Primaires & démocratie participative : « Une stratégie de relégitimation pour les élus »
Pourquoi cette prolifération de consultations et autres concertations citoyennes ?
Les primaires, comme la démocratie participative, sont des stratégies de relégitimation pour les élus. La meilleure preuve, c’est qu’ils décident des concertations. Ce sont eux qui proposent les dispositifs, donc les contrôlent. C’est une démocratie participative octroyée, instrumentalisée, écran de fumée.
Il n’existe pas de belles expériences ?
La démocratie participative a produit des effets. Certains élus sortent de ce cynisme parce qu’ils estiment que c’est la meilleure solution, notamment pour répondre à l’abstention. Même s’il y a beaucoup de « com » dans son initiative, Anne Hidalgo a par exemple alloué 500 millions d’euros à un budget participatif à Paris. Les citoyens arrivent aussi à se saisir du dispositif. Mais l’engouement pour la démocratie participative est retombé depuis cinq ans. Elle ne mobilise plus, comme on le constate dans les conseils de quartier où brille l’absentéisme. Les dernières échéances électorales – municipales, départementales, régionales – ont aussi montré que la démocratie participative est de gauche. Dans la région Hauts-de-France , la nouvelle majorité a déjà supprimé tous les dispositifs !
Quel est l’avenir de la démocratie participative ?
Un des problèmes, c’est l’échelle. La démocratie participative se pratique au niveau du quartier alors que la politique se joue aux niveaux intercommunal, départemental, régional. De plus, il n’y a pas eu de mouvement social sur cette question de la participation citoyenne. La seule initiative est celle des Pas sans nous [un collectif qui travaille sur la citoyenneté dans les quartiers populaires, Ndlr], qui demandaient des conseils citoyens autonomes. Mais ils ont été imposés par le haut et les élus [locaux] vont contre, ils les sabotent. La solution, c’est le « community organizing », comme les tables de quartier, une expérimentation menée par le collectif Pas sans nous qui a réussi à se faire financer (lire page 10). C’est de l’auto-organisation hors du pouvoir, accepté et financé par le pouvoir que l’on trouve notamment à Montréal (Canada). Mais je n’y crois pas. En France, les élus sont contre car cela les obligerait à abandonner le clientélisme, cette culture notabiliaire très ancienne à tous les niveaux de la vie politique. Une nouvelle culture managériale, du chef d’entreprise, s’est aussi imposée dans la gestion publique. Les élus pensent à tort que la participation citoyenne est opposée à l’efficacité car elle fait perdre du temps. Enfin, notre système politique est très personnalisé. Les élus redoutent ce qu’ils appellent « la machine à claques ».
Propos recueillis par Jean-François Poupelin
Entretien publié dans le Ravi n°144, octobre 2016