Le retour du Ravi en kiosques, mais pour vendre à perte !
Le chiffre est aussi imparable que déprimant. Chaque exemplaire du Ravi vendu 4,40 euros dans le réseau presse ne nous rapporte rien. Pire : en 2019, il nous a coûté 70 centimes. La diffusion du mensuel régional pas pareil chez les marchands de journaux se fait donc totalement à perte. A l’inverse, nous encaissons sans intermédiaire la totalité du montant des abonnements, 44 euros l’abo annuel. Pour ce prix, de votre côté, vous payez 4 euros chaque exemplaire livré chez vous onze fois dans l’année et vous pouvez lire sur leravi.org, durant douze mois, nos nombreuses enquêtes et reportages publiés chaque semaine en ligne. Enfonçons le clou : si vous voulez financer notre indépendance tout en économisant quelques euros, souscrivez un abonnement. Et si vous ne voulez lire qu’un numéro ou même un seul article, c’est aussi, désormais, possible sur leravi.org, pour un euro le premier mois, 4,40 les suivants…
Mais revenons aux kiosques. Comment arrive-t-on à pareille contre-performance, à devoir payer pour être lu ? Afin de se diffuser chez les marchands de journaux, il faut passer par une coopérative, soit Presstalis, soit MLP (Messageries lyonnaises de presse). La première, en redressement judiciaire, devient France Messagerie. le Ravi est distribué par les MLP. Pour un petit titre comme le nôtre, distribué uniquement dans les six départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur, arriver à être visible est une gageure. Seuls les diffuseurs qui ont la puissance financière, souvent parce qu’ils vivent de la publicité, d’envoyer de nombreux exemplaires qui ne seront pas vendus parviennent à ne pas être « noyés » au milieu des nombreuses publications.
Bloqués dans les gares
le Ravi pour vendre un exemplaire en kiosque doit en imprimer quatre. Trois seront donc détruits sans avoir jamais été feuilletés. En 2019, le coût par an pour acheminer de l’imprimerie jusqu’aux MLP 20 500 exemplaires ensuite diffusés en kiosque s’est élevé à 2 500 euros. Ce n’est pas tout. Les MLP prélèvent sur chaque exemplaire vendu un pourcentage pour se rémunérer, beaucoup, ainsi que le vendeur de journaux, un peu. Le pourcentage dépend du volume des ventes et du ratio entre nombre d’exemplaires vendus et nombre d’exemplaires déposés. Pour nous, toujours en 2019, la commission prélevée par les MLP s’est élevée à 72 % du prix du numéro. Disons-le autrement : nous n’encaissons que 28 % du prix de vente. Il faut soustraire également des coûts liés à la fabrication des exemplaires destinés aux kiosques, qui restent heureusement marginaux.
Mais ce n’est toujours pas tout ! Nous devons aussi passer par un prestataire qui joue les intermédiaires avec les MLP pour faire les « réglages », c’est-à-dire déterminer à quels endroits et dans quelles quantités sont envoyés les exemplaires. La société qui travaille pour le Ravi le fait avec sérieux. Mais il y a un écart entre la théorie et la pratique. Nous essayons, par exemple, depuis plusieurs années, d’être présent systématiquement dans tous les points Relay des gares. Notre prestataire donne ainsi l’ordre d’y diffuser des exemplaires, notamment à Toulon et à Nice. MLP s’exécute et… les exemplaires ne sont jamais sortis des cartons dans les gares de Toulon et de Nice, malgré nos protestations répétées. le Ravi est ainsi non exposé dans de nombreux lieux où il est censé être vendu. Coût de la prestation par an : 3300 euros. Résumé sous forme de rappel : une fois soustraits les commissions, les prestations, les frais de diffusion et d’impression, pour chaque exemplaire vendu 4,40 euros nous perdons 70 centimes.
Rencontres impromptues
Lorsque toute la France a été confinée en mars, par précaution nous sommes sortis du réseau kiosques et n’avons imprimé, dès mai, le journal que pour les abonnés. Aux effets de la crise sanitaire du Covid se sont rajoutés ceux du dépôt de bilan de Presstaliss. Car, en Paca, MLP passe par la Sad (Société d’agence et de diffusion), filiale régionale de Presstaliss liquidée. Vous suivez toujours ? Concrètement, suite à un légitime mouvement social, la distribution de la presse a été, notamment à Marseille et dans le Var, très fortement entravée. Déstabilisant un peu plus un système à bout de souffle et, en bout de chaîne, des vendeurs de journaux paupérisés. Système dont la réforme, à l’issue incertaine, soumet de plus en plus la distribution de la presse aux logiques du marché, tournant le dos aux idéaux du Conseil national de la Résistance cherchant à garantir le pluralisme de la presse… Avec, partout, mois après mois, des points de vente qui baissent le rideau…
Conclusion ? Elle est paradoxale. Car nous voilà pourtant, avec ce numéro daté juillet-août, de retour chez les marchands de journaux ! Pourquoi ne pas les quitter ? La question est récurrente depuis des années dans les discussions de la rédaction et de la Tchatche, l’association qui édite le Ravi. Une fois de plus, nous avons fait le choix de ne pas nous priver des rencontres impromptues avec des nouveaux lecteurs dans les kiosques, maisons de la presse et autres marchands de tabac. Un journal est fait pour être lu. Partout. Tout le temps. Coûte que coûte. Y renoncer serait une perte d’une autre nature que financière. Mais nous ne sommes pas sûr de pouvoir vous offrir indéfiniment ce qui est devenu un luxe. Tout va dépendre de notre capacité à financer notre indépendance et en particulier de la courbe de nos abonnements. Ils sont en hausse depuis un an. Et il faut impérativement, grâce à vous, que cette hausse se poursuive.