Valérie Boyer sanctifiée par la primaire LR
Elle n’avait pas besoin de ça pour se faire remarquer au soir de la victoire de François Fillon à la primaire de la droite mais la croix en pendentif de Valérie Boyer l’a davantage ramenée au devant de la scène. Sur les réseaux sociaux, la porte-parole du gagnant s’est attirée de nouveaux fans comme Jacques Clostermann, candidat ex-FN aux législatives à Vitrolles, mais aussi de nouveaux ennemis comme l’essayiste Caroline Fourest.
Symbole heureux des « racines chrétiennes de la France » pour les uns, « signe religieux ostensible » pour les autres, Valérie Boyer a mis fin au débat : « Ce n’est pas un signe d’oppression. » Contrairement à ? L’histoire ne le dit pas mais le positionnement très à droite de l’élue peut donner quelques idées, surtout quand l’intéressée a déjà qualifié le voile de « signe d’allégeance à l’ennemi » (1).
Quoi qu’il en soit, la députée de l’est de Marseille apparaît comme la grande gagnante en région Paca de ce scrutin. Après le départ du président du département des Alpes-Maritimes Eric Ciotti pour la Sarkozye, elle est restée la dernière, ou presque, derrière Fillon, quand celui-ci végétait autour de 10 % dans les sondages. Depuis, l’élection a montré que les barons locaux étaient aussi forts pour désigner leur champion que les instituts de sondage. Hubert Falco, le maire de Toulon a soutenu Juppé, son homologue marseillais Jean-Claude Gaudin, le président de région Christian Estrosi ou encore Martine Vassal, la présidente du département des Bouches-du-Rhône, Sarkozy.
Alors, tout le monde est obligé de saluer le coup réussi par Valérie Boyer. Le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin a donné le ton : en cas de victoire de Fillon, « elle a toutes les chances d’être ministre ». Toute la droite imagine qu’elle héritera « au moins » du ministère de la Santé, elle qui a travaillé dans ce secteur puis porté ce sujet à l’Assemblée, s’opposant avec courage aux lobbies de l’industrie alimentaire pour interdire les publicités entre les programmes pour enfants (2).
En course pour la mairie
Dans la campagne qui démarre, elle pourrait garder son poste de porte-parole, ce qui devrait accroître sa notoriété. Tout cela contribue à repositionner la quinqua dans la course pour la mairie de Marseille en 2020, là où les autres prétendants, déclarés ou putatifs, ne peuvent miser sur un tremplin national. Lancée par Jean-Claude Gaudin en 2001, la députée-maire des 11ème et 12ème arrondissements n’est pas, contrairement aux autres prétendants, une proche du maire de Marseille. Elle sait qu’elle ne peut miser sur un adoubement par le sortant, en 2020 ou avant si Gaudin décide de passer la main en cours de mandat. L’autre soutien de Fillon à Marseille, Guy Teissier, a d’ailleurs réitéré son souhait d’une primaire de la droite qui pourrait favoriser Valérie Boyer.
D’ici là, Jean-Claude Gaudin l’a souligné devant quelques journalistes, il lui faudra aussi remporter une législative pas forcément évidente. Le Front national, emmené par le conseiller régional et ancien membre de l’UMP Franck Allisio, a fait de la circonscription un de ses objectifs. Comme à son habitude, la campagne de Valérie Boyer tire à droite et sur la corde sensible catholique des électeurs. « Elle a réussi à s’imposer dans des terres difficiles et face à la famille Masse [dynastie PS élue dans cette circonscription depuis la guerre, ndlr] en 2007 et a bien su choisir sa circonscription lors du découpage en 2007 », note Didier Réault, ex porte-parole d’Alain Juppé dans le département.
Pas que du positif
En cas de réussite pour elle comme pour Fillon, c’est effectivement un destin national qui pourrait s’offrir à elle. Va à Paris et reste z’y, semble être devenu le leitmotiv d’autres élus locaux qui ne l’apprécient guère. « Est-ce qu’une fois ministre, elle aura envie de se plonger dans les campagnes locales ? On ne sait pas. On a vu avec Marie-Arlette Carlotti lors des primaires de la gauche pour les municipales 2014 que ce n’était pas une garantie », affirme Yves Moraine, candidat déclaré au fauteuil de premier magistrat. « Je lui souhaite de jouer un rôle essentiel pour le pays », déclare à son tour Sabine Bernasconi, soutien d’un autre postulant, le député et premier adjoint Dominique Tian qui avait choisi Bruno Le Maire.
« Quel intérêt elle aurait à mettre les mains dans le cambouis ? Est-ce qu’elle préférerait une campagne municipale incertaine à un beau ministère ? », s’interroge encore un cadre du parti qui rappelle que « lors des votes internes, elle a toujours pris des taquets ». Membre de la droite populaire, elle avait échoué à imposer la candidature d’une de ses très proches, Isabelle Savon, aux départementales 2015, la droite locale lui a préféré Marine Pustorino, proche de Renaud Muselier et du président de la fédération LR, le sénateur Bruno Gilles.
Elle peine à imposer un successeur à la mairie d’arrondissements qu’elle devra abandonner pour cause de cumul des mandats si elle est réélue députée. Un autre rappelle qu’avec l’exposition accrue dont elle devrait bénéficier, « il n’y aura pas que du positif ». C’est ainsi que sa visite de courtoisie à Bachar El Assad, ou encore sa condamnation aux prud’hommes, révélée par Marsactu (2), pour harcèlement moral sur une ex collaboratrice, sont déjà republiés sur les réseaux sociaux. Pas forcément très charitable.
Jean-Marie Leforestier (Marsactu)
Enquête publiée dans le Ravi n°146, daté décembre 2016
MAJ 16/01/2017 Depuis la publication de cet article Valérie Boyer a été quelque peu rétrogradée dans l’organigramme du candidat Fillon : elle y figure désormais seulement comme co-responsable de la partie « faits, chiffres et arguments » aux côtés de six autres personnalités. Mais, en revanche, elle a hérité d’un joli lot de consolation en devenant la porte-parole des Républicains, le parti repris en main par les fillonistes après la défaite de Sarkozy.