En Paca, l'abstention et la droite en force
Abstention, le rebond
Les municipales sont censées être les élections préférées des Français. Mais l’abstention a battu un record historique, le 28 mars, avec 60 % des électeurs ayant boycotté les urnes. En 2014, au second tour, elle s’élevait « seulement » à 38 %. Et cette fois-ci, contrairement au 15 mars dernier, l’épidémie de Covid-19 n’explique pas tout. Alors que, dimanche, les bureaux de vote étaient souvent clairsemés, les terrasses et les plages étaient bondées sans la moindre peur du virus. Et rares sont les villes qui ont échappé à la tendance. Assurés de la réélection de Christian Estrosi, 72 % des Niçois se sont abstenus. Mais le match incertain pour mettre un terme à un quart de siècle de gouvernance de droite a laissé tout aussi indifférents près de 65 % des Marseillais. De même que 62 % des habitants de La Seyne-sur-Mer ne se sont pas déplacés aux urnes pour tenter de conserver à gauche leur ville, une rareté pourtant dans le Var…
Marseille l’inattendue
Coup de tonnerre suite au long règne, à droite, de Jean-Claude Gaudin : après de multiples péripéties, hésitations et négociations, Michèle Rubirola a été élue, le 4 juillet, maire de Marseille. La deuxième ville de France est donc dirigée par une femme, écologiste (EELV), à la tête du Printemps marseillais (union de la gauche, des écologistes et de citoyens), avec le soutien de Samia Ghali (divers gauche). Martine Vassal, désignée par le maire sortant pour lui succéder, la puissante présidente LR du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la métropole, avait d’abord été battue dans le 4ème secteur de Marseille, un bastion de droite, par une novice en politique, Olivia Fortin, co-fondatrice du collectif Mad Mars et membre du Printemps marseillais. Autre fait marquant : la défaite du sénateur RN Stéphane Ravier avec la perte, dans le 13/14, de la mairie de secteur conquise par l’extrême droite en 2014.
LR a la peau très dure
En avril dernier, il y a donc une éternité puisque c’était dans le monde d’avant, le Ravi vous l’avait déjà annoncé : LR serait en Provence-Alpes-Côte d’Azur le grand gagnant du cru 2020 des municipales. La perte de Marseille trouble tout juste la fête. Renaud Muselier, le président LR du Conseil régional, déjà en campagne pour les élections régionales qui pourraient avoir lieu en mars 2021, claironne. Son « pacte de raison », à savoir sa consigne de faire taire les divergences à droite afin de conserver ou conquérir des villes, s’est parfois montré efficace.
Avec le soutien de LR, l’auto-proclamé « centriste » Patrick de Carolis est donc élu très confortablement maire d’Arles avec 57 % et une abstention relativement modérée (51,7 %). La Seyne-sur-Mer, la dernière grande ville varoise gérée par la gauche, plébiscite la LR Nathalie Bicais (44 %) malgré la concurrence de Sandra Torrès, conseillère régionale LR. Briançon, la capitale des Hautes-Alpes, bascule aussi à droite avec l’élection du jeune LR Arnaud Murgia, 35 ans, avec 49 %. La gauche y était divisée entre le maire PS sortant, Gérard Fromm (30,7 %) et la liste citoyenne conduite par Aurélie Poyau (20,3 %). A Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence, malgré une quadrangulaire compliquée et une liste de gauche et citoyenne dynamique, le jeune Camille Galtier (LR), 29 ans, conserve à droite la ville. Toujours dans le 04, et toujours aux dépens d’une liste de gauche citoyenne, c’est le LR David Géhant qui, avec 53 %, se fait élire dans la ville de Christophe Castaner.
Retour dans les Bouches-du-Rhône où la métropole, dirigée par Martine Vassal, renforce son ancrage à droite avec l’élection à Gardanne, bastion du communisme municipal, du LR Hervé Granier (35,7 %) profitant des divisions de la gauche pour succéder au long règne, durant 43 ans, de Roger Meï. De même, à Allauch, suite au décès de Roger Povinelli, c’est le jeune LR, 36 ans, Lionel de Cala qui emporte la mairie. Mais halte au jeunisme ! A Aix-en-Provence, Maryse Joissains, la Balkany provençale condamnée pour détournement et prise illégale d’intérêt, menacée d’une peine d’inéligibilité, est quand même confortablement réélue (43,53 %) à 77 ans pour un quatrième mandat.
Afin de clore en beauté cette longue liste, loin d’être exhaustive, rappelons la réélection de Christian Estrosi, réélu à Nice avec 59 % pour un troisième mandat mais avec seulement 27 % de participation. Qu’importe le style pourvu qu’on ait l’ivresse !
Le Front patine
Bonne nouvelle ! L’extrême droite perd trois mairies. Celle du 7ème secteur à Marseille au détriment de Stéphane Ravier, sénateur et leader du RN dans les Bouches-du-Rhône : une défaite très symbolique qui contraste avec la réélection dès le premier tour de David Rachline à Fréjus, de fait le nouveau numéro 1 frontiste en Paca. Mais le RN perd aussi dans le Var Le Luc au profit de Dominique Lain (divers centre, 55,7 %). Et dans le Vaucluse, Marie-Claude Bompard, depuis 12 ans aux affaires, est éjectée par Antony Zilio (divers centre, 51,8 %). Ce qui n’empêche pas son époux, Jacques Bompard, reconnu coupable de « prise illégale d’intérêt », de rempiler pour un cinquième mandat à Orange avec 56,3 %. Reste que le RN échoue à conquérir, à Carpentras, Cavaillon, autour de l’étang de Berre, la moindre nouvelle ville…
Les gauches à l’épreuve
Après un mandat marqué par les divisions dans sa majorité, une campagne tendue, et malgré la concurrence d’une liste EELV, Cécile Helle, la maire PS d’Avignon, est confortablement réélue (45,6 %) pour un deuxième mandat. Mais dans la cité des Papes la participation a plafonné à 32 %. La mandature s’annonce complexe avec la nécessité de composer avec une métropole qui pourrait s’avérer d’une autre couleur politique…
La France Insoumise, dispersée dans une multitude de listes « citoyennes » et/ou d’union des gauches, ne perce nulle part en dehors de la victoire de Sophie Camard, qui pourrait donc devenir maire du 1er secteur à Marseille. Mais la suppléante de Jean-Luc Mélenchon, élue sous les couleurs du Printemps marseillais, n’a pas été investie par LFI. Le PCF – assailli à Arles, Gardanne – même s’il a conservé haut la main au premier tour Martigues, a échoué à reconquérir Aubagne où le maire sortant LR, Gérard Gazay, a été réélu pour un deuxième mandat avec 48 %…
Le PS a mieux résisté en conservant certains bastions municipaux dans les Bouches-du-Rhône au premier tour. Rare victoire au détriment de la droite ce second tour : à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume dans le Var, le divers gauche Alain Decanis s’est fait élire avec 47,5 % en battant Christine Lanfranchi-Dorgal, sénatrice apparentée LR, qui échoue à reprendre le flambeau de son père, le maire sortant de droite Horace Lanfranchi.
Et la vague verte nationale ? A part les scores de Michèle Rubirola à Marseille, on l’attend toujours, comme Brice de Nice avec sa planche, en Paca. C’est d’ailleurs à Valbonne dans les Alpes-Maritimes, que Joseph Cesaro, à la tête d’une liste « Futur et nature« , opposée au projet de la zone commerciale « Open Sky », s’est fait élire maire avec 45,4 %… Et il a battu Marc Daunis, le sénateur socialiste du « 06 » !