarche collective. La science, sens dessus dessous, est sous les projecteurs. Tant mieux ! Mais préférons aux octogones médiatiques, des agoras comme les universités populaires où la complexité devient compréhensible en éveillant le sens critique…