Les bouilleurs de cru
Pendant que, de Primaire en Primaire, les électeurs prennent un malin plaisir à démentir tous les pronostics des sondeurs et que François et Pénélope Fillon se débattent face aux soupçons d’emplois fictifs, une affaire révélée par Mediapart passe étonnement inaperçue. Elle met en lumière d’étranges pratiques dans les discrets couloirs du palais du Luxembourg. Les sénateurs du groupe UMP ont détourné durant douze ans plus de dix millions d’euros d’argent public. Débordants d’imagination, les élus de droite de la haute assemblée ont inventé des noms de code afin de qualifier entre initiés leurs petits arrangements : le classique « étrennes », le boutiquier « ristournes », le culinaire « pizzas », le désuet « bouilleurs de cru ».
Deux juges enquêtent, entravés par les délais de prescription et des mécanismes sciemment opaques, sur des faits de « détournements de fonds publics » et de « recel ». Parmi les bénéficiaires, au côté de l’inévitable François Fillon, l’on trouve tout en haut de la liste les débonnaires Jean-Claude Gaudin et Hubert Falco. Si tous affirment avoir ainsi financé des activités politiques, de nombreux indices attestent pourtant que l’argent a fuité sur des comptes personnels. Mais au fait, qu’est-ce qu’un bouilleur de cru ? C’était le privilège, transmis par héritage, de distiller de l’alcool sans payer de taxes : celui de s’exempter des règles communes. C’est aussi ce qu’ont fait, à Bruxelles, les élus du Front national soupçonnés « d’escroqueries en bande organisée ». Et c’est pourquoi le Parlement européen exige que Marine Le Pen rembourse 300 000 euros détournés pour des emplois fictifs…