Eurêka ? Y a qu'à !
Surtout ne leur parlez pas de « vulgarisation ». Pour les conférenciers et les associations qui animent toute l’année en Paca des manifestations afin de stimuler le débat autour des sciences, il n’est surtout pas question d’appauvrir les sujets pour les rendre compréhensibles. « Je préfère qu’on parle de divulgation, précise Jacques Serrano, fondateur des semaines de la Pop Philosophie à Marseille. Cela veut dire que l’intervenant ne cherche pas à tronquer sa pensée. Mais qu’elle devient accessible par le choix d’un objet commun entre lui et le public, comme un thème de fiction ou une série télé, qui permet le débat. » Cette année, la Pop philosophie va ainsi parler zombie – thème choisi « bien avant l’épidémie de covid » !
Enseignant à l’université de Toulon et à l’école Centrale, le mathématicien et historien des sciences Jean-Marc Ginoux utilise l’anglicisme de « popularisation ». « Parfois, en voulant vulgariser un concept scientifique comme la relativité d’Einstein, on le rend plus complexe que si on se référait au texte original de la découverte, assure-t-il. Dans mes cours ou mes conférences, j’ai constaté qu’il est plus efficace de faire réfléchir les participants en les mettant dans les conditions scientifiques de l’époque de la découverte. Un mélange entre exposé et expérience. » Le format de la rencontre joue donc un rôle décisif. « Pour les intervenants, c’est inhabituel de se retrouver devant un public qui n’est pas captif comme dans une classe ou un amphi, souligne Jean-Pierre Brundu, fondateur de l’Université populaire de Marseille. C’est cela qui amène le débat, qui représente en général la moitié de la conférence. »
« L’esprit critique, le meilleur des atouts »
Avec un objectif en ligne de mire : former à l’esprit critique et à l’autonomie de jugement. A la Fête de la science, organisée chaque année en Paca par l’association Les Petits débrouillards, on veut « transmettre le plaisir de se poser des questions, de bidouiller », rappelle Yann Sanchez, coordinateur régional. « C’est aussi une invitation à désenclaver les esprits scientifiques, qui en tant que spécialistes, peuvent parfois manquer de recul. En médecine par exemple les parents d’enfants malades ont souvent une grande expertise, ils permettent aux scientifiques d’avoir une vision plus transversale de la maladie. » Mais expertise citoyenne et esprit critique peuvent entraîner un travers : la contestation systématique du savoir, parfois jusqu’au complotisme.
« Je suis effaré par la capacité de certains à estimer qu’on peut faire Sciences Po en trois semaines sur Internet… », soupire Jacques Serrano. « Les étudiants remettent parfois en question la définition même d’un concept scientifique, parce qu’il s’en trouve 8 ou 10 différentes sur Internet, et on doit argumenter, note Jean-Marc Ginoux. Mais cette culture Wikipedia, qui est la plupart du temps très bien référencée, a aussi l’avantage de nourrir leur curiosité. » « En stimulant l’esprit critique, on stimule aussi l’animosité et la méfiance par rapport aux experts, reconnaît Yann Sanchez. C’est un paradoxe, on essaie de le combattre par le débat. L’esprit critique reste le meilleur des atouts face à l’obscurantisme et aux fake news. » Jean-Pierre Brundu, lui, n’a pas ces soucis. En sept ans d’Université populaire, d’abord à Aubagne puis à Marseille, et plus de 40 conférences par an, il a rarement observé de « renard » qui vient pour poser une question piège. « Et quand il y en a, ils ne reviennent pas. Le public est vraiment demandeur de savoir, et d’échanges ».
Le débat doit-il pour autant prendre une dimension politique ? Sur certains sujets, cela semble difficilement évitable. « Le rôle de la science dans la société n’est pas un axe fort pour la Fête de la science, souligne Yann Sanchez. Mais il y a quand même quelques thématiques sur lesquelles il y a un consensus des experts, comme le réchauffement climatique. » Et quand il n’y a pas de consensus ? Les empoignades entre médecins et infectiologues autour du coronavirus ont relancé des inquiétudes, et donc des débats, sur les incertitudes de la science et les risques d’un gouvernement de scientifiques.
« Il faut garder à l’esprit que les controverses scientifiques ont toujours été extrêmement virulentes, rappelle Jacques Serrano. La différence, là, c’est que ça se fait devant les caméras de télé ! » La confiance du public ne devrait donc pas se situer dans le savoir, fluctuant par essence, mais dans la méthode qui le produit : révision par les pairs, partage des données, vérification et reproduction par l’expérience… L’année dernière, le slogan de l’Université populaire de Marseille était « Prendre le risque d’apprendre, c’est prendre le risque de comprendre ». « Poser des questions, demander des explications, c’est la première étape pour pouvoir s’opposer », sourit Jean-Pierre Brundu. Cette année, pour sa 29ème édition, la Fête de la science a choisi de mettre en avant la relation homme-nature.
Semaine de la Pop philosophie : du 2 octobre au 7 novembre, à Aix-Marseille, semainedelapopphilosophie.fr
Fête de la science : du 2 au 12 octobre partout en Paca, fetedelascience.fr
Université populaire Marseille Métropole : de 19h à 21h tous les lundis, upop.info