Dans les calanques, la nature se reconfine
Seulement deux mois ont suffit pour que le parc national des Calanques connaisse un « réensauvagement rapide et exceptionnel », explique l’archéologue et photographe au laboratoire Méditérranéen de préhistoire Europe Afrique, Luc Vanrell. Faisant partie des rares chanceux à avoir pu observer les fonds marins pendant le confinement, il décrit un « milieu naturel magique » pour qui le déconfinement a été « une véritable catastrophe. Une agression qui a fait disparaître quasiment tout ce qui pouvait être sauvage sur le territoire du parc ».
Créé en 2012 le Parc National des Calanques (PNC) accueille entre 2 et 3 millions de visiteurs par an et s’étend sur 11 000 hectares, entre terre et mer. Il abrite ainsi une biodiversité florale et animale foisonnante, mais surtout fragile. Pour Luc Vanrell ces espèces sauvages « peinent aujourd’hui à [se] trouver un espace », tant le parc est fréquenté. Zacharie Bruyas, directeur de la communication du PNC s’accorde sur la surfréquentation car le parc enregistre 30% de visiteurs de plus en comparaison de l’année précédente. Il est néanmoins plus nuancé sur l’impact bénéfique du confinement et se refuse à « tirer des conclusions scientifiques » pour l’instant. « Il a eu un effet sur les oiseaux migrateurs, qui se posaient plus volontiers à des endroits où ils ne nichaient pas d’habitude » poursuit Zacharie Buryas. Mais malgré le « faisceau d’indices », des mesures concrètes ne seront possibles qu’en automne lorsqu’il sera possible d’observer si le nombre d’individus au sein de chaque espèce a augmenté.
Poubelles et barbecues
Pour la direction du PNC, ce sont surtout les incivilités qui pèsent sur le milieu naturel. Malheureusement rien de nouveau sous le soleil, mais cette année accuse une aggravation certaine. Zacharie Bruyas déplore avant tout le surplus de déchets mais aussi « l’incompréhension de certains publics qui saisissent pas forcément ce qu’entrer dans un espace naturel protégé implique. On ne va pas trouver de poubelles par exemple. Tout ce qu’on amène il faut être en capacité de le ramener ».
Le risque incendie reste la plus grave menace pour le parc, exacerbée par de bonnes idées comme celle de faire des barbecues sauvages. Mais c’est surtout à la pollution sonore liée aux bateaux et à la musique que se confrontent les autorités du parc. Les bateaux à moteur qui se multiplient dans l’espace marin du parc, toutes les activités sportives et les nombreux baigneurs causent une forte perturbation du milieu naturel. Également dans le viseur : les enceintes connectées, en mer comme sur terre. Au-delà de « l’atteinte au savoir-vivre » selon Zacharie Bruyas, c’est encore une fois les animaux qui en sont les principales victimes. « Ça annule tout ce qu’on avait gagné pendant le confinement. Les espèces ont dû partir », se lamente Luc Vanrell.
Ce que le confinement a vraiment permis selon Zacharie Bruyas c’est « une véritable prise de conscience, notamment de la part des marseillais, de la riche biodiversité du parc ». Rorquals, dauphins, marlins bleus, tortues Caouanne, autant d’espèces sauvages habituées du parc et dont l’observation a été bien plus facile lors du confinement. Beaucoup sont aujourd’hui repoussées vers l’extérieur du parc à cause de l’activité humaine considérablement plus importante qu’à la normale. Certains animaux, comme les dauphins, continuent de s’aventurer à proximité des humains malgré tout, mais la fascination de voir un animal sauvage dans la nature et l’effet de groupe semble faire oublier toutes les précautions élémentaires. Zacharie Bruyas tient à le rappeler : « on est pas à Marineland ! Les animaux sauvages peuvent être dangereux, un dauphin peut mordre, transmettre des maladies, charger et entraîner quelqu’un sous l’eau s’il se sent menacé. »
Pour autant le Parc national des Calanques ne souhaite pas mettre en place de numerus clausus à l’entrée du parc, privilégiant la pédagogie et la sensibilisation, surtout durant cette saison de surfréquentation.