Vivons heureux, vivons masqués
Pas de chance. Le Covid-19 signe son come back en pleine saison estivale. À Marseille, destination populaire ces vacances, le masque chirurgical fait désormais partie de la panoplie du touriste moyen. Arrêté préfectoral oblige, son utilisation est, depuis le 15 août, obligatoire dans les sept premiers arrondissements, ceux du centre-ville (Le 26 août, cette obligation a été étendue à l’ensemble de la ville ainsi que l’obligation de fermer les bars, restaurants et épiceries de nuit dès 23h00). Et les autorités, qui ont également prescrit le masque dans 13 autres communes des Bouches-du-Rhône, ne vont pas s’arrêter là. “Chaque jour au cours des trois prochaines semaines, une trentaine d’opérations de contrôle auront lieu dans l’ensemble du département soit plus de 700 opérations en tout”, nous explique la préfecture de police. Le message est clair : on ne rigole plus avec le masque !
Contrôler les récalcitrants
Selon les autorités sanitaires, la situation se dégrade particulièrement dans le « 13 », département où, avec Paris, la circulation du virus est la plus active. Le taux d’incidence – nombre de personnes testées positives sur 100 000 personnes – se hisse chaque jour un peu plus haut. Selon les derniers chiffres de l’Agence régionale de santé (ARS) de Paca, il est aujourd’hui dans la région de 55,2 contre 16,2 il y a deux semaines. Sébastien Debeaumont, directeur adjoint de l’ARS PACA, s’inquiète du recul des gestes barrières chez les jeunes : “L’essentiel des contaminations sont asymptomatiques et proviennent de cette classe d’âge. Le risque, ce sont les contaminations croisées vers les classes d’âges supérieures, plus fragiles. Ces dernières semaines, on commence à observer l’augmentation du taux d’incidence chez les plus vieux, ce qui pourrait se traduire, cette fois, par un passage à l’hôpital.” Sa solution ? Faire entrer le port du masque “dans la culture” d’un côté ainsi que “contrôler les récalcitrants” de l’autre.
Et dès le 15 août, la nouvelle municipalité s’est empressée de demander un coup de pouce de l’État. “Il ne serait pas concevable que les moyens humains nécessaires – notamment de police nationale – n’accompagnent pas les mesures fortes annoncées par le préfet”, souligne la Ville de Marseille dans un communiqué de presse. Deux jours plus tard, une compagnie de 130 CRS a aussitôt débarqué dans la cité phocéenne pour contrôler les Marseillais. L’opération serait déjà un franc succès. “À ce jour, nous notons une amélioration progressive de la situation : en effet, dans certaines zones le port du masque est respecté à 75 % ou 80 %”, nous affirme la préfecture de police. Sur le Vieux-Port, un imposant CRS, un peu lassé de répondre aux journalistes, confirme les propos de sa hiérarchie : “Globalement, ici les gens portent le masque. D’ailleurs, on fait plus de prévention que de verbalisation. C’est principalement des touristes, on ne veut pas assassiner leurs vacances… Par contre, si on nous prend de haut : ça tombe.”
« Fixation » au coude
Mais plus on s’écarte des zones touristiques, plus les visages se découvrent. En remontant le Cours Lieutaud, Emma porte nonchalamment le masque sur son menton. “Obligatoire ? s’étonne l’étudiante de 25 ans. Je croyais que c’était seulement dans quelques rues ! ” Notre CRS s’agace justement de ne pas contrôler en dehors des spots touristiques. “On nous fait patrouiller sur le Vieux-Port là où tout va bien, alors que trois rues plus loin on sait que les gens ne portent pas le masque”, peste-t-il. Un respect à géométrie variable que reconnaît la préfecture. Sans évoquer des premiers dérapages de la police auxquels nous avons pu assister : comme la verbalisation d’une personne faisant la manche sur le cours Julien.
“Selon les moments de la journée, ou dans des lieux plus éloignés du centre-ville, la règle est insuffisamment observée […] Pour ce faire, les forces de l’ordre joueront ici encore un rôle en cas de besoin« , martèle la préfecture. La facture peut s’avérer salée : 135 euros puis jusqu’à 1500 euros en cas de récidive dans les 15 jours et jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 3750 euros d’amendes pour les plus obstinés. Alors, les Marseillais joueront-ils le jeu ? En tout cas, pas le plus célèbre d’entre eux. Le professeur Raoult regrette l’obligation de porter des masques en extérieur et craint une « fixation » générant des « conflits » tout en questionnant l’ampleur et la morbidité de l’épidémie. Dans la rue, où nombreux sont toujours ceux qui portent leur masque au coude, certains en ont déjà assez. « Je suis allé me réfugier dans un café pour qu’on me laisse tranquille avec ça”, avoue Clémentine. Barmaid de profession, elle sait mieux que quiconque la respiration qu’offre un verre en terrasse.